Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2019, M. C... B... et Mme D... H... épouse B..., représentés par Me I... (E... BS2A Bescou et I... avocats associés), avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 3 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de procéder à un nouvel examen de leur demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour :
- ces décisions méconnaissent l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- en refusant de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet a en outre méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
- elles sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 juillet 2020, par une ordonnance du 29 juin 2020.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... J..., première conseillère,
- et les observations de Me I..., avocat, pour M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants marocains nés respectivement le 23 janvier 1973 et le 7 juillet 1969, déclarent être entrés en France le 30 juillet 2012. Par des décisions du 3 janvier 2019, le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. M. et Mme B..., tous deux de nationalité marocaine, déclarent être entrés en France le 30 juillet 2012. S'il n'est pas contesté qu'à la date des décisions litigieuses, ils résidaient ainsi depuis six ans sur le territoire français, il est constant qu'ils ont vécu jusqu'à l'âge, respectivement, de 39 ans et de 43 ans hors de France et, à tout le moins, jusqu'à l'âge de 25 ans et de 32 ans dans leur pays d'origine. Par ailleurs, si leurs enfants, nés en 2006 et 2013, étaient alors scolarisés, respectivement en classe de 6ème et en grande section de maternelle, les requérants ne démontrent pas qu'il existerait un obstacle à ce qu'ils poursuivent une scolarité normale et à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer hors de France. Par ailleurs, ils ne se prévalent d'aucune insertion particulière, ni d'aucune attache privée ou familiale en France, et ne contestent pas ne pas en être dépourvus dans leur pays d'origine, où demeurent leurs mères et les autres membres de leurs fratries. Dans ces circonstances, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. et Mme B..., qui ne sauraient utilement se prévaloir d'une observation générale du comité des droits de l'homme de l'organisation des nations unies, dépourvue de valeur contraignante, ne démontrent pas qu'il existerait un obstacle à ce que leurs enfants poursuivent une scolarité normale et à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer hors de France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 3 et 5 du présent arrêt, le préfet du Rhône n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer à M. et Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, comme il a été dit ci-dessus, les décisions refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme B... ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces refus de titre doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 3 et 5 du présent arrêt, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité des décisions désignant le pays de destination :
10. Comme il a été indiqué ci-dessus, les décisions refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme B... et celles leur faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles de leur conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
Mme G... A..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme F... J..., première conseillère.
Lu en audience publique le 20 octobre 2020.
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N° 19LY04054