Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée 24 février 2016, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1403926 du tribunal administratif de Dijon du 14 septembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2014 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au profit de sa fille Ikram ;
3°) d'enjoindre au préfet de faire droit à sa demande.
Elle soutient que :
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'enfant Ikram a vécu au Maroc avec sa mère jusqu'en 2013 avant que cette dernière parte en France en raison de son mariage ;
- elle est restée seule un peu moins de deux années avant de rejoindre sa mère et ses frère et soeur ;
- elle résidait en France depuis dix-sept mois à la date de la décision contestée ;
- la circonstance qu'elle puisse bénéficier d'un document de séjour ne fait pas obstacle au regroupement familial ;
- elle n'a plus aucun lien avec son père avec lequel elle n'a jamais résidé depuis le divorce de ses parents en 2003, sa mère réside régulièrement en France, de même que ses grands-parents maternels et n'a plus de famille au Maroc susceptible de l'accueillir ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors que l'enfant Ikram ne peut retourner vivre avec son père en Algérie, alors que celui-ci réside au Maroc ;
- l'intérêt supérieur de l'enfant justifie qu'elle puisse poursuivre une scolarité normale et bénéficier des allocations versées pour le bien-être de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2016, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la cour pourra écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que la requérante reprend la même argumentation que celle développée en première instance ;
- la décision contestée n'a pas pour objet, ni pour effet d'éloigner la fille de la requérante dès lors qu'elle n'est pas soumise à l'obligation de détention d'un titre de séjour pour résider régulièrement ;
- la décision ne fait pas obstacle à la poursuite de sa scolarité ;
- la décision n'est pas à l'origine de difficultés pour percevoir les allocations familiales.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, notamment son article 3 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que, par sa requête susvisée, MmeB..., ressortissante marocaine née le 22 décembre 1978, relève appel du jugement du 14 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du préfet de la Côte-d'Or du 22 octobre 2014 lui refusant le regroupement familial au bénéfice de sa fille Ikram El Ayane issue d'une précédente union ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande ; qu'il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant que l'enfant Ikram El Ayane, entrée en France au mois de mai 2013 et se trouvant, ainsi, au nombre des personnes pouvant être exclues du bénéfice d'une mesure de regroupement familial en vertu de l'article L. 411-6 susmentionné, le préfet de la Côte-d'Or pouvait légalement, pour ce motif, rejeter la demande de regroupement familial présentée par sa mère, Mme B... ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne à droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfant Ikram El Ayane, née le 8 octobre 1998 au Maroc, est entrée en France en 2013 à l'âge de quinze ans ; que si elle résidait en France depuis dix-sept mois à la date de la décision attaquée avec sa mère et ses deux frère et soeur, elle a cependant vécu jusqu'alors chez sa tante maternelle au Maroc ; que la décision contestée portant refus de regroupement familial n'a pas pour effet, ni pour objet d'obliger l'enfant Ikram El Ayane à retourner au Maroc en l'absence de toute mesure d'éloignement, ni ne fait obstacle à ce qu'elle poursuive sa scolarité en France dès lors que les enfants mineurs ne sont pas soumis à l'obligation de détention d'un titre de séjour pour résider régulièrement sur le territoire français ; que l'appelante ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision en litige serait à l'origine de difficultés dans la perception des allocations familiales ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, pour ces mêmes motifs, ledit arrêté n'a pas non plus été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
7. Considérant que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées les conclusions présentées aux fins d'injonction comme celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
Délibéré après l'audience du 7 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 février 2017.
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N° 16LY00683
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