Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 avril 2021, M. B..., représenté par Me Barioz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4 ) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'erreur de droit ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Par une décision du 2 juin 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né le 1er juillet 1985, est entré en France le 12 juin 2012, selon ses déclarations, et a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 14 mai 2013 et le 21 juillet 2015. Sa demande a été rejetée par une décision du 7 décembre 2015 assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 7 septembre 2016. M. B... a de nouveau sollicité, le 17 janvier 2018, son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 janvier 2020, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement rejeté sa demande d'admission au séjour, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B... fait valoir qu'il séjourne en France depuis 2012, qu'il réside chez son frère qui est marié à une ressortissante française, qu'il prend soin de sa nièce née en 2015 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant ne s'est jamais vu délivrer de titre de séjour en France, qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et qu'il n'établit pas la réalité ni la continuité de son séjour sur le territoire au cours de l'ensemble de la période qu'il invoque. Il n'établit pas davantage que sa présence auprès de son frère et de sa belle-sœur est indispensable, ni qu'il serait la seule personne susceptible de prendre soin de sa nièce. La circonstance qu'il soit titulaire d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour. Enfin, M. B..., qui est âgé de trente-cinq ans, célibataire et sans enfant, ne démontre pas être dépourvu de toute attache privée et familiale en Turquie, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses parents et trois de ses frères. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
5. En second lieu, et pour les motifs qui précèdent, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
6. Pour les motifs qui précèdent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par M. B... de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
8. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Pour adopter la décision d'interdiction de retour, le préfet de l'Isère a pris en considération la durée de la présence sur le territoire français de M. B..., la circonstance qu'il est célibataire et sans enfant, l'absence d'attaches familiales intenses et stables en France, l'existence d'attaches familiales en Turquie où résident des membres de sa famille proche, la circonstance que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public et le fait qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Compte tenu de ces éléments, le préfet n'a pas inexactement appliqué le III précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour en France d'une durée d'un an. Si le requérant fait état de la présence en France de son frère et de la durée de son séjour sur le territoire français, d'une part, la continuité de son séjour en France n'est pas établie pour l'ensemble de la période invoquée, et, d'autre part, la présence en France d'un de ses frères qui y a créé sa famille n'est pas de nature, alors que le requérant est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales en Turquie où résident les autres membres de sa famille et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans, à caractériser des circonstances humanitaires pouvant justifier que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant de prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
10. En second lieu, et pour les motifs qui précèdent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.
La rapporteure,
A. Evrard Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01060