3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1603816 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 8 avril 2016, a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme A... C... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" et mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A...C...d'une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 octobre 2016.
Il soutient que
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de titre de séjour opposé à Mme A...C...était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2018, Mme D...A...C...épouseB..., représentée par Me Cans, avocate, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la date de lecture de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de la décision, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- à titre principal, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé :
- à titre subsidiaire, que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en ce qu'elle a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour illégal ; qu'elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Mme A...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que Mme A...C..., ressortissante tunisienne née le 9 juin 1975, entrée en France le 3 septembre 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré le 11 août 2015, a sollicité, le 7 mars 2016, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 8 avril 2016, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A...C...et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique ;
2. Considérant que le préfet de l'Isère soutient que l'entrée en France de Mme A... C..., où elle a accouché d'une fille le 26 octobre 2015, un peu plus d'un mois après son arrivée, avait pour but exclusif de permettre d'octroyer la nationalité française à son enfant afin de pouvoir elle-même solliciter un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si Mme A...C...est née en France où elle a vécu dans le passé et où vivent ses parents ainsi que son frère et sa soeur, elle est retournée vivre en Tunisie, où elle s'est mariée et où sont nés ses deux premiers enfants ; que son époux et ses deux enfants aînés, mineurs, résident en Tunisie ; qu'au regard des circonstances très particulières de l'espèce, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour erreur manifeste d'appréciation le refus de titre de séjour opposé à Mme A...C...par arrêté du 8 avril 2016 ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Tunisie ;
3. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme A...C...devant le tribunal administratif de Grenoble et en appel ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que le refus de titre de séjour a été signé par M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture, qui avait reçu délégation à cette fin par arrêté du préfet de l'Isère du 27 août 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 31 août 2015 ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que, comme il a été dit au point 2 ci-dessus, Mme A...C..., qui ne résidait en France que depuis sept mois à la date du refus de titre de séjour en litige, n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, où résident son époux et ses deux enfants aînés mineurs et où elle possède donc le centre de ses intérêts ; que, si elle soutient que l'état de santé de sa mère, ressortissante française âgée de soixante-trois ans, nécessite sa présence quotidienne, il n'est ni établi, ni même allégué que son père, son frère ou sa soeur, lesquels résident en France, le premier sous couvert d'une carte de résident, les autres en qualité de ressortissants français, ne pourraient apporter à leur épouse et mère l'assistance dont elle aurait besoin ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...C...ne pourrait poursuivre dans des conditions normales sa vie privée et familiale en Tunisie avec son époux et ses enfants, y compris sa fille cadette ; que, si cette enfant, née en France en octobre 2015, possède la nationalité française, elle n'était âgée que de six mois à la date du refus de titre de séjour en litige ; que son intérêt n'est pas de vivre éloignée de son père et de sa fratrie ; que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... C...n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de sa fille ; que, par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, les moyens tirés de ce que ce refus méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de M. Patrick Lapouze, signataire de l'obligation de quitter le territoire français en litige, doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...C..., n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour, n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de Mme A... C... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points 2 et 6 ci-dessus ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A...C...et rejette les conclusions de cette dernière aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 8 avril 2016, n'appelle aucune mesure d'exécution ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1603816 du 13 octobre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...C...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de l'Isère et à Mme D...A...C...épouseB....
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président-assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
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N° 16LY03877
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