Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés, respectivement, les 26 janvier 2018 et 7 mars 2018, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Isère du 27 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de certificat de résidence est entaché d'un vice de procédure faute de saisine de la commission du titre de séjour ; il est entaché d'un vice de procédure faute de saisine du collège de médecins de l'OFII prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la menace à l'ordre public qu'il représente ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure faute de saisine du collège de médecins de l'OFII prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une décision du 6 mars 2018, M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de MmeC..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant algérien, est entré régulièrement en France en 2005 sous couvert d'un visa de court séjour. En 2008, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence. Des autorisations provisoires de séjour lui ont été remises en 2008 et en 2009. Le 14 novembre 2011, il a épousé une ressortissante française et a obtenu un certificat de résidence d'un an valable jusqu'en novembre 2014. Le 27 octobre 2015, il a présenté une demande de certificat de résidence sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 25 octobre 2017, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans. M. D... relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de certificat de résidence :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1. au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) (...) 7. au ressortissant algérien résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que M. D...a présenté sa demande sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et que pour la rejeter, le préfet de l'Isère s'est fondé, d'une part, sur l'absence de résidence habituelle de plus de dix ans en France et, d'autre part, sur la menace à l'ordre public que représente l'intéressé.
4. En premier lieu, comme il vient d'être dit, M. D...n'a pas sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Si le préfet de l'Isère lui a néanmoins transmis une fiche médicale à compléter, M. D...n'a pas donné suite. Enfin, et en tout état de cause, s'il est atteint de schizophrénie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés du défaut de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), de la méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or les stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dont se prévaut M.D..., n'ont pas d'équivalent dans les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à cet égard, de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour préalablement au refus de certificat de résidence dont il a fait l'objet.
6. En troisième lieu, si M. D...est entré en France en janvier 2005, il ne justifie pas de sa présence sur le territoire pendant les deux années qui ont suivi. De plus, entre le 16 mars 2010 et le 8 septembre 2014, il a été condamné à quatre reprises à des peines d'emprisonnement comprises entre un an et deux ans et a ainsi passé quatre ans et demi en prison. Dès lors, il ne peut justifier d'une résidence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
7. En quatrième lieu, M. D...a été condamné à plusieurs reprises pour des faits graves, à savoir la détention et la mise en circulation de monnaie contrefaite, la détention et l'usage de faux documents administratifs et enfin des actes de violence sur personne dépositaire de l'autorité publique. Par suite, en retenant l'existence d'une menace à l'ordre public, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
9. Comme il a été dit au point 6, M. D...ne justifie pas d'une résidence habituelle de dix ans en France. Il a passé quatre ans et demi en prison. S'il s'est marié en novembre 2011 avec une ressortissante française, il vit seul depuis 2014 et aucun enfant n'est issu de cette union. Enfin, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 53 ans. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
11. Les moyens tirés du défaut de saisine du collège de médecins de l'OFII et de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.
12. En second lieu, si M. D...est atteint de schizophrénie, il ne ressort pas des certificats médicaux peu circonstanciés qu'il verse au dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et que cette circonstance faisait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prononcée à son encontre.
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
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N° 18LY00347