Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021, M. B... A..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100802 du 16 avril 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 25 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4 ) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
le jugement attaqué écarte le moyen tiré d'une méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants sans aucune motivation ;
la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il s'est marié en avril 2018 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, avec laquelle il a eu deux enfants nés en France en 2019 et 2020, son épouse étant également la mère d'un enfant de nationalité française ; son épouse ne remplit pas les conditions nécessaires pour qu'il bénéficie d'une procédure de regroupement familial alors que l'obtention d'un visa est incertaine ;
la même décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 25 janvier 2021, le préfet du Rhône a obligé M. B... A..., né le 20 janvier 1985 en Algérie, à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours en fixant le pays de renvoi. Par jugement du 16 avril 2021, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Comme l'oppose le requérant, il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a écarté le moyen tiré d'une méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant sans aucune motivation. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 25 janvier 2021.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône du 25 janvier 2021 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme D... C..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement de la direction des migrations et de l'intégration de la préfecture du Rhône, qui bénéficiait, selon l'arrêté du préfet du Rhône du 12 octobre 2020, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du 13 octobre 2020, accessible tant au juge qu'aux parties, d'une délégation pour signer un acte de cette nature en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E..., directrice des migrations et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté litigieux manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. M. A... fait valoir qu'il s'est marié le 14 avril 2018 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, avec laquelle il a eu deux enfants, nés le 4 février 2019 et le 8 mai 2020. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a présenté le 19 janvier 2017 une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 14 avril 2017, décision confirmée le 29 septembre suivant et s'est maintenu depuis cette date en situation irrégulière. M. A... n'établit, ni même n'allègue, une communauté de vie avec son épouse antérieure à la date du mariage qui est récent au regard de la décision attaquée. Si M. A... soutient que son épouse a également un enfant de nationalité française, né d'une précédente union, il ne soutient, ni même n'allègue, qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien de cet enfant ou que cet enfant serait empêché d'accompagner sa mère en Algérie. Si Mme A... est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, elle a la même nationalité que son époux et leurs deux enfants et rien ne fait donc obstacle à ce que la famille se reconstitue en Algérie, pays dans lequel l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans et où il n'est pas dénué d'attaches familiales. Enfin, M. A... ne se prévaut d'aucun élément d'intégration dans la société française et a été interpellé le 25 janvier 2021 pour des faits de violences conjugales. La circonstance que le préfet du Rhône ait mentionné que l'intéressé pouvait obtenir un visa auprès des autorités consulaires est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a porté une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en prenant la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré d'une violation de l'article 8 de la convention précitée et de l'article 6 de l'accord franco-algérien peut être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Comme indiqué au point 5, la décision querellée n'implique pas la séparation durable de la famille dès lors que M. A... peut prétendre au bénéfice du regroupement familial ou que la famille peut se reconstituer en Algérie, pays dans lequel les enfants du couple pourront entreprendre une scolarité. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée peut être écarté.
8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision querellée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Il découle des points précédents que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à en exciper l'illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
10. Il découle de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 25 janvier 2021 ne peuvent être accueillies, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100802 du 16 avril 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information, au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
* M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
Le rapporteur,
J-P. GayrardLe président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY01361 2