Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 mai 2015, l'EURL Auto Ecole Les Plagnes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 23 mars 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant à sa charge et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est entachée d'irrégularités ; le droit de communication a été exercé illégalement, le gestionnaire du logiciel ne faisant pas partie des personnes susceptibles d'être interrogées sur le fondement des dispositions de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales ; pour exercer le droit de communication la formalité de l'envoi d'un avis de passage prévue par la doctrine BOI-CF-COM-10-10-20 du 12 septembre 2012 § 80 n'a pas été respectée ; l'administration fiscale se borne à affirmer que la demande d'intervention n'a pas été effectuée sur son initiative mais à la demande du contribuable sans en apporter la preuve qui lui incombe ;
- une telle pratique (BOI-CF-COM-10-10-10, 12 septembre 2012 §190) offre très peu de garanties au contribuable ; à défaut pour l'administration d'apporter la preuve qu'elle a précisé au destinataire de la demande les conditions de celle-ci, le gestionnaire du logiciel a été induit en erreur sur l'étendue de ses obligations à l'égard de l'administration ;
- l'avis de mise en recouvrement du 14 décembre 2010 qui se borne à mentionner la base légale du seul intérêt de retard sans mentionner la base légale du rappel de taxe sur la valeur ajoutée comme l'exige l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, qui doit permettre au contribuable d'une façon éclairée de formuler ses observations, est entaché d'irrégularité, comme le précise la doctrine administrative BOI-REC-PREA-10-10-20 §310 du 12 septembre 2012 ;
- la méthode de reconstitution est impropre à justifier les redressements ; les écarts constatés ne constituent pas des recettes omises.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé ;
Par une ordonnance du 25 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que dans le cadre de la vérification de comptabilité opérée selon la procédure de rectification contradictoire au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, l'administration fiscale a considéré qu'en l'absence de production pour l'ensemble de la période vérifiée du livre-journal, du grand-livre, du livre d'inventaire, du tableau des immobilisations et des amortissements, la comptabilité présentée par l'EURL Auto Ecole Les Plagnes comportait de graves irrégularités en la forme justifiant son rejet ; que l'administration fiscale a, en conséquence, procédé à la reconstitution des recettes de l'EURL Auto Ecole Les Plagnes et, par une proposition de rectification en date du 28 août 2009, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis des pénalités de 40 % pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'après avoir sollicité l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'EURL Auto Ecole Les Plagnes a saisi le tribunal administratif de Grenoble aux fins d'obtenir la décharge de ces impositions ; que le tribunal administratif de Grenoble a, par jugement du 23 mars 2015, prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des pénalités prononcé en cours d'instance le 8 juillet 2014 et rejeté le surplus de la demande ; que, par la présente requête, l'EURL Auto Ecole Les Plagnes relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant de la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 14 décembre 2010 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis./ Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. " ;
3. Considérant que l'EURL Auto Ecole Les Plagnes soutient que l'avis de mise en recouvrement en date du 14 décembre 2010 est entaché d'irrégularité faute d'indiquer la base légale sur laquelle sont fondés les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction que cet avis, qui mentionne la nature exacte des droits en cause et qui fait référence à la notification de redressements en date du 28 août 2009, ainsi qu'à la réponse aux observations du contribuable du 5 novembre 2009 l'informant de la modification de ses droits et des pénalités, et à la notification de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 18 novembre 2010, est conforme aux prescriptions de l'article R. 256-1 précité du livre des procédures fiscales, qui prévoient que les éléments de la liquidation peuvent être remplacés par la référence à un document qui les contient et a été notifié antérieurement au contribuable ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté ;
S'agissant de la régularité de l'exercice du droit de communication :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. (...) " ; que si l'administration est en droit d'utiliser, pour les besoins de l'établissement de l'assiette et du contrôle des impositions de toute nature, tous les renseignements qu'elle a pu recueillir auprès de simples particuliers, elle ne peut pas, pour obtenir ces renseignements, se prévaloir auprès d'eux des dispositions du chapitre II du livre des procédures fiscales, relatives au droit de communication, qui ne leur sont pas applicables ; que l'administration peut régulièrement demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication à la double condition qu'elles ne soient pas tenues de répondre aux questions posées, et que la demande de renseignements qui leur est adressée ne soit pas susceptible de les induire en erreur sur l'étendue de leur obligation à cet égard ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que lors des opérations de contrôle sur place, l'administration fiscale a demandé au gérant de l'EURL Auto Ecole Les Plagnes l'édition des fiches clients sur lesquelles sont mentionnés la date et le montant des factures émises ainsi que la date des prestations réalisées ; que celui-ci a indiqué ne pas être en mesure de restituer les données présentes dans le logiciel ECF contenant les fiches clients ; qu'à l'instigation du vérificateur, le gérant a fait appel au gestionnaire du logiciel afin d'obtenir ces données ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale n'a pas, en l'espèce, exercé le droit de communication prévu par les dispositions de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la doctrine administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) " ; qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si ce dernier est en droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales relatives à la portée d'une instruction publiée ;
