Par un jugement n° 1205723 du 27 juin 2014 le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du travail du 14 septembre 2012 autorisant la société CSD Transport à licencier M. B...et a condamné l'Etat à verser 1 200 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2014, la société CSD Transport demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1205723 du tribunal administratif du 27 juin 2014 ;
2°) de rejeter les demandes de M. B...;
3°) de condamner M. B...à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la mesure de mise à pied conservatoire : elle a respecté les obligations de motivation car elle a informé l'inspectrice du travail par lettre du 21 mars 2012 d'une telle mesure en mentionnant l'agression physique du président de la délégation unique du personnel par M. B...délégué syndical CGT lors de la réunion de la délégation unique du personnel ainsi que les menaces verbales de M. B...à l'égard de ses collègues de travail et a joint à cette lettre la copie de la convocation à l'entretien préalable assortie de la mise à pied conservatoire de M. B...et a informé M.B... ; le Conseil d'Etat a par ailleurs déjà jugé que le défaut de notification de la décision motivée à l'inspecteur du travail était sans conséquence sur la légalité de la décision administrative ;
- en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure : l'obligation de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur résulte essentiellement de la jurisprudence Rodriguez et n'implique pas une transmission systématique de l'ensemble des pièces jointes à la demande mais suppose une information claire et exhaustive du salarié desdites pièces ainsi que des modalités de leur communication (consultation sur place notamment) ; que si le salarié après avoir été informé par l'inspecteur du travail de l'existence de ces pièces demande à en prendre connaissance, il doit y avoir accès en les lisant lui-même, en les ayant en main ou en obtenant copie ; que l'inspecteur du travail doit mettre à même employeur et salarié de prendre connaissance des éléments déterminants qu'il a pu recueillir au cours de son enquête, cette obligation portant sur les éléments étant de nature à établir et de nature à écarter la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande mais n'imposant pas une transmission spontanée et systématique à la charge de l'administration mais imposant seulement une information suffisante des parties de leur droit d'accès à ces éléments, ce n'est que si elles en manifestent le souhait qu'il appartiendra à l'inspecteur du travail de satisfaire à cette demande ; qu'en l'espèce si M. B...indique que la procédure aurait été irrégulière dès lors que dans le cadre de l'enquête contradictoire, il n'aurait pas été destinataire de certaines pièces citées par l'inspecteur du travail et le directeur régional dans leurs rapports respectifs, aussi bien l'inspecteur que le ministre au cours de leur enquête contradictoire ont respecté les deux obligations induites par le principe du contradictoire à savoir d'une part en permettant au salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande de licenciement en lui donnant une information claire et exhaustive sur les pièces et les modalités de leur communication et d'autre part en permettant à l'employeur et au salarié de prendre connaissance des éléments déterminants recueillis en cours d'enquête et étant de nature à établir ou non la réalité des faits allégués à l'appui de la demande ;
- la pièce 2 dont M. B...prétend ne pas avoir eu connaissance émane de ce dernier ;
- la pièce 1 qui est le compte-rendu de la réunion du 29 février 2012 a été portée à sa connaissance par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mars 2012 en sa qualité de membre de la délégation unique du personnel et il ne peut raisonnablement affirmer n'avoir eu connaissance de cette pièce que lorsqu'il en a été destinataire par le ministre du travail ; que c'est l'opposition de M. B...sur les termes du compte rendu de cette réunion qui est à l'origine de son attitude violente et de ses menaces ; que cette pièce a été portée également à sa connaissance par l'inspecteur du travail ; que l'inspecteur du travail lors de son enquête a constaté les divergences existantes sur ce compte-rendu ;
- le ministre du travail a transmis une convocation à l'enquête contradictoire accompagnée du recours de l'employeur ;
