Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2020 et le 10 août 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 février 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Isère du 10 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ; subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le centre de la vie privée et familiale de son épouse est en France, ainsi que l'ont jugé le tribunal administratif de Grenoble et la cour administrative d'appel de Lyon ; ses attaches familiales en France sont réelles et intenses, de même que celles de son épouse ; une procédure de regroupement familial aurait des conséquences disproportionnée sur leur vie privée et familiale dans la mesure où ils ont un enfant en bas âge et qu'il serait difficile pour sa femme d'élever seule son enfant tout en trouvant un emploi lui permettant de disposer des ressources suffisantes ;
- pour les mêmes raisons, la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les observations de Me A..., représentant M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 23 avril 1993, de nationalité kosovare, est entré en France le 15 décembre 2014, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 6 juillet 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 janvier 2017. Il a déposé le 30 janvier 2017 une demande de titre de séjour au regard de son état de santé, laquelle a été rejetée le 27 février 2018. Le 12 juin 2018, il a présenté une nouvelle demande d'admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2019 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de titre de séjour du 10 décembre 2019, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. C... invoque son mariage, le 30 septembre 2017, avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et la naissance de leur fille, Keila, le 22 août 2018. Il résulte toutefois des pièces du dossier que M. C..., après avoir passé la majeure partie de sa vie au Kosovo, est entré irrégulièrement en France en 2014 et s'y est maintenu malgré le rejet de sa demande d'asile puis le rejet de sa demande de titre de séjour au regard de son état de santé en 2018. Le requérant ne justifie d'aucune insertion professionnelle et s'il fait valoir la présence en France de ses parents et de sa fratrie, il ressort des pièces du dossier que ces derniers séjournent, comme lui, irrégulièrement en France. Par ailleurs, si l'épouse de M. C... est titulaire d'un titre de séjour " vie privée et familiale " délivré en raison de la qualité de son insertion dans la société française, se traduisant par une scolarité réussie, il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, en particulier au Kosovo, pays dont les deux époux ont la nationalité. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus d'admission au séjour ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts pour lesquels elle a été prise. Il suit de là que le moyen tiré de ce qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. C....
4. M. C... soutient également que la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, dès lors que rien ne fait obstacle à ce que le foyer de M. et Mme C... se reconstitue au Kosovo, cette décision ne peut être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de séparer l'enfant du couple né le 22 août 2018, d'un de ses parents ou d'empêcher l'un de ceux-ci de continuer de pourvoir à son éducation et à ses intérêts matériels et moraux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par la convention internationale relative aux droits de l'enfant, n'est pas fondé.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
5. La décision refusant à M. C... un titre de séjour n'étant pas illégale, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment l'atteinte à la vie privée et familiale invoquée par M. C... et la méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant ne sont pas établies. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent, dès lors, être écartés, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. Enfin, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.
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N° 20LY01485
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