7. Considérant que l'EURL Auto Ecole Les Plagnes se prévaut des doctrines administratives BOI-REC-PREA-10-10-20 §80 et §310, BOI-CF-COM-10-10-10 §190 du 12 septembre 2012 ; que, toutefois, s'agissant de la procédure d'imposition, l'EURL Auto Ecole Les Plagnes ne peut utilement invoquer la doctrine administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) " ;
9. Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie du présent litige, après avoir estimé fondé le rejet de la comptabilité présentée par l'EURL Auto Ecole Les Plagnes, a rendu un avis le 15 octobre 2010 favorable au maintien des redressements notifiés ; que, par suite, dès lors que les graves irrégularités que comportaient la comptabilité ne sont pas contestées, et que les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve de l'exagération des impositions contestées incombe à l'EURL Auto Ecole Les Plagnes ;
En ce qui concerne les recettes non comptabilisées :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel./ (...) V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. " ; qu'aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : (...) b bis) Pour les prestations de services pour lesquelles la taxe est due par le preneur en application du 2 de l'article 283, lors du fait générateur, ou lors de l'encaissement des acomptes ; c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. " ; qu'en vertu de ces dispositions, la taxe est exigible lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération pour les prestations de services, la taxe sur la valeur ajoutée collectée devant coïncider avec les recettes encaissées ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle, la comptabilité présentée ayant été rejetée comme irrégulière en la forme, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'EURL Auto Ecole Les Plagnes à partir des données de l'entreprise en opérant un rapprochement entre les factures enregistrées en comptabilité et les factures récapitulées dans le logiciel de facturation ; qu'elle a constaté des discordances, qu'elle a retracées dans un tableau annexé à la proposition de rectification, révélant des insuffisances de recettes, des paiements étant mentionnés dans la base du logiciel ECF correspondant à des factures ne figurant pas dans la comptabilité ; que dès lors que les sommes correspondant aux écarts constatés n'apparaissaient pas en reliquat dans les fiches clients, l'administration fiscale a considéré qu'elles avaient été encaissées au titre de la période vérifiée ; que le montant TTC des recettes non comptabilisées est de 12 070 euros pour 2006, 15 259 euros pour 2007 et 6 533 euros pour 2008 correspondant à une taxe sur la valeur ajoutée due d'un montant respectivement de 1 978 euros, 2 501 euros et 1 071 euros pour chacune des périodes concernées ; que l'EURL Auto Ecole Les Plagnes soutient que les écarts constatés entre les encaissements déclarés et les fiches client figurant dans le logiciel d'aide à la facturation ne constituent pas la preuve d'une omission de facturation ou de produits éludés, mais s'expliquent par le fait que l'enregistrement du client dans le logiciel de facturation à l'ouverture du dossier prévoit un programme de prestations à venir qui ne donne pas nécessairement lieu à une seule facture mais peut s'accompagner de modifications dans les prestations réalisées, affectant le potentiel de facturation contenu dans la base du logiciel de gestion commerciale ; que, pour expliquer les écarts constatés, l'EURL Auto Ecole Les Plagnes se prévaut, en outre, d'erreurs commises par les employés et de défaillances du logiciel à l'origine des différences relevées entre le numéro de client figurant dans la base et celui indiqué sur la facture émise, et de ce que le gérant n'intervient pas dans le processus de facturation et d'encaissement ; qu'elle soutient, enfin, que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que ces écarts, dont elle conteste la réalité en termes de produits imposables, auraient donné lieu à un règlement de la part des clients concernés et seraient à l'origine de recettes omises ; qu'en se bornant à invoquer de simples " discordances " entre les factures enregistrées en comptabilité et les factures répertoriées par le logiciel de facturation devant faire l'objet d'une régularisation, et en invoquant des dysfonctionnements dans la gestion des règlements qui lui sont imputables sans démontrer les défaillances imputées au logiciel de facturation, l'EURL Auto Ecole Les Plagnes n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de ses allégations, ni du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée que l'administration fiscale a établis sur la base des données propres à l'entreprise ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL Auto Ecole Les Plagnes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Auto Ecole Les Plagnes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Auto Ecole Les Plagnes et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 14 février 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2017.
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N° 15LY01680