2°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1503090 du 10 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2015, MmeB..., représentée par Me Blanc, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 21 avril 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation de son droit à demander l'asile ;
- le pays de renvoi a été fixé en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante kosovare née le 20 février 1980, serait entrée en France le 15 décembre 2014 en compagnie de ses deux enfants mineurs ; qu'elle a présenté une demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié le 9 mars 2015 ; que le préfet de la Haute-Savoie a, par arrêté du 21 avril 2015, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi le Kosovo ou tout pays où l'intéressée serait légalement admissible ; que Mme A...relève appel du jugement du 10 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme A...n'ayant pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement du 7° L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant que Mme A...était entrée en France depuis seulement quelques mois à la date du refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet de la Haute-Savoie ; qu'elle n'y justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle, alors qu'elle a vécu trente-quatre ans dans son pays d'origine, où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales, et que son époux vit en Suisse ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour aurait été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. (...) " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans le cas mentionné au 1° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à son départ volontaire ou son transfert effectif à destination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. " ;
6. Considérant que, par arrêté du 1er avril 2015, le préfet de l'Isère a refusé d'admettre provisoirement Mme A...au séjour au titre de l'asile au motif qu'en application du règlement susvisé du 26 juin 2013, les autorités autrichiennes, auprès desquelles elle avait préalablement présenté une demande d'asile, étaient responsables de l'examen de cette demande ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges de première instance que Mme A...a, le 15 avril 2015, alors qu'elle se trouvait dans les services de la préfecture de la Haute-Savoie, signé un document dactylographié, rédigé en langue française, cosigné par "la personne traduisant dans une langue comprise par l'intéressé", aux termes duquel elle indiquait "renoncer à sa demande d'asile" et "vouloir repartir volontairement vers le pays dont elle a la nationalité" ; que si le préfet fait valoir que l'intéressée a souscrit cette déclaration avec l'assistance d'un interprète bénévole qui avait pu l'aider à faire valoir ses observations utiles et "qu'elle ne produit aucun élément probant permettant d'établir qu'elle n'a pas pu faire valoir ses droits", le caractère laconique de ce document et les circonstances dans lesquelles il a été établi ne permettent pas de s'assurer que Mme A...ait été à même de comprendre la portée et les effets d'une telle déclaration ; que dans ces conditions, Mme A...ne saurait être regardée comme ayant manifesté de façon éclairée sa volonté de renoncer à sa demande d'asile présentée le 9 mars 2015 et à son transfert vers l'Autriche, dont elle avait, le même jour, été informée qu'il était susceptible d'être mis en oeuvre ; que, dès lors, en ne poursuivant pas la procédure de transfert de la requérante vers l'Autriche, conformément aux dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors, d'ailleurs, qu'il avait recueilli, le 18 mars 2015, l'accord de cet Etat aux fins d'une telle réadmission, et en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie a méconnu le droit de l'intéressée à l'examen de sa demande d'asile et fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 21 avril 2015 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français ; qu'elle est, par suite, fondée à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure et de l'arrêté du 21 avril 2015 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe un délai de départ volontaire de trente jours et un pays de renvoi ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant que MmeB..., qui a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé des frais excédant ceux au titre desquels elle a obtenu l'aide juridictionnelle ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...dirigées contre l'arrêté du 21 avril 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire et a désigné un pays de renvoi.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 21 avril 2015 est annulé en tant qu'il a obligé Mme A...à quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire et a désigné un pays de renvoi.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2017.
4
N° 15LY03236
lt