Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté de transfert du 22 janvier 2018 du préfet de l'Ardèche ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de réexaminer sa demande d'asile dans le délai de trois jours et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de transfert est prise en méconnaissance de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est dépourvue de base légale ;
- prise en méconnaissance des articles 4 et 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la décision de transfert est entachée d'un vice de procédure qui l'a privé d'une garantie essentielle dans la procédure de désignation de l'Etat responsable de sa demande d'asile ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- la décision litigieuse a méconnu l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert est entachée d'erreur de fait, d'insuffisance de motivation et d'absence d'examen sérieux ;
- eu égard aux difficultés rencontrées par les autorités italiennes pour garantir les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans le respect des normes européennes, et en raison de sa situation de vulnérabilité, en refusant de faire jouer la clause dérogatoire de l'article 17 du règlement de Dublin à son bénéfice, le préfet a entaché sa décision de transfert d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2019, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et que l'intéressé ayant embarqué le 21 mars 2018 pour l'Italie, il n'y a pas eu de report du délai de transfert.
M. E... C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tchadien né le 9 avril 1990, relève appel du jugement du 15 mars 2018, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche en date du 22 janvier 2018 ordonnant son transfert vers l'Italie en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur la régularité de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile :
En ce qui concerne la date d'enregistrement de sa demande d'asile :
2. Le premier alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose à tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de se présenter en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de cette demande. Aux termes du deuxième alinéa de cet article : " L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. ". Le droit d'asile implique, s'agissant des étrangers qui sont présents sur le territoire français sans avoir déjà été admis à résider en France, l'enregistrement de leur demande d'asile par l'autorité compétente dans les trois jours de sa présentation dès lors que cette demande est assortie des indications et documents requis à l'article R. 741-3 du même code.
3. Les décisions par lesquelles l'autorité administrative décide de transférer un étranger à l'Etat compétent pour examiner sa demande d'asile ne sont pas prises pour l'application de la mesure par laquelle le préfet lui a, en début de procédure, délivré une attestation de demande d'asile. L'enregistrement de la demande d'asile matérialisé par la délivrance d'une telle attestation ne constitue pas davantage la base légale de la décision de transfert. Par suite, le moyen invoquant le caractère tardif de l'enregistrement de la demande d'asile au regard des dispositions précitées ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre la décision par laquelle le préfet, après consultation des autorités compétentes, décide le transfert de l'intéressé vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale. M. C... soutient que c'est la méconnaissance du délai de trois jours imparti à l'autorité compétente pour enregistrer la demande d'asile qui a conduit à retenir l'Italie comme étant l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que ce moyen est inopérant.
4. Il est constant que la décision de transfert litigieuse est la résultante de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile au sens du règlement, conduite à compter du 4 août 2017, date à laquelle M. C... a introduit sa demande de protection internationale auprès des services de la préfecture du Rhône. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...aurait formé une demande d'asile antérieure à cette date. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir, en se référant à sa présentation au centre d'étude de situation administrative à la préfecture de Police de Paris, le 16 juin 2017, que la procédure serait irrégulière pour défaut de délivrance à cette date des brochures d'information prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, pour absence d'entretien individuel..
En ce qui concerne la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile :
S'agissant de l'obligation d'information du demandeur d'asile en application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et du moyen tiré de l'erreur de fait :
5. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile doit se voir remettre, en début de procédure, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, en temps utile pour être mis à même de mesurer les enjeux attachés au fait de porter à la connaissance de ces autorités des informations relatives à la présence de membres de la famille dans un Etat membre ou aux raisons humanitaires susceptible de justifier l'examen de la demande dans un Etat membre déterminé, et de présenter, de manière utile et effective, les éléments permettant de déterminer l'Etat qui devra se prononcer sur leur demande de protection internationale et les motifs qui légitimeraient que l'autorité déroge à l'application des critères de détermination de cet Etat. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de cette information, la remise par l'autorité administrative des brochures prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'autorité compétente a méconnu son obligation d'information en temps utile prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et si le demandeur d'asile a été privé de la garantie y afférente. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. A l'occasion de l'entretien individuel mené à la préfecture du Rhône le 4 août 2017 ont été remis à M. C... le guide d'accueil du demandeur d'asile en langue arabe, ainsi que les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", également en langue arabe, qu'il a déclaré comprendre. Si l'intéressé conteste ce fait, il ressort des pièces du dossier qu'en signant le compte rendu de l'entretien individuel, il a formellement reconnu avoir été informé et avoir bénéficié de la délivrance de ces documents dans une langue comprise par lui. Ainsi, le demandeur doit être regardé comme ayant reçu en temps utile toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations, conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en méconnaissance du droit à l'information du demandeur garanti par les dispositions de l'article 4 du règlement manque en fait.
8. La circonstance que la copie des brochures qui lui ont été remises en langue arabe ne figure pas parmi les pièces du dossier soumis au juge de l'excès de pouvoir n'est pas de nature à démontrer le défaut d'information allégué. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait quant à l'absence de délivrance des brochures d'information dans une langue comprise par le demandeur d'asile doit être écarté.
