Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2015, M. A...C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 5 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il est porteur d'une maladie cardio-vasculaire grave nécessitant la prise d'un médicament qui n'est pas disponible en Tunisie; dans ces conditions le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il vit en France depuis 2008 et n'a plus de lien avec sa famille en Tunisie ; le refus de titre séjour a été pris en méconnaissance de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien modifié et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la gravité de sa maladie constitue une situation particulière qui justifie la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette mesure méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le délai de son départ volontaire devait tenir compte de son état de santé ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle de l'obligation de quitter le territoire français ;
- compte tenu de l'absence de traitement de son état de santé dans son pays d'origine, la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...C..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 5 décembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". " ; que, selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant que si M. A...C...fait valoir qu'il réside en France depuis 2008, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'il n'établit pas ne plus avoir de lien avec ses quatre frères et ses quatre soeurs résidant en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le refus du préfet de lui délivrer un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...). " et qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...). " ;
5. Considérant que, dans son avis du 9 septembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes indique que l'état de santé de M. A...C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessaires présentent un caractère de longue durée et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine avec son traitement ; que le préfet du Rhône a estimé qu'au vu des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en Tunisie, fournis notamment par le médecin conseil du consulat de France à Tunis le 19 novembre 2013, M. A...C...pourra poursuivre son traitement médical dans son pays d'origine ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces médicales versées par le requérant que ce dernier est atteint d'une maladie cardio-vasculaire, pour lequel il suit un traitement médicamenteux à base de brilique ; que l'intéressé fait valoir que ce traitement n'est pas disponible en Tunisie en produisant notamment une liste des médicaments disponibles en milieu hospitalier ou subventionnés dans ce pays, laquelle ne mentionne pas le brilique ; que, toutefois, ces éléments ne permettent pas à eux seuls d'établir l'absence, en Tunisie, de traitement équivalent à celui suivi en France ; que, par suite, M. A...C...n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a fait une inexacte application des dispositions du 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'état de santé du requérant ne relève pas de considérations humanitaires ou de circonstances exceptionnelles de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, le moyen selon lequel le refus d'admission au séjour procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant, au soutien duquel sont exposés les mêmes éléments relatifs à son état de santé, doit également être écarté pour les mêmes motifs ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...). " ;
9. Considérant que, comme il a été déjà été dit aux points 5 et 6, M. A...C...ne démontre pas que son état de santé ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge appropriée en Tunisie ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée contre lui méconnaîtrait les dispositions précitées ; que, pour le même motif, il n'est pas davantage fondé à soutenir que cette mesure serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :
10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. ( ...) " ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit aux points 5 et 6, M. A...C...peut bénéficier de soins adaptés à son état de santé dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque avec son traitement ; que le préfet du Rhône, en ne fixant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui est dit-ci-dessus aux points 2 à 9 que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité du refus de carte de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;
14. Considérant qu'ainsi qu'il a été précédemment démontré dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que la pathologie dont souffre M. A...C...peut être prise en charge en Tunisie ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision désignant ce pays comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions accessoires à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Boucher, président de chambre ;
- M. Drouet, président-assesseur ;
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le12 juillet 2016.
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N° 15LY03566