Par le jugement n° 1302729 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, sous le n° 16LY00067, M. C... représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 ;
2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 25 400 euros, somme majorée des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable du 6 mars 2013, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision d'exclusion temporaire du 26 septembre 2007 confirmée par la décision du 4 novembre 2008 annulées par une décision du Conseil d'État du 19 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le Conseil d'État a maintenu l'annulation des sanctions d'exclusion dont il avait fait l'objet et a bien retenu que les deux décisions, celle du 26 septembre 2007 et celle du 4 novembre 2008, étaient illégales ;
- il a subi un préjudice, tant matériel que moral, du fait son exclusion temporaire.
Par un mémoire enregistré le 3 février 2017, La Poste, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. C... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Poste fait valoir que :
- les conclusions de M. C... sont en partie irrecevables, dès lors qu'en première instance il n'avait pas demandé réparation sur le fondement de la décision du 26 septembre 2007 mais uniquement sur celui de la décision du 4 novembre 2008 ; ces conclusions sont nouvelles en appel et n'ont pas été précédées d'une demande préalable indemnitaire ;
- c'est à bon droit que le jugement a rejeté sa demande indemnitaire qui n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
- les observations de Me A..., représentant La Poste.
1. Considérant que le 14 juin 2007, alors qu'il circulait à bord d'un véhicule de La Poste, M. C..., facteur de secteur au bureau de Crest (Drôme), a été empêché d'accéder aux locaux de la poste du fait de la fermeture à la circulation de la voie publique pour les nécessités d'une course cycliste ; que ne pouvant poursuivre sa route en voiture, il a laissé cette dernière en stationnement dans la zone dangereuse d'un passage à niveau et tenu en outre des propos inappropriés à l'égard de deux gendarmes chargés d'assurer la sécurité de l'épreuve sportive ; que la voiture de La Poste a été heurtée par un train qui a subi de ce fait quelques minutes de retard ; que, par décisison du tribunal de grande instance de Valence du 16 juillet 2007, M. C... a été condamné, pour ces faits, à un mois d'emprisonnement avec sursis et 600 euros d'amende délictuelle à titre de peine principale ; qu'en outre, pour ces mêmes faits, il a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois, dont six avec sursis, prononcée par des décisions du 26 septembre 2007 et du 4 novembre 2008 ; que ces deux décisions ayant été définitivement annulées, par le Conseil d'État le 19 décembre 2012, M. C... a demandé à la Poste par un courrier du 6 mars 2013 de l'indemniser à hauteur de 25 400 euros ; qu'il a ensuite saisi le tribunal administratif d'une demande de condamnation de La Poste à lui verser cette somme majorée des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité fautive entachant la sanction d'exclusion ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 qui a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision du directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier (DOTC) Loire Vallée du Rhône du 26 septembre 2007 infligeant à M. C... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois dont six mois avec sursis a fait l'objet d'un recours devant le conseil supérieur de la fonction publique de l'État ; que la commission de recours de ce conseil avait proposé, lors de sa séance du 23 septembre 2008, de substituer à la sanction envisagée celle de l'exclusion temporaire pour trois mois ; qu'en dépit de cet avis, le directeur de la DOTC Loire Vallée du Rhône a décidé, le 4 novembre 2008, de maintenir la sanction initialement prévue ; que ces deux décisions du 26 septembre 2007 et du 4 novembre 2008 ont été annulées par le Conseil d'État en raison du caractère disproportionné de la sanction ;
3. Considérant que, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges et contrairement à ce que soutient La Poste, tant dans sa demande préalable que devant le tribunal administratif, M. C... ne s'est pas borné à demander réparation du fait de l'illégalité fautive entachant la seule décision du 4 novembre 2008 mais a demandé réparation du fait de l'illégalité fautive entachant la sanction d'exclusion qui fait l'objet des deux décisions du 26 septembre 2007 et du 4 novembre 2008 ; que la Poste n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les conclusions de M. C... tendant à la réparation de préjudices découlant de la décision du 26 septembre 2007 sont irrecevables ;
4. Considérant que M. C... a effectivement été exclu de ses fonctions pendant un an du 1er octobre 2007 jusqu'au 30 septembre 2008, avec suspension des droits à traitement et à retraite ; qu'il a pu occuper à nouveau un emploi de chauffeur dans une société privée à compter de la fin du mois d'octobre 2007 ; qu'il demande que La Poste soit condamnée à lui verser une indemnité de 15 000 euros au titre du préjudice moral, 7 000 euros pour compenser l'obligation dans cette société d'effectuer les heures supplémentaires afin de conserver le même niveau de salaire que celui dont il bénéficiait au sein de La Poste et 3 400 euros correspondant, d'une part, à la perte des allocations de rentrée scolaire versées pour ses enfants par La Poste et, d'autre part, au montant de la cotisation de sa mutuelle ; qu'il demande également les intérêts sur ces sommes ainsi que leur capitalisation ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, même si les faits reprochés à M. C... méritaient d'être sanctionnés, la sanction qui lui a été infligée en l'espèce, par son caractère disproportionné et ses conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle, lui a causé un préjudice moral ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices qu'il a subis en condamnant La Poste à lui verser la somme globale de 15 000 euros, tous intérêts compris ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que M. C... n'étant pas en l'espèce partie perdante, les conclusions de La Poste présentées sur le fondement de ces dispositions doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, en application des dispositions de cet article de mettre à la charge de La Poste la somme de 1 500 euros à verser à M. C... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1302729 du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La Poste est condamnée à verser à M. C... la somme de 15 000 euros tous intérêts compris.
Article 3 : La Poste versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 23 février 2017 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2017.
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N° 16LY00067