Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2016, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 1er septembre 2015 pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte, et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- en considérant que le demandeur doit avoir rompu tout lien avec sa famille restée dans son pays d'origine, et que la seule condition de l'absence de justification de son isolement dans son pays d'origine suffisait pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet du Rhône a entaché sa décision d'erreur de droit ;
- pour ce même motif, le jugement du tribunal administratif de Lyon est entaché d'erreur de droit ;
- le préfet ne pouvait s'abstenir d'examiner la globalité de sa situation et notamment le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation ; il obtenu son titre professionnel et son certificat d'aptitude professionnelle ;
- il a fui de l'Albanie en raison des violences intra familiales dont il faisait l'objet de la part de son père qui a interdit à son épouse et sa fille tout contact avec lui ;
- ce refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il n'a plus de lien avec sa famille restée dans son pays d'origine du fait des violences exercées par son père ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où son éloignement interromprait nécessairement son projet professionnel ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né le 22 octobre 1996, est entré en France le 30 octobre 2013 selon ses déclarations alors qu'il était mineur. Pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Rhône à l'âge de dix-sept ans et vingt-huit jours, M. A... a sollicité, à sa majorité, un titre de séjour en qualité de " salarié " ou de " travailleur temporaire " en application des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-15 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par jugement du n° 1504205 du 11 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 26 mars 2015 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de cent vingt jours et fixé le pays de destination, ainsi que sa décision du 5 mai 2015 portant placement en rétention administrative de l'intéressé. Par un jugement du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus de titre de séjour en date du 26 mars 2015 et rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions en date du 1er septembre 2015, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas de renvoi. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions préfectorales du 1er septembre 2015.
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A... sur le fondement de l'article L. 313-15 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir relevé que l'intéressé avait intégré en septembre 2014 une formation en mécanique automobile afin de se présenter à l'examen du titre professionnel en juin 2015, que les appréciations sur son dernier bulletin trimestriel faisaient état de très nombreuses absences et qu'il n'avait pas été admis à l'examen professionnel en juin 2015, prenant en compte l'avis de la structure d'accueil sur son insertion et son interpellation le 4 mai 2015 en possession d'un poing américain, arme de catégorie D, le préfet du Rhône a estimé qu'il ne justifiait ni du caractère sérieux de sa formation, ni de son isolement allégué en cas de retour en Albanie où réside sa famille. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait omis de procéder à un examen global de sa situation conformément aux dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Si M. A... soutient ne plus avoir de liens avec sa famille du fait des violences de son père à son égard qui auraient justifié son départ d'Albanie, il n'établit pas la rupture alléguée de ses liens avec sa famille présente en Albanie. Si, par ailleurs, il se prévaut du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation par l'obtention, postérieurement à la décision attaquée, de son diplôme professionnel en octobre 2015, en faisant valoir qu'il n'a pu obtenir son titre professionnel et son certificat d'aptitude professionnelle en juin 2015 du fait de son placement en rétention administrative, son insertion dans la société française est contredite par le fait qu'il a été interpellé à quatre reprises en possession de produits stupéfiants et d'une arme de poing. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Toutefois, les circonstances invoquées par M. A..., selon lesquelles son père interdirait à sa mère et à sa soeur d'entrer en contact avec lui, il n'aurait plus de lien en Albanie et souhaite construire sa vie en France ne sont pas de nature à établir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". M. A... s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
8. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. Pour les motifs précédemment énoncés, M. A... ne disposait d'aucun droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'un droit à poursuivre un projet professionnel. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme C..., première conseillère,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
N°16LY03483 2
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