Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2015, M.B..., représenté par Me Machelon, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1401938 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le centre hospitalier de Montluçon a refusé de lui allouer les sommes de 18 523,59 euros au titre des heures d'astreinte, de 11 931,53 euros au titre des heures supplémentaires et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Montluçon à lui verser les sommes de 18 523,59 euros au titre des heures d'astreinte, de 11 931,53 euros au titre des heures supplémentaires et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Montluçon à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement contesté méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'il s'est vu opposer un refus à sa demande de report de clôture et qu'il n'a pas eu le temps de répliquer au mémoire en défense produit par le centre hospitalier alors que ce dernier a disposé d'un délai de trois mois pour répondre à sa requête ;
- il était à disposition du centre hospitalier pendant ses astreintes sans pouvoir vaquer à ses occupations et que ce temps de travail doit être considéré comme un temps de travail effectif devant être rémunéré ;
- la prise en charge des défunts n'avait pas lieu que pendant les jours ouvrables, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- les relevés d'heures produits montrent qu'il a effectué 513 jours d'astreinte correspondant à 8 208 heures sur la période de septembre 2009 à août 2013.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2016, le centre hospitalier de Montluçon, représenté par Me Champenois, avocat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B...à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, que la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, le jugement est fondé en droit comme en fait ;
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu dès lors que M. B...a disposé de deux semaines pour répondre au mémoire en défense et qu'il n'a pas produit ;
- M. B...n'était pas en situation d'astreinte en semaine dès lors que son travail se faisant pendant les heures d'ouverture de la chambre mortuaire et que les heures dont il demande le paiement correspondent à celles effectuées dans le cadre de son service habituel ;
- la présence d'agents était programmée pour le week-end et les jours fériés et la prise en charge des corps s'effectuait pendant la présence des agents de service, sans que cette procédure concerne M.B... ;
- la mise en oeuvre d'astreintes quotidiennes ne résulte que de la pratique instaurée par les agents sans autorisation de l'administration ;
- les astreintes de nuit ont été supprimées à compter du 25 novembre 2013 ;
- M. B...ne justifie pas qu'il était en période d'astreinte sans pouvoir vaquer à ses occupations ;
- les tableaux fournis sont établis par les soins de l'intéressé sans être revêtus du visa de la hiérarchie et M. B...n'apporte aucun élément probant hormis des relevés d'heures établis par ses soins et envoyés par mails sans respecter l'organisation mise en place par la direction ;
- le centre hospitalier n'est pas en mesure d'apprécier l'exactitude financière des demandes présentées par l'intéressé ;
- le centre n'a commis aucune faute dans le retard de paiement des heures dont M. B... demande l'indemnisation.
Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2016, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, présenté pour M.B....
L'instruction a été close le 21 octobre 2016 à 16 h 30 par ordonnance du 8 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2003-507 du 11 juin 2003 relatif à la compensation et à l'indemnisation du service d'astreinte dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée en première instance :
1. Considérant que M.B..., fonctionnaire titularisé le 31 mai 2000, qui exerce ses fonctions au sein de la chambre mortuaire du centre hospitalier de Montluçon depuis le mois de mai 1999, a déposé par courrier en date du 10 juillet 2014 une demande préalable auprès du directeur du centre hospitalier de Montluçon aux fins de paiement des sommes de 18 523,59 euros au titre des heures d'astreintes qui ne lui auraient pas été payées pour la période courant du mois de septembre 2009 au mois d'août 2013, de 11 931,53 euros au titre des heures supplémentaires dues et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que, par courrier du 8 octobre 2014, le directeur adjoint dudit centre a informé M. B...de la naissance d'une décision implicite de refus née à l'expiration du délai de deux mois à compter de la réception de sa demande le 11 juillet 2014 et du délai de deux mois dont disposait l'intéressé à compter du 11 septembre 2014 pour la contester ; que M. B...a saisi le 7 novembre 2014 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté ses demandes par le jugement lu le 19 novembre 2015 dont M. B...relève appel en demandant à la cour d'annuler ce jugement et de condamner l'établissement hospitalier à lui verser les sommes précitées de 11 931,53 euros, de 8 523,59 euros et de 5 000 euros ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense produit par le centre hospitalier de Montluçon a été communiqué au conseil de M. B...le 24 janvier 2015 ; que M. B...a ainsi disposé d'un délai de deux semaines qui doit, en l'espèce, être tenu pour suffisant, pour produire un mémoire en réplique avant la date de clôture de l'instruction qui avait été fixée au 6 février 2015 par ordonnance du 20 janvier 2015 ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté ;
3. Considérant que le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de clôture formulée par une partie et n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande ; que, par suite, M.B..., qui a disposé, ainsi qu'il a été dit au point n° 2, d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense qui lui avait été communiqué, ne peut utilement soutenir que le jugement contesté serait irrégulier au motif que le tribunal aurait refusé de faire droit à la demande de report de clôture qu'il a formulée le 24 janvier 2015 ;
Sur les conclusions à fin de condamnation du centre hospitalier de Montluçon :
