Par un jugement n° 1104204 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 janvier 2015, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er juillet 2014 ;
2°) de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Grenoble à lui verser une somme de 80 000 euros aux titres des préjudices qu'elle a subis compte tenu de sa perte de chance sérieuse d'être reclassée ;
3°) de mettre à la charge du CCAS le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'étendue réelle du dommage est supérieure aux conclusions indemnitaires qu'elle avait formulées en première instance, dès lors qu'elle a été réintégrée sur son poste postérieurement au jugement attaqué ; la hausse de ses prétentions indemnitaires ne constitue donc pas une demande nouvelle ;
- le CCAS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de mettre en oeuvre toute démarche réelle et effective en vue de son reclassement à partir de juin 2009 ; cette défaillance fautive est apparue dès cette date et s'est poursuivie au-delà du 22 mars 2010 ; aucune recherche de reclassement n'a été mise en oeuvre entre le 22 mars 2010 et le 17 janvier 2011 ni à compter du 21 avril 2011, alors que le CCAS y était tenu, conformément à l'avis médical du 7 décembre 2010, et que des postes qu'elle aurait pu occuper étaient vacants ; il a commis une faute en s'abstenant de saisir le comité médical après que le médecin de prévention a rendu son avis le 21 février 2011, avis qu'elle a contesté ; le médecin de prévention a contredit et limité la portée de l'avis rendu par le comité médical le 7 décembre 2010 ;
- le CCAS a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en la maintenant pendant cinq ans en disponibilité et en ne procédant pas aux consultations obligatoires du comité départemental médical, du comité médical supérieur et de la commission de réforme ;
- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve de la réalité des mesures de reclassement et de l'existence de postes vacants compatibles, cette charge relevant du CCAS ;
- contrairement à ce qu'a estimé le médecin de prévention, son état de santé est compatible avec l'accomplissement de tâches d'entretien et l'exercice d'un poste d'agent spécialisé dans la petite enfance, lequel pouvait être aménagé ; le CCAS n'a pas considéré sérieusement la possibilité d'un aménagement de poste et ne lui a pas proposé de formation ; entre 2010 et 2012, plusieurs postes étaient vacants et compatibles avec son état de santé ;
- le délai anormalement long mis par le CCAS à procéder à son reclassement et son placement fautif en disponibilité d'office pendant cinq ans alors que son état de santé lui permettait d'être reclassée sont à l'origine des préjudices qu'elle a subis ;
- l'indemnisation pour perte d'une chance sérieuse de rémunération à temps complet n'est pas assujettie à la preuve de l'existence de postes vacants compatibles, comme en ont jugé à tort les premiers juges ;
- la perte de rémunération qu'elle a subie entre 2009 et 2014 atteint 44 700 euros ; les emplois qu'elle a occupés au cours de cette période ne compensent pas cette perte ; elle n'a pas bénéficié de droits à la retraite à compter du 24 juin 2009 ; sa situation financière est devenue très précaire au cours de cette période ; elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence, ayant rencontré des difficultés à assumer ses charges et à se nourrir ; elle est également fondée à solliciter une indemnisation au titre du préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2014, le centre communal d'action sociale de Grenoble, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- Mme A...ne peut se prévaloir de ce qu'il n'aurait pas immédiatement donné suite à sa demande de reclassement du 7 juillet 2009, dès lors qu'il convenait d'attendre l'avis du comité médical supérieur, que la requérante avait saisi, puis celui du comité médical, qui a été rendu le 9 mars 2010 ; le courrier qu'il a adressé le 22 mars 2010 à Mme A...ne saurait donc caractériser une mise en oeuvre tardive de son obligation de reclassement ; il devait, le temps de cette procédure, placer Mme A...dans une position statutaire ;
- aucun poste adapté à la situation de Mme A...n'était susceptible de lui être proposé ; il n'était pas tenu de saisir à nouveau le comité médical départemental après l'avis rendu par le médecin de prévention, lequel est compétent pour se prononcer sur la compatibilité d'un poste précis avec l'état de santé d'un agent ; le médecin de prévention n'a pas entendu limiter la portée de l'avis du comité médical départemental ; Mme A...n'a apporté aucun élément de nature à contredire l'avis du médecin de prévention et n'a jamais indiqué sur quels postes précis elle pensait pouvoir être reclassée ;
