Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 août 2015, M. A... B..., représenté par Me Sabatier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501243 du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 19 décembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- il est entaché d'erreur de fait, dès lors que le préfet a retenu à tort qu'il était de nationalité russe ;
- il est entaché de vice de procédure, dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé s'est prononcé sur l'existence d'un traitement approprié en Russie, pays dont il n'a pas la nationalité ;
- il est entaché de vice de procédure et d'examen loyal de sa demande, dès lors que le préfet, qui n'a pas suivi l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé pour lequel il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé, aurait dû solliciter de ce médecin un avis complémentaire sur la possibilité de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- la décision en litige méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il souffre d'une cirrhose du foie avec risque élevé d'évolution en carcinome hépato-cellulaire, d'une hépatite chronique, de varices oesophagiennes, de polynévrite, d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive, d'un diabète de type II, d'hypertension et d'une dépendance aux opiacés, que cet état de santé nécessite une prise en charge médicale par traitements médicamenteux, par suivi régulier et investigations dont une biopsie hépatique et par intervention endoscopique pour éradiquer des varices oesophagiennes, que le défaut de cette prise en charge pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé, que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé dans son avis du 4 avril 2014 que le préfet était tenu de suivre qu'il n'existait pas de traitement approprié en Russie, pays dont il n'a pas la nationalité et qu'ainsi il n'est pas justifié de ce qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est entré le 18 janvier 2009 en France où il a l'essentiel de ses attaches privées et familiales qui sont stables et intenses, qu'il n'a plus aucun lien avec sa fille vivant en Géorgie et qu'il n'a aucune lien familial en Russie où il n'ajamais vécu ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle fixe la Russie comme pays de renvoi, dès lors qu'il n'est pas de nationalité russe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de M. Hervé Drouet, président-assesseur, au cours de l'audience publique ;
Sur le refus de renouvellement de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment du procès-verbal d'audition de M. B... par les services de la police nationale le 5 octobre 2010, que l'intéressé, qui a été assisté d'un interprète en langue russe, a déclaré être de nationalité russe ; que M. B... a déclaré la même nationalité dans le formulaire de sa demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", présentée le 7 mai 2013 sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sur laquelle le préfet a statué par la décision en litige du 19 décembre 2014 ; qu'il a confirmé sa qualité de ressortissant russe en signant une attestation sur l'honneur datée du 19 octobre 2014 et établie à l'en-tête d'une structure d'accompagnement locatif ; que s'il est né le 2 novembre 1964 dans une ville d'Union soviétique désormais située en Géorgie, il n'apporte aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause sa nationalité russe alors qu'il ne revendique ni aucune autre nationalité ni le statut d'apatride ; que, dans ces conditions, M. B..., qui ne soulève aucune contestation sérieuse sur sa nationalité, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur de fait en retenant sa nationalité russe, nonobstant la circonstance que la carte de séjour temporaire qui lui a été précédemment délivrée porte la mention "nationalité indéterminée" ;
2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;
3. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 1, doit être écarté le moyen tiré d'un vice de procédure en ce que le médecin de l'agence régionale de santé s'est prononcé sur l'existence d'un traitement approprié en Russie dans son avis du 4 avril 2014 ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe général du droit que le préfet serait tenu de consulter de nouveau le médecin de l'agence régionale de santé en vue de recueillir son avis sur la capacité de l'étranger à voyager vers son pays d'origine lorsqu'il entend s'écarter de l'avis de ce médecin concluant à l'absence, dans ce pays, d'un traitement approprié à la pathologie de l'intéressé ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré d'un vice de procédure et d'une absence d'examen loyal de la demande de titre de séjour de M. B... en ce que le préfet du Rhône n'a pas sollicité du médecin de l'agence régionale de santé un avis complémentaire sur la possibilité de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que M. B... soutient qu'il souffre d'une cirrhose du foie avec risque élevé d'évolution en carcinome hépato-cellulaire, d'une hépatite chronique, de varices oesophagiennes, de polynévrite, d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive, d'un diabète de type II, d'hypertension et d'une dépendance aux opiacés, que cet état de santé nécessite une prise en charge médicale par traitements médicamenteux, par suivi régulier et investigations dont une biopsie hépatique et par intervention endoscopique pour éradiquer des varices oesophagiennes, que le défaut de cette prise en charge pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé, que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé dans son avis du 4 avril 2014 que le préfet était tenu de suivre qu'il n'existait pas de traitement approprié en Russie, pays dont il n'a pas la nationalité et qu'ainsi il n'est pas justifié de ce qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine ; que, toutefois, l'intéressé doit être regardé comme ayant la nationalité russe, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 1 ; qu'il appartenait au préfet du Rhône, qui n'était pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, d'apprécier, au vu de l'ensemble des informations dont il dispose, telles que la nationalité du requérant et la situation générale du système de santé dans son pays d'origine, s'il existait ou non en Russie des possibilités de traitement approprié des affections dont M. B... est atteint ; que ce dernier produit deux certificats médicaux identiques par lesquels un praticien hospitalier décrit les pathologies dont il souffre et indique que les soins nécessaires ne sont pas, "à [sa] connaissance, disponibles dans son pays d'origine", sans préciser de quel pays il s'agit ; que les pièces produites par le préfet du Rhône en première instance - un courriel du médecin conseil auprès de l'ambassade de France en Russie et un courriel du consul adjoint de France à Moscou - confirment l'existence, dans ce pays, d'un système de santé globalement satisfaisant, y compris en matière psychiatrique, d'une offre correcte de nombreux médicaments importés, d'un accès aux soins convenable et de la présence de nombreuses infrastructures de santé publique ou privées ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. B..., par la décision en litige, le renouvellement d'un titre de séjour sur ce fondement ;
6. Considérant, en dernier lieu, que M. B..., né le 2 novembre 1964 et de nationalité russe, fait valoir qu'il est entré le 18 janvier 2009 en France où il a l'essentiel de ses attaches privées et familiales qui sont stables et intenses, qu'il n'a plus aucun lien avec sa fille vivant en Géorgie et qu'il n'a aucun lien familial en Russie où il n'a jamais vécu ; que, toutefois, l'intéressé, entré irrégulièrement en France à l'âge de quarante-quatre ans, est célibataire et sans charge de famille en France et ne justifie ni des attaches privées et familiales alléguées ni de son intégration sociale sur le territoire français ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision rejetant sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; / (...) " ;
9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux point 5 et 6, la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale, et notamment sanitaire, du requérant ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 10 que M. B... n'est fondé à exciper, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi l'obligeant à quitter le territoire français, ni de l'illégalité de la décision rejetant sa demande de renouvellement de titre de séjour ni de celle l'obligeant à quitter le territoire français ;
12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 1 que la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle fixe la Russie comme pays de renvoi ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 février 2017.
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N° 15LY02991
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