Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2015, M. B... A..., représenté par Me Perray, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501331 du tribunal administratif de Dijon du 27 novembre 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne sur sa demande de protection fonctionnelle du 12 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au même directeur général de lui accorder la protection fonctionnelle sollicitée dans un délai de quatre jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la composition de la formation de jugement était irrégulière, dès lors que l'épouse de l'un des membres de cette formation de jugement, directrice au sein du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, relevait de la hiérarchie du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne, laquelle était partie au litige devant le tribunal administratif ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme non fondée sa demande de première instance, dès lors qu'il avait informé à plusieurs reprises avant l'intervention de la décision implicite de rejet en litige le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne de ses intentions et que l'octroi de la protection fonctionnelle n'est pas subordonné à la condition que celui qui la sollicite précise celle des mesures de protection dont il entend bénéficier ;
- la décision en litige méconnaît le troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; en effet,
il a fait l'objet d'attaques de la part de l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers et du maire de la commune de Nevers, également président du conseil de surveillance de ce centre hospitalier, qui ont exercé une pression continue sur lui afin qu'il renonce à la procédure de passation d'un marché public en vue de l'exploitation de distributeurs automatiques sur le domaine de l'hôpital de Nevers, par l'envoi de plusieurs courriels, lors d'une réunion qui s'est tenue le 1er décembre 2014, à travers différents articles de presse parus dans des journaux locaux et sur internet et en demandant qu'il soit mis fin à ses fonctions de directeur du centre hospitalier ;
il a fait l'objet de harcèlement moral de la part du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne ;
il a fait l'objet de la part du Journal du Centre d'un refus d'exercer son droit de réponse à propos de la situation de l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2016, l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance est irrecevable pour défaut d'intérêt de M. A... à agir, dès lors que sa demande du 12 janvier 2015 ne constitue pas une demande de protection fonctionnelle en bonne et due forme ;
- la décision implicite de rejet en litige est légalement justifiée par le fait que cette demande du 12 janvier 2015 ne correspondait pas à une réelle demande de protection fonctionnelle prévue par les textes ;
- la protection fonctionnelle a été accordée le 20 mai 2015 à M. A... pour l'action qu'il a engagée devant le tribunal correctionnel de Dijon à l'encontre du directeur régional de l'agence régionale de santé.
Un mémoire, enregistré le 9 août 2016 et présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A... à fin d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur sa demande de protection fonctionnelle du 12 janvier 2015 en ce qu'elle rejetait la demande de protection contre les agissements allégués du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne, dès lors que, par décision du 20 mai 2015 postérieure à l'introduction de la demande de M. A... devant le tribunal administratif, le directeur de l'organisation des soins de cette agence a accordé à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre de la procédure pénale qu'il a engagée devant le tribunal correctionnel de Dijon à l'encontre de son directeur général.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Salen, avocat, substituant Me Perray, avocat, pour M. A... ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant, d'une part, que, si l'épouse de l'un des membres de la formation collégiale de jugement du tribunal administratif de Dijon, qui a statué sur la demande de première instance de M. A..., exerçait les fonctions de directeur au sein du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, elle était ainsi placée sous l'autorité hiérarchique du directeur de ce centre hospitalier et non du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne et ne se trouvait, dès lors, pas en lien de subordination avec cette agence ni avec son directeur général ; que, par suite, la composition de la formation de jugement du tribunal administratif n'était pas irrégulière ;
2. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 12 janvier 2015 notifié le 14 janvier 2015, M. A..., directeur du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers, a saisi le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne d'une demande présentée au titre de la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et tendant à la prise en charge des coûts afférents aux procédures et démarches qu'il pourrait être amené à engager pour mettre fin aux menaces, dénigrements et pressions dont il estime faire l'objet ; que du silence gardé par l'administration pendant deux mois sur cette demande est née le 14 mars 2015 une décision implicite de rejet qui constitue la décision en litige ; qu'en réponse au courrier du 12 janvier 2015 de M. A..., le directeur de l'organisation des soins de l'agence régionale de santé de Bourgogne a, par décision du 20 mai 2015 postérieure à l'introduction de la demande de M. A... devant le tribunal administratif le 12 mai 2015, accordé à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre de la procédure pénale qu'il a engagée le 19 mai 2015 devant le tribunal correctionnel de Dijon à l'encontre du directeur général de cette agence régionale de santé ; que, dans ces conditions, étaient devenues sans objet les conclusions de la demande de première instance dirigées contre la décision implicite précitée en ce qu'elle rejetait la demande de protection fonctionnelle contre les agissements allégués de harcèlement moral du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne ; que le jugement n° 1501331 du 27 novembre 2015 du tribunal administratif de Dijon doit, dès lors, être annulé en ce qu'il a rejeté ces conclusions ; qu'il y a lieu d'évoquer ces conclusions de la demande de première instance ainsi devenues sans objet au cours de la procédure devant le tribunal administratif et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