- seule la perte sérieuse d'une chance d'être reclassée est indemnisable en cas d'annulation d'une décision de placement en disponibilité d'office, laquelle implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la demande de reclassement ; Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir de la perte d'une chance sérieuse d'être reclassée, dès lors qu'en dépit de ses recherches, aucune possibilité de reclassement satisfaisant aux prescriptions médicales ne s'est présentée entre janvier 2010 et 2012 ; la longueur alléguée de la procédure a été sans incidence sur l'absence de reclassement de l'intéressée, aucun poste correspondant à son profil n'étant disponible ;
- il n'a pas commis de faute en plaçant Mme A...en disponibilité d'office, dès lors qu'elle avait épuisé ses droits à congés ;
- Mme A...n'établit pas avoir subi une perte de revenu, alors qu'elle a perçu un demi traitement à compter de juin 2009, lequel a été maintenu alors que ses droits étaient expirés, qu'elle a cumulé avec des salaires et indemnités liés aux activités qu'elle a exercées en intérim ; elle a refusé de se rendre aux expertises liées au processus de mise à la retraite pour invalidité, qui auraient pourtant pu conclure à son aptitude à la reprise de ses fonctions ;
- elle n'établit pas davantage avoir subi un préjudice moral ; elle a été réintégrée dès que cela a été juridiquement possible.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peuvrel,
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour le centre communal d'action sociale de Grenoble.
1. Considérant que MmeA..., employée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Grenoble depuis le 1er avril 1985, exerçait en qualité d'adjoint technique territorial de 2ème classe à temps complet ; qu'à l'issue de ses droits à congé de longue maladie, du 24 juin 2004 au 23 juin 2005, puis de longue durée, du 24 juin 2005 au 23 juin 2009, elle a été placée en disponibilité d'office à compter du 24 juin 2009 par arrêté du 30 juin 2009, puis maintenue dans cette position par arrêtés du 20 octobre 2009, du 17 janvier 2011, du 23 avril 2012 et du 20 juin 2012 ; que, par jugement du 1er juillet 2014, dont Mme A...relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire en réparation des préjudices moral et financier qu'elle aurait subis du fait de la perte de chance sérieuse d'être reclassée ;
Sur la responsabilité du centre communal d'action sociale de la commune de Grenoble :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 81 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 susvisé : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade (...). " ; que l'article 2 du même texte dispose : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. " ;
3. Considérant, en premier lieu et d'une part, que Mme A...ayant, le 13 juillet 2009, saisi le comité médical supérieur de l'avis rendu par le comité médical départemental le 9 juin 2009 la considérant comme totalement et définitivement inapte à reprendre ses fonctions et indiquant qu'une retraite pour invalidité devait être envisagée, elle a été placée en disponibilité d'office par arrêté du 20 octobre 2009 à compter du 30 septembre 2009 dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur ; que, même si Mme A... avait indiqué dès le 7 juillet 2009 qu'elle souhaitait bénéficier d'un reclassement, le CCAS ne pouvait engager une telle procédure avant que le comité médical supérieur n'ait émis un avis sur sa situation ; que, par suite, l'établissement public n'a pas commis de faute en ne recherchant pas de solution de reclassement avant la date du 26 janvier 2010 à laquelle cet avis a été rendu ;
4. Considérant, d'autre part, que, par courrier du 22 mars 2010, le CCAS de la commune de Grenoble a indiqué à Mme A...qu'à la suite de l'avis du comité médical supérieur, il engageait une procédure de reclassement ; que cette procédure a effectivement été mise en oeuvre dès le 31 mars 2010, date à laquelle il a consulté le médecin du service de médecine professionnelle et préventive sur la compatibilité de l'état de santé de Mme A...avec des postes d'agent spécialisé "petite enfance", "personnes âgées" et "centre d'hébergement" ; que, par suite, la faute commise par le CCAS en s'abstenant de procéder au reclassement de Mme A...s'étend sur la période comprise entre le 26 janvier 2010 et le 22 mars 2010 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 33 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative. / Le dossier soumis au comité médical comporte un rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive. (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 du décret susvisé du 10 juin 1985 : " Les médecins du service de médecine préventive sont habilités à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions, justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. / (...) / Lorsque l'autorité territoriale ne suit pas l'avis du service de médecine préventive, sa décision doit être motivée et le comité d'hygiène ou, à défaut, le comité technique paritaire doit en être tenu informé. En cas de contestation par les agents intéressés des propositions formulées par les médecins du service de médecine préventive, l'autorité territoriale peut saisir pour avis le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'oeuvre territorialement compétent. " :