- M. B...a été mis en mesure de prendre connaissance des éléments déterminants qui ont pu être recueillis en cours d'enquête et étant de nature à établir la réalité ou non des faits allégués à l'appui de la demande ; que le contrôle du respect de cette obligation n'est pas opportun dans le cadre de l'enquête de l'inspecteur du travail qui a conclu au refus de l'autorisation de licencier M.B... ; qu'au cours de l'enquête devant le ministre, les éléments déterminants sont les attestations produites par l'employeur au soutien de son recours ; que les attestations des salariés présents lors de la réunion du 21 mars 2012 ont été portées à la connaissance de M. B...qui en a fait une critique très précise devant le directeur régional adjoint de la Direccte de la Haute-Savoie ;
- le ministre n'a pu estimer que les faits étaient établis qu'en se basant sur ces attestations ;
- la circonstance que le rapport du ministre ne nomme aucune annexe ne suffit pas à lui seul et n'est pas en l'espèce de nature à caractériser un quelconque manquement au principe du contradictoire ; qu'en l'occurrence, le recours formé devant le ministre ne comportait aucune nouvelle pièce, le bordereau des pièces étant le même pour la demande d'autorisation de licenciement et pour le recours hiérarchique ; que copie de ce bordereau a été adressée à M. B... par le directeur adjoint du travail ;
- M. B...qui était assisté par le secrétaire général de l'union locale CGT n'a pas sollicité communication des annexes lors de l'enquête contradictoire ;
- les pièces visées dans l'annexe du rapport du directeur régional concernent le rapport de l'inspecteur du travail du 20 juin 2012 rédigé postérieurement à son refus dans le cadre de l'enquête du directeur régional et le rapport de directeur du 29 juin 2012 rédigé postérieurement à l'audition des parties le 20 juin 2012 ; qu'ainsi le directeur régional le 20 juin 2012 ne pouvait pas communiquer une pièce qu'il n'avait pas encore rédigé ;
- le principe du contradictoire a été respecté ;
- la décision du ministre du travail du 14 septembre 2012 est suffisamment motivée, les faits reprochés étant identifiés ;
- M. B...a le 21 mars 2012 proféré des menaces et agressé physiquement le président de la délégation unique du personnel comme en témoignent 7 personnes présentes au moment des faits ; qu'il a eu la volonté de frapper M. D...avec une chaise et que seule l'intervention de M. A...a empêché que cette action atteigne son but ;
- M. C...n'était pas présent au moment des faits et son témoignage ne saurait être retenu sur ce point ;
- M. B...ne peut pas justifier son excitation par des refus ou des prises de positions illégitimes qui auraient été le fait de la direction ;
- pour le compte rendu du procès-verbal de la réunion précédente, la demande de rectification de M. B...était du ressort du secrétaire du comité d'entreprise en charge de la rédaction du procès-verbal ;
- il n'a jamais été refusé à M. B...de faire des réserves qui auraient été notées au compte rendu ;
- les violences verbales ont été adressées à la direction et à ses collègues de travail ;
- les faits de violence physique sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- M. B...n'apporte aucun élément probant de nature à faire présumer un lien avec l'exercice de son mandat ;
Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2014, pour M. E...B..., il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS CSD Transports une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Grenoble a retenu que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté que les rapports rédigés dans le cadre du recours hiérarchique faisaient état d'annexes sans autre précision quant à leur nature, le contenu ou leur origine et que M. B...n'avait pas pu en obtenir copie ni pendant l'instruction du recours hiérarchique ni après la décision du 14 septembre 2012 ;
- les premiers juges ont retenu que le ministre ne pouvait apporter aucun élément probant quant au caractère déterminant ou non de ces pièces dont l'identification restait incertaine dans sa décision ;
- la mise à pied conservatoire notifiée par lettre du 21 mars 2012 au requérant est dépourvue de motivation alors que cette motivation prévue à l'article L. 2421-1 du code du travail est un élément essentiel de la procédure d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical ; la lettre adressée au requérant se bornant à mentionner " une attitude intolérable " sans aucune précision quant aux circonstances de fait ayant motivé cette mise à pied ;
- il y a eu absence du caractère contradictoire de la procédure car le directeur régional adjoint s'est fondé sur sept annexes et lors de sa convocation du 20 juin 2012 dans le cadre de l'enquête contradictoire diligentée par le directeur régional du travail, il ne s'est pas vu remettre ni n'a été mis en mesure de prendre connaissance des éléments cités par l'inspecteur du travail ou du directeur régional dans leurs rapports respectifs et il n'a ainsi pas pu prendre connaissance des éléments, dont les témoignages des salariés, sur lesquels le ministre s'est fondé pour arrêter sa décision ;
