Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2015, présentée pour M.B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 février 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré, au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur de droit entachant le refus de titre de séjour et la décision fixant le pays de renvoi ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur de droit ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
M. B...a été régulièrement averti du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.
1. Considérant que M.B..., de nationalité sri-lankaise, né le 28 octobre 1988, déclare être entré irrégulièrement en France le 7 décembre 2011 ; que l'asile lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 mai 2013 ; que, le 23 mai 2013, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 31 mai 2013, le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que, par jugement du 26 septembre 2013, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions et enjoint au préfet de réexaminer la demande de l'intéressé ; que le 30 septembre 2014, le préfet de la Nièvre lui a de nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi ; que M. B...fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces dernières décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que devant le tribunal administratif de Dijon, M. B...a invoqué, contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des risques qu'il encourrait au Sri Lanka et, contre la décision désignant le comme pays de renvoi, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en ne tenant compte que des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile lui refusant l'asile ; que le tribunal administratif a omis d'examiner ces moyens, qui n'étaient pas inopérants ; que le jugement attaqué est, par suite, entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. B...dirigées contre ces deux décisions ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Dijon dirigées contre le refus de titre de séjour et la décision fixant le pays de renvoi et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur celles de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que la décision du 30 septembre 2014, par laquelle le préfet de la Nièvre a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte la motivation exigée par la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu notamment des motifs que comporte la décision en litige, il ne ressort des pièces du dossier ni que le préfet de la Nièvre n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B...avant de lui refuser un titre de séjour, ni qu'il a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en négligeant de tenir compte des risques qu'il encourrait au Sri Lanka ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. " ;
7. Considérant que M. B...soutient que sa vie serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, et notamment dans sa région qui connaît une situation de conflit et de violence, du fait de son appartenance à l'ethnie tamoule et du soutien qu'il a apporté aux combattants des Tigres Libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE) qui lui ont valu d'être emprisonné de 2008 à 2011 et de subir des mauvais traitements durant sa détention ; qu'il fait valoir également qu'il vit en France depuis 2011, qu'il a consenti des efforts d'insertion en apprenant la langue française et qu'il bénéficie de nombreux soutiens ainsi que d'une promesse d'embauche ; que toutefois, M. B...n'établit pas, par son récit ainsi que par les documents qu'il fournit et notamment les articles et communiqués de presse d'Amnesty international décrivant la situation générale au Sri Lanka, l'attestation sous serment de son père, celle du prêtre de sa paroisse ou encore celle de la Croix-Rouge, dépourvues de force probante, ainsi que par les certificats médicaux faisant état de lombalgies et de cicatrices, la réalité des évènements qu'il allègue avoir vécus au Sri Lanka et des risques qu'il encourrait en cas de retour dans ce pays, où son père affirme que le conflit ethnique a cessé ; qu'en outre, s'il produit une promesse d'embauche pour un emploi en cuisine et service dans un établissement de restauration rapide, célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucune insertion sociale particulière sur le territoire français et conserve de fortes attaches au Sri Lanka, où résident notamment ses parents ; qu'ainsi, M. B...ne justifie ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Nièvre n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ou en tant que salarié, sur le fondement dudit article L. 313-14 ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). " ;
9. Considérant que M. B...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 30 septembre 2014 ; qu'ainsi, à la même date, il était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas illégale, M. B...n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle l'obligeant à quitter le territoire français ;
11. Considérant, en troisième et dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision en litige, l'obligation faite à M. B...de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
12. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'autorité administrative, à titre exceptionnel, d'accorder au ressortissant étranger à qui il est fait obligation de quitter le territoire français un délai de départ volontaire supérieur à trente jours eu égard à la situation personnelle de l'intéressé ;
13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle de M. B...justifiait l'octroi d'un délai dérogatoire au délai de droit commun de trente jours pour quitter volontairement le territoire français ; que le requérant se borne à faire valoir, de façon insuffisamment circonstanciée, son intégration en France et la situation de précarité dans laquelle il se retrouverait au Sri Lanka ; que, dès lors, la décision par laquelle le préfet de la Nièvre lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
14. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des mentions de la décision contestée, qui indique qu'il n'est pas établi que l'intéressé soit exposé à des peines et traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, que le préfet se soit estimé lié par les refus d'asile opposés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile pour prendre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
16. Considérant que M. B...soutient encourir des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de la situation de violence sévissant dans ce pays et de son appartenance à l'ethnie tamoule et du soutien qu'il a apporté aux combattants des Tigres Libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), qui lui ont valu d'être emprisonné de 2008 à 2011 et de subir des mauvais traitements durant sa détention, d'être toujours recherché et à ses parents d'être inquiétés ; que toutefois, ainsi qu'il l'a été dit plus haut, M. B...n'établit ni la réalité des persécutions alléguées, ni l'existence de menaces actuelles et personnelles auxquelles il serait exposé en cas de retour au Sri Lanka ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision désignant ce pays comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté comme non fondé ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est fondé, ni à demander l'annulation des décisions du 30 septembre 2014, par lesquelles le préfet de la Nièvre lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et la décision lui accordant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français ;
18. Considérant que le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. B...à fin d'injonction doivent être rejetées ;
19. Considérant que les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme au conseil de M. B..., au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 février 2015 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. B...dirigées contre les décisions du préfet de la Nièvre du 30 septembre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 février 2016.
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N° 15LY02065 2
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