6. Considérant que le CCAS de Grenoble a, le 6 avril 2011, consulté le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, habilité, en vertu des dispositions précitées, à préconiser des aménagements de postes de travail, sur l'aptitude de Mme A...à exercer un poste d'agent spécialisé "petite enfance" ; que ce médecin a, le 7 mars 2011, estimé ce poste incompatible avec l'état de santé de Mme A...compte tenu de ce qu'elle ne pouvait porter de charge lourde ni produire d'effort physique important ; que, contrairement à ce qu'allègue Mme A..., cet avis ne contredit ni ne limite la portée de l'avis rendu le 7 décembre 2010 par le comité médical départemental, lequel, consulté sur la compatibilité de son état de santé avec des postes d'agent spécialisé "petite enfance", "personnes âgées" et "centre d'hébergement", a confirmé son inaptitude à ses fonctions et l'a reconnue apte à un travail aménagé dans le cadre d'un reclassement professionnel ; que, si le rapport d'expertise établi le 19 octobre 2010 à la demande du comité médical départemental conclut à l'aptitude de la requérante aux fonctions d'agent spécialisé "petite enfance" et "personnes âgées", il est constant que ce rapport ne porte que sur son aptitude psychique ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au CCAS de saisir le comité médical départemental après consultation du médecin du service de médecine professionnelle et préventive ;
7. Considérant, par ailleurs, que le CCAS a informé MmeA..., le 21 avril 2011, que l'aménagement du poste d'agent spécialisé "petite enfance" qui avait été envisagé pour son reclassement n'était pas possible et qu'il ne disposait d'aucun autre poste susceptible d'être aménagé pour répondre à ses problèmes de santé ; que, s'il résulte des certificats et avis médicaux versés aux débats que l'intéressée était apte, sur le plan psychique, à la reprise du travail, sous réserve que le poste ne se situe pas dans un centre d'hébergement, il résulte, en revanche, du certificat médical établi le 14 juin 2010 par le médecin traitant de MmeA..., du rapport d'expertise remis le 6 octobre 2010 sur demande du comité médical départemental, de l'avis émis par ce dernier le 7 décembre 2010 et de l'avis du médecin du service de médecine professionnelle et préventive du 7 mars 2011 que Mme A...n'était physiquement apte à la reprise du travail que sur un poste aménagé excluant le port de charges lourdes et les efforts physiques trop importants ; que, si l'intéressée soutient que son état de santé était compatible avec plusieurs des postes vacants du CCAS entre 2010 et 2012, et notamment ceux d'agent spécialisé "personnes âgées", d'auxiliaire sociale, d'agent spécialisé "centre d'hébergement" ou d'agent administratif, elle ne produit aucun élément de nature à infirmer les certificats et avis médicaux précités, sur lesquels s'est fondé le CCAS, ou à démontrer qu'elle disposait des qualifications requises, alors que le CCAS n'était pas tenu de lui proposer de formation de mise à niveau ou de bilan de compétence ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'en relevant que MmeA..., à laquelle il appartient de produire tout élément utile de nature à contredire les allégations du CCAS selon lesquelles il a respecté l'obligation de reclassement qui lui incombe, ne précisait pas sur quels postes elle aurait pu être reclassée au sein du CCAS, les premiers juges n'ont pas fait peser sur elle la charge de prouver la méconnaissance de cette obligation par le CCAS ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 susvisé : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. " ; que l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 susvisé dispose que : " Le comité médical départemental (...) est consulté obligatoirement pour : (...) f) La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement (...). " ; qu'aux termes de l'article 38 du même texte : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 et 37 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme prévue par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 susvisé, sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. (...) Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement, l'avis est donné par la commission de réforme. " ;
