MmeC..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 28 novembre 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 1306831 et n° 1306836 du 30 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2014, M. et MmeA..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 avril 2014 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 28 novembre 2013 les concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau leur situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et de leur délivrer, dans l'attente de nouvelles décisions, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les droits de la défense tirés du principe général du droit communautaire et du droit à une bonne administration consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'ils n'ont pas été informés de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet de telles décisions, qu'ils n'ont, ainsi, pas été en mesure de présenter leurs observations et ont été privés de la garantie du droit d'être entendus ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par ces décisions, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'ils résident en France depuis 2010 où ils sont bien intégrés ;
- pour les mêmes motifs, ces décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par ces mêmes décisions, de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- leur fils étant scolarisé et la famille résidant en France depuis 2010, le préfet ne pouvait sans erreur de droit leur refuser un délai de départ volontaire au seul motif qu'ils auraient fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement ;
- eu égard aux risques encourus avec leurs enfants dans leur pays d'origine, les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- eu égard à l'absence de troubles à l'ordre public, à la circonstance qu'ils résident en France depuis plus de trois ans et à l'ancienneté de la mesure d'éloignement, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 juillet 2014.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme A...a été rejetée par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 juillet 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeA..., ressortissants mongols, nés respectivement en 1987 et 1989, sont entrés en France le 16 septembre 2010 selon leurs déclarations ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées le 8 novembre 2010 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), rejets confirmés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 juillet 2012 ; que le préfet de l'Isère, par arrêtés du 22 décembre 2010, leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, refus assortis d'une obligation de quitter le territoire français ; que leurs demandes d'annulation de ces décisions ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juin 2011, confirmé en appel ; qu'ils relèvent appel du jugement du 30 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 28 novembre 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
Sur la régularité du jugement :
2. 1. Considérant que le moyen selon lequel les premiers juges n'auraient "pas statué sur la totalité" de certains des moyens invoqués devant eux n'est pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A...font valoir qu'ils n'ont pas été en mesure de présenter leurs observations préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il ne ressort toutefois des pièces du dossier, ni qu'ils auraient sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'ils auraient été empêchés de présenter spontanément des observations avant que ne soient prises les décisions d'éloignement ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les intéressés disposaient d'éléments pertinents tenant à leur situation personnelle qu'ils auraient été empêchés de faire valoir auprès de l'administration et qui auraient été susceptibles d'influer sur le sens de sa décision ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général de l'Union européenne du droit à une bonne administration et du droit d'être entendu énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que M. et Mme A...font valoir qu'ils ont appris à parler français et qu'ils ont deux enfants dont l'aîné est scolarisé en France ; que, toutefois, ils ne démontrent pas l'existence d'autres attaches privées ou familiales en France, alors que l'absence de tels liens dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'aux âges de vingt-trois et vingt et un ans n'est pas établie ; que, faisant tous deux l'objet de la même mesure d'éloignement, ils ne démontrent pas que leurs enfants ne pourraient pas les accompagner, notamment dans leur pays d'origine, et y être scolarisés ; que, par suite, les décisions en litige ne portent pas, au regard des motifs pour lesquels elles ont été prises, une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui selon lequel le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation des requérants et de leur famille, doivent être écartés ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des Tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; que, pour les motifs déjà exposés au point 5 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
Sur la légalité des décisions refusant un délai de départ volontaire :
7. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) " ;
8. Considérant que M. et Mme A...ne démontrent pas avoir exécuté les précédentes mesures d'éloignement prononcées à leur encontre par arrêtés des 22 décembre 2010, qu'ils ont contestées en vain devant le tribunal administratif et la Cour ; qu'ils n'ont effectué aucune démarche en vue de régulariser leur situation ; que s'ils font valoir la situation de leur fils scolarisé et leur résidence en France depuis 2010, le préfet de l'Isère a pu également estimer qu'il existait un risque qu'ils se soustraient à l'exécution des nouvelles mesures d'éloignement du 28 novembre 2013 ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en les obligeant à quitter le territoire sans délai ;
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
10. Considérant que le moyen des requérants selon lequel le préfet n'aurait pu désigner la Mongolie comme pays de renvoi sans méconnaître ces stipulations eu égard aux risques auxquels ils seraient exposés en cas de retour dans ce pays, a été écarté à bon droit par les premiers juges, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter ;
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). " ;
12. Considérant que M. et Mme A...font valoir qu'ils résident en France depuis plus de trois ans et que la précédente mesure d'éloignement dont ils ont fait l'objet est ancienne ; que, toutefois, ils ne justifient pas avoir exécuté cette mesure d'éloignement ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'ils ne se sont plus manifestés auprès des services de l'Etat français afin d'obtenir régularisation de leur situation administrative, qu'ils ne justifient pas de liens intenses, stables et anciens sur le territoire national et qu'ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à leur encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et fixer la durée de cette interdiction à un an, alors même que leur présence en France ne représenterait pas une menace pour l'ordre public ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à MmeC..., épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
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N° 14LY02607
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