Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2018, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2018 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer dans le mois un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 17 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2019.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure, au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité arménienne, a épousé, le 7 octobre 2017, un compatriote qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié. Par arrêté du 12 février 2018, le préfet de l'Isère a néanmoins refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays vers lequel elle serait éloigné en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Elle fait appel du jugement du 17 juillet 2018, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. L'administration peut tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
3. Mme B..., âgée de vingt-six ans, indique être en France depuis un peu plus de deux ans à la date de l'arrêté. Elle y était mariée depuis quatre mois et cinq jours, aucune des pièces du dossier ne faisant apparaître une adresse commune. Les attestations peu circonstanciées produites par l'appelante mentionnant, pour certaines, une relation remontant au mois de novembre 2016 ne sont pas étayées par des documents plus tangibles. Dès lors, eu égard à l'âge de l'appelante, à la durée de son séjour en France et au caractère très récent de la vie privée et familiale qu'elle y a constitué, et en dépit de la production d'un certificat médical prénatal, mentionnant une date de début de grossesse au mois de février 2018, l'arrêté contesté n'a pas, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de l'intéressée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
4. Même en prenant aussi en compte l'assiduité de Mme B... à des cours de mise à niveau en langue française, les circonstances évoquées ci-dessus ne permettent pas de considérer que l'appréciation portée par le préfet de l'Isère sur la situation personnelle de Mme B... serait entachée d'une erreur manifeste.
5. Alors que les instances chargées d'examiner la demande d'asile de Mme B... lui ont refusé l'octroi du statut de réfugié au motif que son récit était sommaire et confus, que ses propos étaient flous et que les documents produits étaient dépourvus de garanties d'authenticité, Mme B... n'a rien produit dans le cadre de la présente instance pour étayer les craintes qu'elle indique éprouver en cas de retour forcé vers l'Arménie. Le simple récit qu'elle fait des circonstances qui l'ont amenée à quitter l'Arménie ne peut, à lui seul, permettre de tenir ces craintes pour fondées. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles qui tendent à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 18LY03829
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