10. Considérant que Mme A...soutient qu'elle a été maintenue pendant cinq années en disponibilité d'office sans que le CCAS ne procède aux consultations prescrites par les dispositions précitées et que ces manquements sont constitutif de fautes de nature à engager la responsabilité du CCAS ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a été placée en disponibilité d'office à compter du 24 juin 2009 par arrêté du 30 juin 2009, puis, après annulation de celui-ci par le tribunal administratif de Grenoble, par arrêté du 23 avril 2012, pris pour l'exécution de ce jugement ; qu'elle a été maintenue dans cette position par arrêtés successifs des 20 octobre 2009 et 17 janvier 2011, lesquels ont été précédés de la consultation du comité médical départemental, puis par arrêté du 20 juin 2012 ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 susvisé, dans sa rédaction applicable à compter de mai 2011 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. " ; qu'aux termes de l'article 38 du décret susvisé du 30 juillet 1987, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 et 37 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme prévue par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 susvisé, sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. / (...) / Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement, l'avis est donné par la commission de réforme. " ;
12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le deuxième renouvellement de disponibilité d'office d'un fonctionnaire territorial est, en principe, le dernier ; qu'ainsi, la commission de réforme doit donner son avis sur ce deuxième renouvellement, indépendamment de la possibilité de prolongation exceptionnelle de la disponibilité prévue au dernier alinéa de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 ; qu'il résulte de l'instruction que Mme A...ayant été pour la première fois placée en position de disponibilité d'office le 24 juin 2009, la commission de réforme aurait dû être consultée avant le deuxième renouvellement, qui, conformément aux dispositions précitées de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986, prenait effet à la date du 24 juin 2011 ; qu'à compter de cette date, et alors que l'arrêté du 20 juin 2012 n'a été précédé ni de la consultation du comité médical départemental ni de celle de la commission de réforme, Mme A...a été irrégulièrement maintenue dans cette position ; que ces irrégularités constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du CCAS de la commune de Grenoble ;
Sur les préjudices :
13. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, le CCAS de Grenoble établit avoir satisfait à son obligation de reclassement ; que, si Mme A...a été réintégrée dans ses fonctions à compter du 1er mai 2014 par arrêté du 29 avril 2014, pris après avis favorable du comité médical départemental, elle n'établit pas qu'entre le 24 juin 2011 et le 1er mai 2014, son état de santé lui aurait permis de reprendre ses fonctions ou d'être reclassée sur un autre poste ; que, par suite, le préjudice qu'elle aurait subi au titre de la perte de chance sérieuse de reclassement et de rémunération à temps complet présente un caractère incertain ; que la demande indemnitaire présentée par Mme A...au titre de la perte de revenu qu'elle aurait subie doit, par suite, être rejetée ;
14. Considérant, en deuxième lieu, que, si le CCAS a commis des fautes en maintenant Mme A...en position de disponibilité entre le 24 juin 2011 et le 1er mai 2014 sans respecter la procédure prévue par les décrets du 13 janvier 1986 et du 30 juillet 1987, il ne résulte pas de l'instruction que cette illégalité, alors que le CCAS n'était pas en mesure de lui proposer un poste de reclassement équivalent à celui qu'elle occupait antérieurement, soit à l'origine des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis ; que, par suite, la demande d'indemnisation qu'elle présente à ce titre doit être rejetée ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'un fonctionnaire territorial peut en principe être placé en disponibilité d'office pendant une durée d'un an renouvelable deux fois, cette durée pouvant exceptionnellement être prolongée d'un an de plus ; qu'il est constant que Mme A...a été illégalement maintenue dans cette position pendant une durée de cinq ans, en l'absence des consultations nécessaires ; que, toutefois, l'intéressée n'invoque pas l'illégalité fautive qui résulterait, notamment, de l'arrêté du 20 juin 2012 et ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait été apte à reprendre ses fonctions ou à bénéficier d'un reclassement à compter du 7 mars 2011, date du dernier avis médical sur son aptitude ; que, dans ces conditions, ses conclusions tendant à la réparation du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi doivent être rejetées ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimé, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CCAS de la commune de Grenoble, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A...de la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme demandée par le CCAS de la commune de Grenoble en application de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Grenoble tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au centre communal d'action sociale de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Drouet, président de la formation de jugement,
- Mme Peuvrel, premier conseiller,
- M. Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 14LY02750
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