Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 mai 2015 et des mémoires, enregistrés le 9 octobre 2015, 19 novembre 2015, la SARL Batigimm, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 30 avril 2015 ;
2°) à titre principal de lui accorder la décharge de la pénalité contestée ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la majoration de 40 % en lui accordant une remise de 9 962 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Batigimm soutient que :
- l'importance des droits de taxe sur la valeur ajoutée éludés et la persistance de l'omission sur deux années ne permet pas à l'administration fiscale d'apporter la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée d'éluder l'impôt, alors qu'elle refuse de prendre en compte la régularisation ultérieurement opérée par la SARL, spontanément avant la vérification de comptabilité, et l'existence corrélative de l'omission de taxe sur la valeur ajoutée déductible ;
- les omissions résultent de difficultés la comptabilisation des opérations et dans la gestion administrative qui a été un peu délaissée au titre des années 2009 et 2010, période de restructuration des activités ; le gérant est un homme de terrain qui travaille un nombre d'heures considérable ;
- la qualité de professionnel de l'immobilier de M. A... ne peut à elle seule motiver l'existence d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ; la jurisprudence n'est pas transposable ; la SARL Batigimm n'a commis aucun acte contraire à l'intérêt de son activité ; elle n'a jamais fait l'objet de redressements antérieurs en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ni de recommandation de la part de l'administration fiscale ;
- l'analyse du tribunal administratif de Grenoble est contraire à la jurisprudence et repose sur une présentation subjective des faits ; le maintien de la majoration de 40 % n'est pas justifié par la seule référence au montant et à la répétition des omissions de taxe sur la valeur ajoutée collectée ;
- le montant de taxe sur la valeur ajoutée à retenir ne peut se référer uniquement au montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée omise, mais doit également tenir compte de la taxe sur la valeur ajoutée déductible omise ; ce qui démontre que les omissions résultent d'une mauvaise organisation dans la gestion et la comptabilisation des opérations et non d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ; si la SARL avait eu l'intention de différer délibérément le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée elle n'aurait pas omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; les pourcentages indiqués par l'administration fiscale en première instance sont erronés ;
- l'administration a motivé l'application des pénalités pour manquement délibéré en se fondant sur l'existence des pénalités pour mauvaise foi antérieurement appliquées à l'encontre de sa filiale la société CMR Construction dont M. A... est également le gérant ; la remise partielle des pénalités accordée le 14 juin 2011 à la société CMR Construction n'est donc pas sans incidence sur la qualification de manquement délibéré et le maintien des pénalités à l'égard de la SARL Batigimm alors que ces deux sociétés, bien que distinctes, sont dans une situation identique, ayant le même gérant et ayant fait l'objet à la suite d'une vérification de comptabilité de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période d'imposition ; le maintien de la majoration de 40 % à l'égard de la SARL Baatigimm est donc injustifié ; à titre subsidiaire, il sera prononcé la réduction dans la même proportion que celle accordée à sa filiale, soit 30 % du montant de la pénalité appliquée à la SARL Batigimm ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 septembre 2015, et 2 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SARL requérante n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 24 novembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 23 décembre 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SARL Batigimm ;
1. Considérant que la SARL Batigimm, qui exerce une activité de promotion immobilière depuis le 1er juillet 2005, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 2008, 2009 et 2010, étendue jusqu'au 31 janvier 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2008 au 31 janvier 2011, notifiés selon la procédure de redressement contradictoire, lui ont été réclamés, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ; qu'elle a notamment contesté l'application de cette pénalité ; que, par un jugement du 30 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que, par la présente requête, la SARL Batigimm relève appel de ce jugement ;
Sur les pénalités :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ; que ces dispositions, comme celles qui étaient antérieurement en vigueur, proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ;
