Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler le jugement n° 2001655 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon avec toutes ses conséquences de droit.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Lyon a retenu à tort une méconnaissance de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien alors qu'il a justifié que le traitement nécessaire à base de nivolumab était disponible en Algérie comme en atteste la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques et que le requérant n'avait pas prouvé une indisponibilité du médicament dans son pays d'origine ;
- les autres décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont légales.
Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2020, M. B... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 7 février 2020, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un certificat de résidence, ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour et à ce que l'Etat soit condamné à verser à son conseil la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif de Lyon a estimé à bon droit qu'il n'avait pas un accès effectif à une immunothérapie anticancéreuse au vu des attestations médicales produites des 20 et 24 février et 9 avril 2020 et des mentions portées sur le site de la pharmacie centrale des hôpitaux algérienne ; la décision portant refus de séjour méconnait donc l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision portant refus de séjour méconnait l'article 6-5 de l'accord précité dès lors qu'il est entré en France pour aider sa mère âgée vivant en France depuis longtemps ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour, pour violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est également illégale par voie d'exception de l'illégalité des décisions précédentes.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur ;
- et les observations de Me Hmaïda, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 7 février 2020, le préfet du Rhône a refusé d'accorder un titre de séjour à M. A..., né le 18 décembre 1960 en Algérie, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par jugement du 21 juillet 2020, dont le préfet du Rhône relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence d'un an et a condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
3. M. A... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé auprès de la préfecture du Rhône. Selon avis du 19 avril 2019, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers le pays d'origine. Se fondant sur cet avis, le préfet du Rhône a pris un arrêté le 7 février 2020 refusant à M. A... la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 21 décembre 1968.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., atteint d'une forme rare de cancer du rein métastatique, a été opéré le 7 juin 2018 d'une néphrectomie élargie gauche et bénéficie depuis fin 2019 d'un traitement par immunothérapie basé sur l'administration de nivolumab, commercialisé par la société Bristol Myers Squibb sous la marque Opdivo. Le préfet du Rhône fait valoir que ce remède est inscrit à la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine au 31 décembre 2018 établie par les autorités algériennes, attestant que le traitement dont a besoin M. A... est disponible dans son pays d'origine. Toutefois, ce dernier a produit des certificats médicaux des 20 et 24 février et 31 mars 2020, par lesquels des médecins français et algériens indiquent que le traitement par Nivolumab, lequel ne peut se voir substituer un autre traitement approprié, n'est pas disponible en Algérie. Ces attestations sont corroborées par des documents indiquant la non disponibilité du nivolumab au niveau de la pharmacie centrale des hôpitaux d'Alger mais également par la production, pour la première fois en appel, d'un courrier de la société Bristol Myers Squibb du 29 septembre 2020 faisant état d'une absence de demande d'exportation d'Opdivo provenant de cette même pharmacie centrale des Hôpitaux en Algérie entre janvier et juin 2020. Dans ces conditions, il est suffisamment établi que M. A... ne pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine à la date de l'arrêté querellé. En refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet du Rhône a donc fait une inexacte application des stipulations de l'article 6-7 de l'accord précité. Par suite, le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 7 février 2020 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et, eu égard au motif d'annulation, lui a enjoint de délivrer un certificat de résidence d'un an dans un délai d'un mois.
Sur le surplus des conclusions de M. A... :
5. Le tribunal administratif de Lyon ayant prononcé l'injonction demandée par M. A..., il n'y a pas lieu de renouveler cette injonction par le présent arrêt et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans ses dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
N° 20LY02040 2