Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 février 2020, M. C... K..., M. E... B... et M. G... J..., représentés par la SCP Clemang-Gourinat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le maire de la commune de Dijon a accordé à la société ABI un permis de démolir une maison individuelle et de construire un ensemble immobilier de 18 logements au 16 rue de Beauregard à Dijon, ensemble la décision du 1er avril 2019 portant rejet exprès de leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Dijon la somme de 2 513 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir en leur qualité de voisins immédiats du projet ;
- le projet architectural est insuffisant au regard des dispositions du c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, et ne permettait pas d'apprécier correctement la véritable insertion du projet dans son environnement immédiat ;
- le projet de construction méconnaît l'article UG13 du plan local d'urbanisme, dès lors que le sous-sol occupe 85% de l'emprise foncière du terrain d'assiette et qu'aucune explication n'a été fournie s'agissant des différences d'épaisseur de terre végétale sur sous-sol, caractérisant l'inexactitude des indications contenues dans la note relative aux espaces verts ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ils pouvaient se prévaloir, au soutien du moyen tiré de ce que le maire aurait dû surseoir à statuer, du projet de règlement rendu public et suffisamment avancé ;
- le projet litigieux compromet le plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'élaboration à la date de la décision attaquée, en ce qu'il méconnaît l'orientation tendant à valoriser et préserver les espaces verts des maisons de ville et à promouvoir les supports favorables à la biodiversité dans les nouveaux projets, et méconnaît plus particulièrement l'article 4 du futur règlement relatif aux espaces verts imposant une surface en pleine terre et un coefficient de biotope par surface, caractérisant une erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir sursis à statuer sur ce projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2020, la société ABI, représentée par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, la commune de Dijon, représentée par Me H..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer pour mettre en oeuvre la procédure de régularisation prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise solidairement à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. C... K... n'est pas recevable à interjeter appel du jugement, seule Mme I... K... ayant été partie en première instance ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- la contrariété très mineure du projet au regard du futur règlement du plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'élaboration à la date de la décision attaquée permet en tout état de cause la régularisation du projet et un sursis à statuer pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L..., premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la commune de Dijon, et de Me A..., représentant la société Alexandre Basson Immobilier ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Alexandre Basson Immobilier (ABI) a demandé le 11 juillet 2018 au maire de Dijon l'autorisation de construire un immeuble collectif de 18 logements, valant permis de démolir une maison d'habitation existante, sur une parcelle cadastrée BV 213 située 16 rue de Beauregard, en zone UG du plan local d'urbanisme. M. K... et les autres requérants demandent à la cour d'annuler le jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 13 décembre 2018, modifié le 13 mai 2019, ensemble la décision expresse de rejet de leur recours gracieux intervenue le 1er avril 2019, ainsi que d'annuler ces décisions.
Sur la légalité du permis de construire :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, le projet architectural joint à la demande de permis de construire doit comprendre notamment : " c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ".
3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire de la société ABI comporte un document d'insertion paysagère montrant essentiellement la façade du projet depuis la voie publique, sans le représenter dans toute sa profondeur, les bâtiments situés à l'arrière du terrain n'apparaissant pas sur le document. Cette circonstance ne saurait toutefois avoir été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative s'agissant de la volumétrie du projet et de son insertion dans un quartier pavillonnaire, au regard de la réglementation applicable, alors que le dossier comportait notamment une vue aérienne, un plan de masse et des plans en élévation des façades complétant utilement le document d'insertion paysagère. Le moyen tiré du caractère incomplet du dossier en raison de l'insuffisance du projet architectural doit par suite être écarté.
5. En deuxième lieu, l'article UG13 du règlement du plan local d'urbanisme particulier à cette zone dispose que " La surface minimum des espaces libres, espaces verts, aires de jeux et de loisirs est de 35% de l'emprise foncière en zone UG (...), dont la moitié en espaces verts plantés d'arbres ".
6. La circonstance alléguée que le sous-sol du projet occuperait une superficie égale à 85% de la superficie totale de la parcelle n'a aucune incidence sur le respect des dispositions précitées, qui ne s'appliquent qu'aux espaces libres en surface de la parcelle, et non en tréfonds. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment de la notice et de la coupe paysagère, d'une part, que la parcelle comporte des différences d'altimétrie justifiant des différences d'implantation des bâtiments et, d'autre part, que la hauteur sous dalle du sous-sol n'est pas constante, expliquant que l'épaisseur de terre végétale " sur sous-sol " soit de 30 centimètres à certains endroits et de 80 centimètres à d'autres. Il s'ensuit que les requérants ne remettent pas sérieusement en cause les éléments contenus dans la note de calcul des espaces verts jointe à la demande de permis de construire modificatif dont il résulte, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que les espaces libres représentent en l'espèce 42% de la parcelle et les espaces verts 24%. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UG 13 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.
7. En troisième lieu, selon le troisième alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Il appartient à l'autorité saisie d'une demande de permis de construire de prendre en compte notamment les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si la construction envisagée serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et décider, le cas échéant, de surseoir à statuer sur la demande.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de délivrance du permis litigieux le 13 décembre 2018, un débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable avait eu lieu le 30 mars 2018 et que le projet de futur règlement, arrêté par délibération du 20 décembre 2018, était suffisamment avancé, dès lors notamment qu'il n'est pas contesté qu'il avait été rendu public dès le mois de septembre 2018. Il ressort en outre des termes mêmes de la délibération du 20 décembre 2018 qu'une conférence intercommunale des maires a notamment été réunie le 11 octobre 2018 " afin de présenter les grands axes de l'avant-projet de PLUi ", préalablement à l'avis des communes, lesquelles ont majoritairement délibéré en novembre sur cet avant-projet, et qu'un comité de pilotage, faisant suite à divers " ateliers thématiques " s'est tenu le 18 septembre 2018 afin de présenter notamment " le règlement graphique et littéral ". La délibération fait également état de la mise à disposition des communes de l'ensemble des pièces du projet de plan local d'urbanisme intercommunal au fur et à mesure de leur production, afin de recueillir les observations des communes.
9. Toutefois, la circonstance que le projet présenterait un déficit de plus ou moins 150 mètres carrés d'espaces libres de construction aménagés en pleine terre " en lien direct avec les strates naturelles du sol " et, contrairement à ce que soutiennent les requérants, un déficit de 0,02 du " coefficient de biotope par surface ", compte tenu de l'ensemble des règles de coefficient prévues en zone urbaine par le règlement dans son état d'avancement de décembre 2018, ne saurait suffire à considérer que le projet autorisé compromettait l'exécution du futur plan local d'urbanisme ou la rendait plus onéreuse. Par suite, en s'abstenant de surseoir à statuer sur ce projet, le maire de Dijon n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Dijon, que M. K..., M. B... et M. J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux demandes formées à ce titre par les requérants, parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. K..., M. J... et M. B... le versement à la commune de Dijon d'une somme de 750 euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Ils verseront en outre chacun une somme de 750 euros à la société ABI au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. K..., M. B... et M. J... est rejetée.
Article 2 : M. C... K..., M. E... B... et M. G... J... verseront chacun une somme de 750 euros à la commune de Dijon ainsi qu'une somme de 750 euros chacun à la société Alexandre Basson Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K..., à M. B..., à M. J..., à la commune de Dijon et à la société Alexandre Basson Immobilier.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme D..., présidente assesseure,
Mme L..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
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N° 20LY00746
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