S'agissant de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
9. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déposé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture du Rhône et a bénéficié, le 4 août 2017, d'un entretien individuel avec un agent de la préfecture, dûment qualifié conformément aux exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013. Aucune disposition de ce règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'implique que cet agent soit tenu de mentionner son nom sur la fiche relatant cet entretien, ni qu'il y appose sa signature afin d'être identifié. Au cas d'espèce, le compte rendu de cet entretien figurant au dossier précise que celui-ci a été conduit par un agent qualifié de la préfecture du Rhône dont il mentionne les initiales et que l'entretien a été traduit par Monsieur A...interprète Office français de l'immigration et de l'intégration en langue arable, langue que M. C... a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au regard des dispositions de l'article 5 du règlement doit être écarté.
En ce qui concerne la motivation de la décision de transfert :
11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi [...] que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) ".
12. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant d'un pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre en charge doit être motivée, et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
13. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer, en application des critères du règlement, que l'examen de sa demande d'asile relevait de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation faisant apparaître le critère du règlement retenu pour déterminer l'Etat responsable.
14. S'agissant d'un étranger présentant une demande d'asile, dans les conditions posées par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, pour lequel il est établi, conformément au paragraphe 1 de l'article 13 de ce règlement, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3 de ce même règlement, notamment des données visées au règlement (UE) " Eurodac " n° 603/2013, que le demandeur est entré irrégulièrement sur le territoire d'un des Etat membres en provenance d'un pays tiers, cet Etat membre étant en application du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 responsable de l'examen de sa demande d'asile pour une période de douze mois suivant le franchissement irrégulier de sa frontière. et devant, en conséquence, faire l'objet d'une demande de prise en charge par cet Etat responsable, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que les empreintes du demandeur ont été avant son entrée irrégulière sur le territoire français, enregistrées sur le territoire de cet Etat membre, et fait apparaître qu'il est fait application du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement Dublin.
15. La décision en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et indique que lors de sa présentation au guichet de la préfecture le 4 août 2017, une attestation de demande d'asile en procédure Dublin a été remise à M. C... au motif qu'il ressortait du fichier Eurodac, après confrontation avec les bases de données européennes, que ses empreintes avaient été relevées en Italie le 26 mai 2017, et que les autorités italiennes, saisies le 25 août 2017 par la préfecture du Rhône d'une requête aux fins de prise en charge en application du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement susvisé, s'étant abstenues de répondre explicitement, ont accepté en application du paragraphe 7 de l'article 22 à l'expiration d'un délai de deux mois, par un accord implicite, leur responsabilité dans l'examen de sa demande d'asile le 25 octobre 2017. La décision précise qu'un avis de confirmation leur a été adressé le 20 novembre 2017. Ainsi cette décision satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'examen porté par le préfet sur sa situation :
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ardèche aurait entaché sa décision de transfert vers l'Italie d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. C... au regard de son droit au séjour sur le territoire français au titre de l'asile et de la mise en oeuvre de la procédure de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale.
En ce qui concerne l'application de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
17. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20 , paragraphe 2, requérir, cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées, en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".
18. L'article 21, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 fait obstacle à ce qu'une requête aux fins de prise en charge puisse être valablement formulée plus de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale, même si cette requête est formulée moins de deux mois après la réception d'un résultat positif Eurodac au sens du paragraphe 2 de ce même article.
19. Pour le même motif qu'énoncé précédemment, tiré de ce que, contrairement à ce que M. C... soutient, le délai susmentionné n'a pas couru à compter du 16 juin 2017, date à laquelle il s'est présenté au centre d'étude de situation administrative de la préfecture de police de Paris, mais seulement à compter du 4 août 2017, date à laquelle sa demande de protection internationale est parvenue à l'autorité compétente après réception d'un résultat positif Eurodac, au sens des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, la demande de prise en charge de M. C..., adressée aux autorités italiennes le 25 août 2017, est intervenue avant l'expiration du délai de trois mois suivant l'introduction de sa demande d'asile, auprès des services de la préfecture du Rhône le 4 août 2017, et du délai de deux mois suivant le résultat positif Eurodac, reçu à cette même date.
En ce qui concerne l'application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 et du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
20. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ".
21. Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, alors même que cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés par le règlement Dublin, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
22. M. C..., qui se prévaut de sa situation de vulnérabilité, sans en préciser la cause, soutient que les autorités italiennes submergées par un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'assurer son accueil et l'instruction de sa demande de protection internationale dans des conditions conformes au doit de l'Union européenne. Toutefois, les informations d'ordre général qu'il invoque, ne permettent pas de considérer que les autorités italiennes, qui ont implicitement donné leur accord à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises, ne seraient pas en mesure d'assurer sa protection et de procéder à l'examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile en termes d'accueil et d'examen particulier de sa demande, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de l'Ardèche n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne décidant pas que la France se substitue à l'Italie pour procéder à l'examen de sa demande de protection internationale.
23. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
24. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. C... au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 mai 2019.
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N° 18LY02263
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