Par un jugement n° 1501662 du 8 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2016, présentée pour M. B...E..., domicilié compter du 25 septembre 2013Cedex), il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501662 du tribunal administratif de Grenoble du 8 février 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la motivation de la décision d'expulsion est insuffisante eu égard à la gravité de la décision et de ses conséquences pour l'intéressé, et si l'on devait considérer que le préfet de la Savoie a suffisamment motivé sa décision en fait, alors celle-ci est entachée d'erreur de droit puisque prise sur la seule existence de condamnations pénales, lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier une expulsion ;
- le préfet ne fournit aucune preuve permettant d'alléguer de la dangerosité du requérant au moment où il finira de purger sa peine et il se fonde exclusivement sur les condamnations antérieures alors qu'il a été jugé que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et qu'elles ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre public ; le préfet n'en a pas tenu compte puisqu'il a ignoré le rapport du SPIP qui rappelle tout ce qui a été mis en oeuvre par M. E... en détention pour éviter toute réitération et récidive ; le préfet de la Savoie commet une erreur de droit en estimant que son expulsion peut résulter de ses condamnations antérieures, sans avoir à démontrer la menace actuelle qu'il représente ;
- la décision d'expulsion méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 23 mai 2016, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est motivé en fait comme en droit dès lors qu'il fait mention des textes réglementaires dont il est fait application et rappelle notamment la gravité et la multiplicité des faits commis par M. E... entre 2011 et 2014 ;
- la multiplicité des faits commis par le requérant, entre 2011 et 2014 constitue une menace grave à l'ordre public ; les faits pour lesquels M. E... a été condamné les 24 mars 2014 et 19 juin 2014 concernent des faits commis à l'encontre de personnels de l'administration pénitentiaire, ce qui démontre que le requérant ne peut se prévaloir d'un comportement exemplaire pendant son incarcération ; compte tenu, d'une part, de la gravité et de la réitération des faits pour lesquels M. E... a été condamné depuis 2011, d'autre part, de la nature des faits de vols avec violence ayant donné lieu à deux condamnations en 2012 et en 2013, ces derniers ayant été commis en état de récidive légale, sa présence sur le territoire français constitue une menace grave à l'ordre public ;
- les démarches de formation professionnelle qu'il aurait entreprises ne sont corroborées par aucun justificatif, le rapport établi le 13 octobre 2014 par le service pénitentiaire d'insertion et de probation du centre pénitentiaire d'Aiton indiquant qu'il était encore trop tôt pour envisager un aménagement de peine et évoquant toutefois la possibilité d'obtenir un contrat de travail dans le BTP " démolition " lorsqu'il serait dans les temps pour préparer cet aménagement de peine ;
- en outre, la mise à l'épreuve pendant deux ans prononcée à son encontre, le 18 décembre 2013, par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Chambéry, n'a aucune incidence sur le prononcé de l'arrêté d'expulsion et sa mise en oeuvre à son élargissement ;
- M. E..., aujourd'hui âgé de 25 ans, célibataire et sans enfant à charge, qui était entré en France, en 2007, à l'âge de 16 ans et demi sous couvert d'un visa de court séjour " familleF... " obtenu en raison de la naturalisation en 2005 de sa mère, qui a été depuis déchue de la nationalité française, le 26 janvier 2010, en raison de déclarations mensongères quant à sa situation familiale, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a passé son enfance, une partie de son adolescence et effectué une grande partie de sa scolarité, et où il bénéficie notamment de la présence de son demi-frère qui a été expulsé vers l'Algérie le 12 mai 2012 ;
- la présence d'une partie importante de sa famille sur le territoire national ne semble pas avoir constitué la base sociale d'une intégration réussie dans la mesure où, entré en France en 2007, M. E... aura à ce jour passé 9 ans en France et se sera vu condamné à 6 ans de prison ferme ; postérieurement au 19 janvier 2015, date de l'arrêté d'expulsion, l'intéressé a fait l'objet, en outre, d'une nouvelle condamnation à cinq mois d'emprisonnement prononcée à son encontre le 21 mai 2015 par le tribunal correctionnel d'Albertville pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2016 le rapport de M. Seillet, président-assesseur.