- le rapport de l'inspecteur du travail n'énonce pas le contenu de la pièce 2 et ne détaille pas les pièces composant celle-ci ;
- M. B...n'a pas pu transmettre l'enquête et les auditions à l'inspecteur du travail qui ont été effectués par l'inspecteur ;
- le contenu de cette enquête et des auditions reste ignoré par M. B...malgré ses demandes ;
- la circonstance qu'il ait pu fournir certains documents à l'inspectrice du travail dont le rapport du 20 juin 2012 ne donne ni le détail ni la nature ou le contenu ne dispensait pas le ministre du travail de communiquer ces documents qui n'étaient ni identifiés ni identifiables ;
- il a sollicité par l'intermédiaire de son conseil par mail et télécopie du 10 octobre 2012 la communication des éléments visés aux rapports d'enquête et n'a pour lors jamais été destinataire des pièces et annexes visées par les rapports d'enquêtes de l'inspecteur du travail et du directeur régional du travail ;
- le ministre n'a pas versé en première instance les annexes litigieuses ;
- la société CSD Transports ne peut pas affirmer que les pièces visées par les deux rapports ne sont constituées que des attestations des salariés versées au débat ;
- le bordereau de communication du recours hiérarchique mentionne une pièce 8 " demande d'autorisation de licenciement et pièces de procédures et attestations " et le nombre et la nature des attestations communiquées avec ce recours hiérarchique sont invérifiables ;
- rien ne permet de vérifier que les attestations mentionnés en pièce 8 sont les attestations établies entre le 26 et le 29 mars 2012 ;
- il n'a ni reçu communication ni été mis à même d'en prendre connaissance lors de ses auditions du 10 avril 2012 (enquête de l'inspectrice du travail) et du 20 juin 2012 (enquête du directeur régional du travail) et n'a eu connaissance de l'existence de ces pièces sans en connaître le contenu que le 1er octobre 2012, postérieurement à la décision du ministre lorsque le ministre lui a adressé copie des rapports établis par l'inspectrice du travail et le directeur régional du travail ;
- ses pièces existaient au moment des auditions des 10 avril et 20 juin 2012 et devaient lui être communiquées par les autorités administratives en charge des enquêtes afin de respecter le caractère contradictoire ;
- l'allégation sur la transmission par le ministre d'une convocation à l'enquête accompagnée d'une copie du recours hiérarchique de l'employeur n'est pas étayée par les pièces 2 et 3 citées ;
- le ministre se refuse d'établir et de communiquer les listes des éléments déterminants et non déterminants, ce qui prive les premiers juges et la cour de la possibilité d'apprécier si le caractère contradictoire de la procédure a été respecté ;
- les éléments non communiqués (pièces 1 et 2 visées par l'inspecteur dans son rapport, les 7 annexes visées par le directeur régional dans son rapport) doivent être considérés comme étant déterminants car ayant fondé l'appréciation des faits reprochés par ces deux autorités administratives ;
- il ne peut pas être vérifié la référence du ministre sur le premier document non déterminant (projet de PV soumis à approbation) et sur des seconds documents insuffisamment identifiables ;
- la demande d'autorisation de licenciement n'est pas versée aux débats ni la liste des pièces l'accompagnant ;
- si le ministre écarte le premier et les seconds sans évoquer de troisième document comme étant déterminant, le ministre ne s'est alors prononcé sur aucun élément, qu'il soit déterminant ou non ;
- la décision du ministre est insuffisamment motivée ;
- la décision du ministre est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation quant à la matérialité des violences physiques et des menaces verbales et à la gravité des violences verbales dès lors qu'il s'est borné à estimer que les faits sont établis alors que l'inspecteur et le directeur régional ont conclu au refus d'autoriser le licenciement et que l'inspecteur du travail exclut les actes de violence physique après avoir noté que M. B...conteste avoir eu des actes de violence ;
- le directeur régional a aussi noté qu'il conteste formellement les faits de violence ;
- les attestations sont sujettes à caution et doivent être analysées avec réserve en raison du lien de subordination entre les salariés et l'employeur et du climat conflictuel permanent existant entre les organisations syndicales au sein de la délégation unique du personnel ;
- l'inspecteur du travail a retenu de nombreuses divergences lors des auditions des témoins ;
Par ordonnance du 26 novembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 décembre 2014.
Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2014, la société CSD Transports maintient ses conclusions et ses moyens.