3. Considérant qu'il résulte de l'article L. 195 A précité du livre des procédures fiscales qu'en cas de contestation des pénalités, la preuve du manquement délibéré incombe à l'administration ; que la SARL Batigimm soutient que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve qui lui incombe de son intention délibérée d'éluder l'impôt et n'a tenu compte ni de la régularisation de sa situation postérieurement à la période vérifiée, ni de la circonstance que sa filiale a bénéficié d'un dégrèvement de 30 % en droits et pénalités pour des faits similaires et sur la même période ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle, l'administration fiscale a notamment constaté que la SARL Batigimm avait omis de déclarer, d'une part, la taxe sur la valeur ajoutée collectée afférente à la vente de trois immeubles neufs achevés, intervenue entre les mois de mars 2009 et mars 2010, pour un montant de 82 759 euros, dont 32 448 euros au cours de l'exercice clos en 2009 et 50 311 euros au cours de l'exercice suivant, et d'autre part, la taxe sur la valeur ajoutée collectée à raison des encaissements perçus en octobre 2010 afférente à la vente en l'état futur d'achèvement d'un bâtiment en construction, d'un montant net de 1 868 euros après déduction de la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspondant pour l'essentiel à des factures de prestations de service établies par sa filiale la SARL CMR Construction ; que l'administration fiscale a ainsi tenu compte pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée restant due, assiette de la pénalité litigieuse, du montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible supplémentaire à laquelle la SARL Batigimm était en droit de prétendre au titre de la période du 1er octobre 2010 au 31 janvier 2011, d'une part, ainsi que d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont l'entreprise disposait à la fin de la période vérifiée, d'autre part ;
5. Considérant, d'une part, que pour motiver l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a relevé, dans la proposition de rectification du 11 juillet 2011, l'importance des omissions de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée effectivement perçue, représentant respectivement 26,26 % au 30 septembre 2009 et 40 % au 30 septembre 2010 du montant total de taxe sur la valeur ajoutée collectée à déclarer par la SARL Batigimm ; que l'administration fiscale a également relevé que le gérant de la SARL Batigimm, M. A..., en sa qualité de professionnel de l'immobilier, ne pouvait ignorer ses obligations fiscales en la matière alors que le régime de taxe sur la valeur ajoutée figure sur les différents actes notariés lors de la cession des immeubles, et que de tels manquements répétés en matière de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des prestations de services encaissées, ressortant nettement du compte de passif de taxe sur la valeur ajoutée et donnant lieu à application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts, avaient été constatés dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL CMR Construction, filiale de la SARL Batigimm, également dirigée par M. A... ; qu'en faisant valoir l'importance et le caractère répété des manquements commis par son gérant au sein du groupe constitué par la SARL Batigimm et ses deux filiales, et la qualité de professionnel de l'immobilier de celui-ci, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la SARL Batigimm d'éluder l'impôt à la date de déclaration ;
6. Considérant, d'autre part, que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard ; que le législateur ayant retenu un taux unique pour l'amende en cause, le juge, s'il dispose d'un pouvoir de pleine juridiction, ne peut en moduler l'application en lui substituant un taux inférieur à celui prévu par la loi lorsqu'il estime que le contribuable a contrevenu aux règles applicables ; que, dans ces conditions, la circonstance que la SARL Batigimm aurait procédé à une régularisation postérieurement à l'expiration du délai de déclaration mais avant l'intervention des opérations de contrôle, est sans incidence sur le bien-fondé de l'application de la pénalité litigieuse ; que si la requérante soutient que sa filiale a obtenu un dégrèvement à raison d'un tiers du montant de la pénalité initialement due, il résulte de l'instruction que ce dégrèvement procède de corrections apportées au montant redressé de taxe sur la valeur ajoutée due par l'exclusion d'une somme non imposable et la correction de montants facturés erronés, sans remise en cause de l'existence du caractère intentionnel des omissions relevées à l'égard de la SARL CMR Construction ayant motivé l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ; que la SARL Batigimm ne peut, dès lors, invoquer la situation de sa filiale aux fins d'obtenir la réduction de la pénalité qui lui a été appliquée à bon droit par l'administration fiscale ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Batigimm n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Batigimm est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Batigimm et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 15LY01828