3. Considérant qu'il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête de M. A... ;
Sur le surplus des conclusions en annulation de la requête :
4. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
5. Considérant que M. A... soutient que sa demande de protection fonctionnelle du 12 mai 2015 tendait à la prise en charge des coûts afférents aux procédures et démarches qu'il pourrait être amené à engager pour mettre fin, outre à des agissements de harcèlement moral du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne à son encontre, d'une part, à des pressions exercée sur lui par l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers et par le maire de la commune de Nevers, également président du conseil de surveillance de ce centre hospitalier, afin qu'il renonce à la procédure de passation d'un marché public en vue de l'exploitation de distributeurs automatiques au sein de l'hôpital de Nevers, d'autre part, au refus du Journal du Centre opposé à sa demande d'exercice de son droit de réponse à propos de la situation de l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers ; qu'il invoque la méconnaissance des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 par la décision implicite en litige en ce qu'elle rejette sa demande de protection afférente aux agissements ainsi allégués de l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers, du maire de la commune de Nevers et du Journal du Centre ;
6. Considérant, en premier lieu, que, si, avant l'intervention de la décision implicite de rejet en litige, une citation directe devant le tribunal correctionnel de Nevers a été établie le 17 février 2015 à l'encontre du directeur de la publication du Journal du Centre pour non-respect des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relatives à l'exercice du droit de réponse, il est constant que cette citation directe a été présentée au nom de l'établissement public centre hospitalier de Nevers et non de celui de M. A... à titre personnel ; que, dans ces conditions, la décision implicite en litige ne méconnaît pas les dispositions législatives précitées en ce qu'elle porte refus de prendre en charge des frais de procédures et démarches supportés personnellement par M. A... et relatifs au refus du Journal du Centre opposé à la demande d'exercice d'un droit de réponse ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été victime, à l'occasion de ses fonctions, de la part de l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages au sens des dispositions du troisième alinéa de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
8. Considérant, en dernier lieu, que, si, avant l'intervention de la décision implicite de rejet en litige, M. A... a adressé au procureur de la République un courrier en date du 5 février 2015 concernant les agissements allégués du maire de la commune de Nevers, il ressort des termes de ce courrier qu'il a été établi par l'intéressé en sa qualité de directeur du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers et non en son nom propre et qu'il se bornait à porter à la connaissance du ministère public, dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de qualification délictuelle selon l'auteur du courrier, sans comporter de plainte présentée à titre personnel par l'agent ; que, dans ces conditions, la décision implicite en litige ne méconnaît pas les dispositions législatives précitées en ce qu'elle porte refus de prendre en charge des frais de procédures et démarches supportés personnellement par M. A... et relatifs aux agissements allégués du maire de la commune de Nevers ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en rejetant, par sa décision implicite en litige, la demande du 12 janvier 2015 de M. A... en ce qu'elle tendait à la prise en charge des frais de procédures et démarches afférentes aux agissements allégués de l'Amicale du personnel du centre hospitalier de l'agglomération de Nevers, du maire de la commune de Nevers et du Journal du Centre ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimée à la demande de première instance de M. A..., celui-ci n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions en annulation de sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de la requête :
10. Considérant que le présent arrêt, qui constate qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la demande de première instance de M. A... dirigées contre la décision implicite née le 14 mars 2015 en ce qu'elle rejetait la demande de protection fonctionnelle contre les agissements allégués de harcèlement moral du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne et qui rejette le surplus des conclusions en annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de la requête de M. A... doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1501331 du 27 novembre 2015 du tribunal administratif de Dijon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision implicite née le 14 mars 2015 en ce qu'elle rejetait la demande de protection fonctionnelle contre les agissements allégués du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions, mentionnées à l'article 1er, de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté et au ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Régis Fraisse, président de la cour,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017.
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N° 15LY03899
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