Elle ajoute que :
- comme l'indique M. B...les pièces 2 et 3 ne sont pas des convocations à l'enquête contradictoire mais qu'il faut se référer aux pièces 22 et 23 sachant que M. B...a produit sa propre convocation en pièce 12 ;
- les attestations avaient été produites au soutien de la demande d'autorisation de licenciement et sont reproduites dans le corps du recours hiérarchique qui a été communiqué à M.B..., ce qu'il ne conteste pas ;
- la demande d'autorisation de licenciement est produite aux débats en pièce 21 accompagnée de son bordereau ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de MeF..., pour la société CSD Transport et de Me G...pour M.B....
1. Considérant que M. B...a été recruté par la société CSD Transport en qualité de chauffeur le 14 octobre 1988 ; qu'il a été désigné délégué syndical le 31 octobre 2007 et est membre de la délégation unique du personnel depuis le 20 octobre 2009 ; que la société CSD Transport a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de le licencier pour faute en raison de menaces verbales et physiques lors d'une réunion du comité d'entreprise du 21 mars 2012 ; que par décision du 25 avril 2012, l'inspectrice du travail a refusé cette autorisation ; que sur recours de la société CSD Transport, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, le 14 septembre 2012, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement ; que la société CSD Transport relève appel du jugement du 27 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M.B..., annulé la décision ministérielle du 14 septembre 2012 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsque leur licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale des intéressés ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par une faute commise dans le cadre de l'activité professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite faute est d'une gravité telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi ;
3. Considérant que l'article R. 2421-4 du code du travail prévoit que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
4. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, de mettre l'employeur et le salarié à même de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants que l'autorité administrative a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
5. Considérant que, hormis le cas où l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire ni d'aucun principe que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire ;
6. Considérant que pour annuler la décision du ministre chargé du travail du 14 septembre 2012, les premiers juges ont relevé que, postérieurement à cette décision, M. B... avait demandé communication, d'abord des rapports établis dans le cadre du recours hiérarchique par l'inspecteur du travail et par le directeur adjoint du travail de Savoie, et ensuite des pièces et annexes mentionnées dans lesdits rapports ; qu'ils ont estimé que les explications du ministre en charge du travail relatives à la non-transmission de telles pièces annexes " dès lors que la seule dont l'identification était connue n'était pas déterminante " et que les autres n'étaient " pas suffisamment identifiables pour que parmi [elles] figurent un ou plusieurs éléments susceptibles de revêtir un tel caractère ", n'étaient pas probantes quant au caractère non déterminant de ces pièces dans sa décision et ne justifiaient pas, alors même que certaines pièces seraient en possession de M.B..., qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; qu'ils ont annulé pour ce motif la décision ministérielle du 14 septembre 2012 ;
7. Considérant toutefois qu'il ressort des termes desdits rapports, établis dans le cadre du recours hiérarchique, que les pièces annexes dont il est fait mention, pour une première partie d'entre elles, ne portent pas sur la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement de M. B...dès lors qu'elles ne sont pas relatives à la matérialité des faits concernant l'incident du 21 mars 2012 qui fonde la demande d'autorisation de licenciement mais évoquent d'autres éléments relatés par M. B...quant à des tensions entre la CGT et la CFDT, à une grève menée antérieurement, à des documents de M. B...relatifs à des mots menaçants émanant de la direction mais n'étant pas liés à l'incident du 21 mars 2012, à un plan de salle établi par M.B..., à un courrier adressé à son employeur concernant une absence payée du 27 avril au 5 mai 2012 postérieure à l'incident du 21 mars 2012 ; que pour une seconde partie, ces pièces ont été produites par M. B...lui-même à l'inspectrice du travail lors de l'enquête initiale ou encore ont été communiquées par l'entreprise à M. B...antérieurement à la saisine de l'inspectrice du travail ; qu'en tout état de cause, concernant la matérialité des faits du 21 mars 2012, il ressort des pièces du dossier que M. B...a, lors de l'enquête menée par l'inspectrice du travail, été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement, notamment des témoignages et attestations, et a pu prendre connaissance de tous les éléments déterminants que l'inspectrice a pu recueillir ; qu'il ressort également des pièces au dossier que M. B...a débattu avec l'inspectrice du travail de l'ensemble des éléments déterminants que celle-ci a pu recueillir ; que l'enquête menée dans le cadre du recours hiérarchique ne mentionne aucun nouveau témoignage produit par l'entreprise ; que lors de l'instruction du recours hiérarchique, M. B...a été entendu par le directeur-adjoint du travail chargé du dossier sur l'ensemble des témoignages produits, dont il est constant qu'il en avait reçu communication avant l'entretien ; que M. B...ne conteste pas le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspectrice du travail ; que, s'agissant des annexes qui ne portent pas sur la matérialité des faits du 21 mars 2012, le ministre du travail n'avait pas l'obligation de les soumettre à M. B...dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il s'est fondé sur de tels éléments pour prendre sa décision ; qu'évidemment, M. B...ne saurait se plaindre de ce que les pièces et éléments qu'il avait lui même fournis ne lui aient pas été soumis pour observation ; que par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance du principe du contradictoire pour annuler la décision du 14 septembre 2012 du ministre ;
8. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble et sur ses moyens articulés devant la Cour ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'il appartenait au ministre, lequel devait apprécier si les fautes reprochées à M. B...étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il était investi, de motiver sur ce point sa décision ; qu'en l'espèce, la décision en litige, par laquelle le ministre a délivré l'autorisation de licenciement sollicitée, est suffisamment motivée, dès lors qu'elle comporte la mention des dispositions du code du travail applicables à la situation de M. B...et la constatation des éléments de fait qui justifient l'autorisation accordée, en l'occurrence des propos menaçants tenus lors d'une réunion du comité d'entreprise à la suite d'un désaccord sur la rédaction de procès-verbaux et la circonstance qu'il s'est emparé d'une chaise pour tenter d'en frapper le président du comité d'entreprise, avant d'en être empêché par un collègue ; que cette décision mentionne en outre l'incompatibilité de ce comportement avec tout emploi dans l'entreprise ; qu'elle précise que le licenciement de M. B... n'est pas lié à l'exercice normal de son emploi ; que par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-1 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail. En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. Cette décision est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d'effet. Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. " ;
11. Considérant que M. B...soutient que son employeur n'a pas respecté la procédure mentionnée à l'article L. 2421-1 précité du code de travail relative à la mise à pied conservatoire, dès lors que cette décision n'était pas suffisamment motivée, entachant ainsi d'irrégularité la procédure de demande d'autorisation de licenciement ; que toutefois, la méconnaissance de la procédure de mise à pied conservatoire ne saurait avoir d'effet qu'à l'égard de la seule décision de mise à pied et ne peut alors vicier la demande d'autorisation de licenciement ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
12. Considérant, en troisième lieu, que M. B...conteste la réalité des faits d'agression verbale et de menace physique qui lui sont imputés, en indiquant que l'inspecteur du travail a considéré qu'il existait un doute, devant lui profiter, quant aux actes de violences physiques, et que si certains faits de violence verbale sont avérés, ils ne sont cependant pas suffisamment graves, au regard du contexte, pour justifier un licenciement ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des sept attestations concordantes produites par l'entreprise, ainsi que des éléments recueillis lors de l'enquête de l'inspecteur du travail et de l'instruction du recours hiérarchique par le directeur adjoint du travail, que durant la réunion du comité d'entreprise du 21 mars 2012, M. B...après avoir fait observer que le procès-verbal du comité d'entreprise du 29 février 2012 était incomplet et ne reflétait pas la réelle teneur des débats concernant la désignation de membres au CHSCT, s'est emporté contre trois membres de la direction de l'entreprise présents, dont le président de la société, qu'il a proféré des menaces verbales virulentes envers ces personnes, puis a saisi une chaise et a tenté d'en frapper le président avant d'en être empêché par un collègue, lequel a alors été lui même menacé verbalement par M. B..., avant que le président ne lui signifie sa mise à pied conservatoire immédiate ; qu'au regard de la réalité et de la gravité des faits commis par le salarié, le ministre, dont la décision ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et dont l'analyse n'était pas liée par le point de vue de l'inspecteur du travail ou du directeur du travail, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant le licenciement de l'intéressé ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CSD Transport est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 14 septembre 2012 annulant, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspectrice du travail du 25 avril 2011 refusant de l'autoriser à licencier M. B...et autorisant ce licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société CSD Transport , qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M.B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la société CSD Transport et non compris dans les dépens
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1205723 du 27 juin 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société CSD Transport, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. E...B....
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
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N° 14LY02713