4. Considérant que M. B...sollicite la condamnation du centre hospitalier de Montluçon à lui verser la somme totale de 11 931,53 euros en réparation de son préjudice financier résultant du non-paiement des 471,01 heures supplémentaires qu'il soutient avoir effectuées ; qu'il lui incombe, en sa qualité de demandeur et contrairement à ce qu'il soutient, de justifier du bien-fondé de ses prétentions indemnitaires, s'agissant tant du principe de responsabilité que de l'étendue du préjudice financier invoqué ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la prise en charge des défunts au sein de la chambre mortuaire par les agents du centre hospitalier de Montluçon jusqu'au 25 novembre 2013 s'effectuait du lundi au vendredi de 8 h à 19 h et pendant les week-end, jours fériés et congés des agents de 9 h à 12 h et de 14 h à 18h30 ; que la prise en charge des défunts avait lieu, ainsi que cela ressort de la fiche de poste de renfort d'août 2009, en journée en présence des agents en service et que, pour les autres jours et heures, le centre hospitalier avait mis en place une affectation ponctuelle et programmée d'agents en renfort, dont il n'est pas contesté que M. B...ne faisait pas partie ;
En ce qui concerne les heures supplémentaires :
6. Considérant que malgré le motif par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en première instance, M. B...se borne à produire à nouveau devant la cour une liasse de documents consistant en des copies de courriels adressés au secrétariat de la direction des affaires générales du centre hospitalier de Montluçon dans lesquels est dressée la liste des heures supplémentaires, non visées par le chef d'établissement, qu'il aurait effectuées ; que ces documents, dans lesquels le requérant n'a pas même cru devoir prendre le soin de distinguer les heures effectuées qui ont été payées de celles qui ne l'auraient pas été, ne permet pas de démontrer que, comme il l'affirme, il aurait effectué des heures de travail en sus de l'horaire de service établi conformément aux instructions du chef d'établissement ni, par suite, qu'il aurait droit au paiement de telles heures ;
En ce qui concerne les heures d'astreintes :
7. Considérant que M. B...demande la condamnation du centre hospitalier de Montluçon à lui verser la somme totale de 18 523,59 euros en réparation du préjudice financier résultant du non-paiement de 7 686,14 heures d'astreintes correspondant à 513 jours d'astreinte ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 4 janvier 2002 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Lorsque l'agent a l'obligation d'être joint à tout moment, par tout moyen approprié, pendant le temps de restauration et le temps de pause, afin d'intervenir immédiatement pour assurer son service, les critères de définition du temps de travail effectif sont réunis. (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 11 juin 2003, " Le temps passé en astreinte dans les conditions prévues par le Titre II du décret du 4 janvier 2002 susvisé ; donne droit soit à une compensation horaire soit à une indemnisation. La compensation horaire est fixée au quart de la durée totale de l'astreinte à domicile. L'indemnisation horaire correspond au quart d'une somme déterminée en prenant pour base le traitement brut annuel de l'agent concerné au moment de l'astreinte dans la limite de l'indice brut 638 augmenté le cas échéant de l'indemnité de résidence, le tout divisé par 1 820 (...) " ;
9. Considérant, en premier lieu, que s'il est établi qu'une astreinte téléphonique avait été mise en place la nuit comme le dimanche et les jours fériés pour joindre les agents de la chambre mortuaire jusqu'au 25 novembre 2013, il n'est toutefois pas justifié, ainsi que l'a relevé le tribunal en première instance, que M. B...était juridiquement soumis à ces périodes d'astreinte ; que la circonstance qu'il se soit, volontairement et de sa propre initiative, soumis en dehors de ses heures de travail à une telle obligation ne permet pas de considérer que ces périodes seraient constitutives d'astreintes au sens des dispositions précitées dont l'intéressé serait fondé à demander le paiement au centre hospitalier, nonobstant la connaissance par ce dernier de cette situation de fait créée par l'agent ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant des autres jours, c'est-à-dire les jours d'ouverture de la chambre mortuaire, il résulte de l'instruction qu'aucune procédure d'astreinte en semaine n'a été organisée à l'initiative du centre hospitalier de Montluçon ; que M. B...n'est, par suite, pas fondé à demander que le temps qu'il aurait passé, à sa seule initiative, pendant la fermeture méridienne de la chambre mortuaire et le soir après 18 h, en sus de son service journalier, soit considéré comme un temps d'astreinte devant donner lieu à indemnisation au sens des dispositions précitées de l'article 20 du décret du 4 janvier 2002 ;
En ce qui concerne le retard de paiement de la part du centre hospitalier :
11. Considérant qu'en l'absence de toute faute commise par le centre hospitalier de Montluçon relativement au paiement des rémunérations et indemnités dues à M.B..., les conclusions de ce dernier tendant à obtenir une indemnité de 5 000 euros en réparation des préjudices résultant du retard prétendument mis par ledit centre hospitalier à lui payer les astreintes et heures supplémentaires et des conditions dans lesquelles il a dû exercer ses fonctions doivent être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Montluçon, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à M. B...la somme demandée par celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner M. B...à verser audit centre hospitalier la somme demandée de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : M. B...est condamné à verser au centre hospitalier de Montluçon une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au centre hospitalier de Montluçon.
Délibéré après audience du 7 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 février 2017.
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N° 16LY00288
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