1. Considérant que M. E..., ressortissant algérien né le 8 mai 1991 à Constantine (Algérie), est entré en France en 2007, à l'âge de seize ans et demi, sous couvert d'un visa de court séjour " familleF... " obtenu en raison de la naturalisation de sa mère, Mme D...C..., par un décret du 11 juillet 2005, ledit décret ayant d'ailleurs été rapporté par la suite, par un décret du 26 janvier 2010, au motif de déclarations mensongères de Mme C... quant à sa situation familiale ; que, pour sa part, M. E... a été condamné le 5 juillet 2012, par le tribunal correctionnel d'Albertville, à 2 ans et 6 mois d'emprisonnement dont 1 an et 4 mois avec sursis pour des faits commis les 7 avril, 16 avril et 29 mai 2012, qualifiés de vol avec violence ayant entrainé une incapacité temporaire de travail, de détention non autorisée de stupéfiants, de menace de crime contre une personne avec arme, et de port prohibé d'arme de catégorie 6 ; qu'il a été condamné, le 11 octobre 2012, par la cour d'appel de Chambéry, à 3 mois de prison pour un vol en réunion commis le 22 mars 2011, puis le 18 décembre 2013, également par la cour d'appel de Chambéry, à 4 ans de prison dont 1 an avec sursis pour des faits de vol commis les 16, 17, et 19 septembre 2013 dont l'un avec violence ayant entrainé une incapacité temporaire de travail, et un autre avec violence n'ayant pas entraîné d'incapacité temporaire de travail, un fait d'extorsion par violence, menace ou contrainte commis le 18 septembre 2013, et un fait de falsification de chèque et usage de chèque falsifié commis le 19 septembre 2013 ; qu'il a été incarcéré à... ; qu'il a encore été condamné, le 24 mars 2014, par le tribunal correctionnel d'Albertville, à 5 mois d'emprisonnement pour avoir proféré des menaces de mort à l'encontre d'un agent de l'administration pénitentiaire, le 27 septembre 2013 ; qu'il a été condamné, le 17 avril 2014, par le tribunal correctionnel d'Albertville, à 5 mois d'emprisonnement pour des faits de recel de résine de cannabis commis le 29 janvier 2014 alors qu'il était incarcéré ; qu'enfin, le 19 juin 2014, il a été condamné par le tribunal correctionnel d'Albertville à 4 mois d'emprisonnement pour avoir, le 8 janvier 2014, proféré des menaces de crime à l'encontre d'un surveillant pénitentiaire ; qu'à la suite de ces condamnations, le préfet de la Savoie a, par un arrêté du 19 janvier 2015, ordonné son expulsion du territoire français ; que M. E... fait appel du jugement du 8 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté d'expulsion ;
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision préfectorale en litige, déjà soulevé en première instance, doit être écarté pour le motif retenu par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " ;
4. Considérant que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ; que lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. E..., de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du 19 janvier 2015 du préfet de la Savoie, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pour justifier que la présence de l'intéressé sur le territoire constituait une menace grave pour l'ordre public, le préfet s'est fondé d'abord sur les faits ayant motivé les condamnations pénales dont M. E...a fait l'objet entre les mois de juillet 2012 et juin 2014, ensuite sur ceux commis entre les mois de mars 2011 et janvier 2014 et enfin sur le comportement d'ensemble de l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit que le préfet aurait commise en se fondant uniquement sur les condamnations pénales prononcées à l'encontre du requérant doit être écarté ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été également dit, le comportement de M. E..., au cours d'une période de près de trois années comprise entre le mois de mars 2011 et celui de janvier 2014, s'est caractérisé par la répétition de vols commis à plusieurs reprises avec violence ou sous la menace d'une arme, et de menaces de mort envers des agents de l'administration pénitentiaire, dont l'une commise avec une arme ; qu'ainsi, en dépit des affirmations du requérant relatives aux efforts qu'il aurait accomplis en détention pour éviter toute réitération ou récidive, alors d'ailleurs que le préfet de la Savoie dans ses écrits devant la cour fait état d'une nouvelle condamnation, prononcée le 21 mai 2015 par le tribunal correctionnel d'Albertville pour des faits commis en détention le 16 décembre 2014, la présence de l'intéressé en France devait, à la date de l'arrêté contesté, être regardée comme de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ; qu'il s'ensuit qu'en prenant ledit arrêté, le préfet de la Savoie n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
7. Considérant, en dernier lieu, que M. E... se prévaut de la présence en France de l'ensemble de sa famille, composée de sa mère et de frères et soeurs ; qu'il ressort des pièces du dossier que sa mère, Mme D...C..., dont le requérant affirme qu'elle réside depuis 1973 en France, où elle a donné naissance à deux enfants, SofianeC..., en 1981, et SamirC..., en 1985, a donné également naissance, en Algérie, où elle avait épousé, le 2 septembre 1990, M. A... E..., à quatre enfants, SaraE..., en 1983, OualidE..., en 1991, ZakiE..., en 1994, et Seif-EddineE..., en 1999 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'expulsion en litige n'a pas, eu égard à la gravité des faits reprochés à M. E..., qui conserve nécessairement des attaches familiales et personnelles en Algérie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans, où ses parents se sont mariés, ainsi qu'il a été dit, où sont nés trois de ses frères et soeurs, et vers lequel, ainsi que le relève le préfet de la Savoie, a été expulsé en 2012 son demi-frère SamirC..., avec lequel il n'est pas établi que le requérant, qui se prévaut de ses liens avec les autres membres de sa fratrie issus de la même union que ce demi-frère, aurait rompu toute attache ; que par la suite, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
1
2
N° 16LY01295