2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans dans un délai d'un mois à compter du jugement ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1402887 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision, a enjoint au préfet de la Haute-Savoie de procéder à la délivrance de ce document et a mis à sa charge une somme de 600 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015.
Il soutient que sa décision est justifiée par le fait que l'absence de maîtrise, notamment écrite, de la langue française par Mme D...caractérise un défaut d'intégration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2015, MmeD..., représentée par la SELARL C2M Avocats, conclut, à titre principal, au rejet pour tardiveté de la requête, ou, à titre subsidiaire, à son rejet au fond et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est tardive ;
- elle est infondée, dès lors que la décision est entachée d'incompétence et d'illégalités internes.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que Mme D...épouseB..., ressortissante marocaine née en 1966, s'est mariée avec M. B...le 19 octobre 2006 ; qu'elle a rejoint son époux en France le 14 mars 2008 munie d'un visa de long séjour et bénéficie depuis d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de ressortissant français, renouvelée chaque année ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 13 mars 2014 en tant qu'elle rejetait la demande de Mme D...tendant à ce que lui soit délivrée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de résident d'une durée de dix ans, lui a enjoint de procéder à la délivrance de ce document et a mis à sa charge une somme de 600 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que le jugement a été notifié au préfet de la Haute-Savoie le 16 juillet 2015 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par MmeD..., tirée de ce que la requête, enregistrée par le greffe de la cour le 17 septembre 2015, serait tardive doit être écartée ;
Sur le bien-fondé de la requête :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision préfectorale : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; que l'article R. 314-1 du même code dispose notamment que, pour l'appréciation de la condition d'intégration prévue à l'article L. 314-2, l'étranger qui demande une carte de résident présente " Tout document de nature à attester sa connaissance suffisante de la langue française, notamment le diplôme initial de langue française. " ;
4. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer à Mme D...la carte de résident valable dix ans que celle-ci avait sollicitée pour un motif tenant à son intégration républicaine dans la société française ; qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de résidence de l'intéressée a, considérant que des efforts d'intégration étaient réalisés mais que le niveau de français demeurait un obstacle, émis un avis réservé le 10 février 2014, après avoir constaté que l'enquête diligentée dans le cadre de l'instruction de la demande avait révélé que "le niveau de communication", évalué comme "possible" et "difficile", demeurait "difficile" ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme D... a suivi plusieurs cours de langue française, dans le cadre et hors du cadre de son contrat d'accueil et d'intégration, à hauteur de 300 heures en 2008, de 400 heures en 2011 et, dans le cadre de la préparation du diplôme initial de langue française, de 200 heures en 2013, sans atteindre le premier niveau de maîtrise du français, qui constitue l'objectif des formations suivies dans le cadre de son contrat d'accueil et d'intégration ; que, si MmeD..., mariée depuis 2006 à un ressortissant français qui réside en France depuis 1965 et avec lequel elle a eu une fille, née le 5 janvier 2012, a obtenu depuis son entrée en France des cartes de séjour temporaires portant la mention "vie privée et familiale" et exerce une activité professionnelle, les attestations qu'elle produit indiquant qu'elle est insérée dans la société française ne suffisent pas à établir sa connaissance suffisante de la langue française, requise par les dispositions précitées de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 13 mars 2014 rejetant la demande de Mme D... tendant à la délivrance d'une carte de résident, au motif qu'elle ne remplissait pas la condition d'intégration républicaine prévue à l'article L. 314--2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de sa maîtrise insuffisante de la langue française ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme D...devant le tribunal administratif et en appel ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté n° 2014038-0022 du 7 février 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie n° 7 de février 2014, le préfet de la Haute-Savoie a donné à M. A...F..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, délégation pour signer, en l'absence de M. G...E..., directeur de la citoyenneté et des libertés publiques, notamment "les décisions de refus de délivrance du titre de séjour valable dix ans" ; que M. F...avait par suite compétence pour signer la décision litigieuse ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit précédemment, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de MmeD..., a refusé de lui délivrer une carte de résident au motif qu'elle ne remplissait pas la condition d'intégration à laquelle est subordonnée la délivrance d'une première carte de résident sur le fondement des dispositions des articles L. 314-8 comme L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision préfectorale litigieuse aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'elle n'a ni pour effet ni pour objet de remettre en cause son droit au séjour en France ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 13 mars 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer une carte de résident ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme D...demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de Mme D...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... D... épouseB....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2017.
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N° 15LY03122
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