Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2018, Mme D...épouseB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 15 janvier 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou à défaut de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée sur sa demande d'admission exceptionnelle fondée sur le travail et sa vie privée et familiale ;
- ce défaut de motivation révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Mme A...D...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, présidente assesseure,
- et les observations de MeC..., représentant Mme D...épouse B...;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...épouseB..., née le 1er juin 1984, de nationalité tunisienne, est entrée en France en 2010. Elle relève appel du jugement du 10 juillet 2018, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 15 janvier 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et désignation du pays de destination.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des mentions de la décision en litige que le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de Mme D...épouse B..., a suffisamment motivé sa décision au regard de sa vie privée et familiale et également sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " en précisant notamment que l'intéressée ne produit ni visa de long séjour ni contrat de travail visé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en application des articles 11 et 3 de l'accord franco tunisien.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet du Rhône a effectivement procédé à un examen particulier de la situation de Mme D...épouse B.... Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " . Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. ".
5. Mme D...épouse B...est entrée en France le 6 septembre 2010 avec son époux, également de nationalité tunisienne. Elle a fait l'objet d'un premier refus de séjour le 20 mars 2014, assorti d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 23 septembre 2014 et par la cour administrative d'appel de Lyon le 4 mars 2015. Elle a fait l'objet d'un second refus de séjour le 2 juin 2016 assorti d'une obligation de quitter le territoire français également non exécutée, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 13 décembre 2016. Si elle déclare être séparée de son époux, également en situation irrégulière sur le territoire français, en raison de faits de violence commis à son encontre depuis 2012, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont parents de trois enfants nés en octobre 2010, en juillet 2012, et en mars 2016 soit, pour ce dernier, quatre années après leur séparation. Si elle fait valoir qu'elle est prise en charge par le conseil général de l'Essonne, bénéficie d'un logement social à Lyon, que deux de ses enfants sont scolarisés, qu'elle dispose de deux promesses d'embauche et est bénévole dans plusieurs associations, elle n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident ses parents, ses deux frères et sa soeur. En soutenant, sans l'établir, que sa famille ainsi que sa belle-famille, qui n'a pas accepté son mariage, pourrait en représailles chercher à lui retirer la garde de ses enfants en cas de retour en Tunisie ou la menacer physiquement, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait poursuivre sa vie familiale avec ses enfants dans son pays d'origine et que ces derniers ne pourraient y être scolarisés. Au vu de ces différents éléments, de ses conditions du séjour sur le territoire français, des attaches dont elle dispose respectivement en France et dans son pays d'origine, et des circonstances de l'espèce, Mme D...épouse B...n'est fondée à soutenir ni que l'arrêté en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, ni que ce même arrêté méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York.
6. Les seuls éléments qui ont été évoqués précédemment ne permettent pas de caractériser ni l'existence de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, ni des motifs exceptionnels pour une régularisation en qualité de salarié, au sens de ces mêmes dispositions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme D...épouse B...n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, Mme D... épouseB..., qui ne développe pas d'autres arguments, n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
9. La décision désignant le pays de renvoi n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement du refus de titre de séjour, Mme D...épouse B...ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
10. La décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit dès lors être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M Mme D...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...épouse B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente-assesseure,
Mme F...E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
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N° 18LY03774
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