Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 septembre 2014 et 18 juin 2015, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2014 ;
2°) de le décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le montant des dépens et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement n° 10 05 00042 du 25 mai 2010 est irrégulier car il méconnaît les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; aucun des documents qui y sont visés ne correspond à une pièce de procédure réelle et il existe un risque de confusion sur l'origine et la cause des impositions en litige eu égard au fait qu'il a fait l'objet de plusieurs propositions de rectification ; les conséquences financières indiquées dans la proposition de rectification du 7 juillet 2008 que l'administration fiscale invoque au soutien de l'imposition diffèrent, au moins en ce qui concerne les pénalités, de celles exprimées dans la réponse aux observations du contribuable du 13 octobre 2008, ce qui constitue une irrégularité substantielle ;
- la méthode de reconstitution des recettes de l'année 2005 est excessivement sommaire car, d'une part, elle n'a pas tenu compte du fait qu'une partie des achats du premier exercice a nécessairement été consacrée à la constitution d'un stock et, d'autre part, elle n'a pas pris en compte le fait qu'une partie des achats de 2005 avait été revendue en 2006 alors que s'agissant d'un débit de boissons, le stock de sortie de 2005 ne pouvait être évalué à zéro et que l'administration n'a pas mis en évidence, à stock constant, des dissimulations de recettes ;
- les impositions de l'année 2005 sont exagérées car la méthode du service a conduit ce dernier à majorer les bénéfices et le chiffre d'affaires de l'année 2005 ; le service n'a pris ainsi en considération ni la réalité de l'exploitation ni le principe de l'annualité, ni les conséquences sur la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu ; à titre de règle pratique, il est proposé à la cour de statuer ex aequo et bono en lissant les résultats de la reconstitution des recettes sur les deux années vérifiées par une division par 2 des bases d'imposition supplémentaires retenues pour la détermination du chiffre d'affaires de l'exercice 2005 ; à défaut, de décharger la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur le revenu correspondants pour imprécision de la méthode ;
- les pénalités ne sont pas fondées compte tenu de ce qui précède car le service n'apporte pas la preuve de l'ampleur des insuffisances réelles des bénéfices et de la taxe sur la valeur ajoutée de l'exercice 2005.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 janvier 2015 et 16 juillet 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- les anomalies des dates mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement des droits de taxe sur la valeur ajoutée sont sans incidence sur sa régularité ; le fait que le requérant a fait l'objet d'une autre proposition de rectification en date du 9 juillet 2008 suite à l'examen de situation fiscale personnelle de son foyer fiscal n'a pas été source de confusion ainsi qu'en témoignent les observations formulées en réponse aux deux propositions de rectification qui lui ont été adressées ; les montants figurant sur l'avis de mise en recouvrement correspondent à ceux mentionnés dans la réponse aux observations du contribuable du 13 octobre 2008 et dans l'avis de la commission départementale ; par ailleurs, si le calcul de la majoration est erroné dans la proposition de rectification comme portée pour 75 euros au lieu de 3 284 euros, ce document mentionne que cette pénalité s'applique au rappel de taxe sur la valeur ajoutée ; en outre, la réponse aux observations du contribuable a mentionné une pénalité de 2 634 euros ce qui correspond au montant figurant sur l'avis de mise en recouvrement et le requérant n'a pas été privé d'une garantie car il a bénéficié d'un délai de trente jours pour faire valoir ses observations ce qu'il a fait les 1er et 9 septembre 2008 ;
- la charge de la preuve d'établir le caractère exagéré des impositions litigieuses incombe au requérant eu égard aux graves irrégularités de sa comptabilité et au fait que les impositions en cause ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la méthode de reconstitution retenue par l'administration n'est pas sommaire ; elle repose sur les conditions réelles de l'exploitation, les constatations opérées lors du contrôle et les explications apportées par M. A...lors du contrôle ; la vérificatrice n'a pas pris en compte de stock au 31 décembre 2005 aux motifs que l'inventaire des stocks des liquides qui a été fourni n'a pas permis de déterminer avec précision la nature et la quantité des boissons en stock et que la quantité du stock de café n'était que de 3 kilos ;
- la pénalité pour manquement délibéré est fondée compte tenu du caractère non probant de la comptabilité et de l'importance de la minoration de recettes (22 % du chiffre d'affaires) ; par ailleurs, les pénalités mises en recouvrement ne correspondent pas aux documents mentionnés sur l'avis de mise en recouvrement, notamment à la réponse aux observations du contribuable du 13 octobre 2008 qui a porté leur montant de 75 euros à 2 634 euros.
Par ordonnance du 8 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 28 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...A..., qui exploite à titre individuel, une pizzéria sise 32 quai Perrière à Grenoble, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er novembre 2004 au 31 décembre 2006 en matière d'impôt sur le revenu (bénéfices industriels et commerciaux) étendue, pour la taxe sur la valeur ajoutée, au 30 septembre 2007 ; que le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme étant incomplète, irrégulière et non probante et procédé à une reconstitution de ses recettes ; que, suite à ce contrôle, un rappel d'impôt sur le revenu et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge selon une procédure de rectification contradictoire, au titre de la seule année 2005, première année de son activité, et assortis d'intérêts de retard et d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré ; que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2014 qui a rejeté ses demandes ;
Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'avis de mise en recouvrement en litige : " L'avis de mise en recouvrement (...) indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification contradictoire, il fait référence soit à la proposition de rectification (...) et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications " ;
3. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont M. A...a fait l'objet, le comptable des impôts a émis, le 25 mai 2010, un avis de mise en recouvrement portant sur un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 822 euros, une majoration d'un montant de 2 634 euros et des intérêts de retard d'un montant de 709 euros ; que les pièces de procédure auxquelles renvoie cet avis de mise en recouvrement comportent des dates erronées en ce qu'il mentionne une proposition de rectification du 1er juillet 2007 au lieu du 7 juillet 2007, une réponse aux observations du contribuable du 7 juillet 2008 au lieu 13 octobre 2008 et un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 15 janvier 2010 au lieu du 16 novembre 2009 ; que la réponse aux observations du contribuable du 13 octobre 2008 a rectifié le montant de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts en la portant de 75 euros à 2 634 euros, le montant initialement mentionné dans la proposition de rectification étant erroné ;
4. Considérant, toutefois, d'une part, que les irrégularités relatives aux dates de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable portées sur cet avis n'ont pu induire en erreur le requérant sur l'origine de ce rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dès lors que, s'il faisait également l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, il ne pouvait ignorer que le rappel en cause, relatif à la taxe sur la valeur ajoutée, ne pouvait résulter que de la proposition de rectification du 7 juillet 2007 et de la réponse aux observations du contribuable du 13 octobre 2008, faisant suite à la vérification d'activité de son exploitation personnelle ; que, d'autre part, l'avis de mise en recouvrement en cause portait sur les mêmes montants que ceux mentionnés dans la réponse aux observations du contribuable ; qu'ainsi, nonobstant le fait que la réponse aux observations du contribuable comportait une date erronée, le requérant n'a pas davantage été induit en erreur sur les montants des droits, intérêts de retard et majoration pour manquement délibéré mis à sa charge ; qu'il s'ensuit que M. A...n'est pas fondé à soutenir que les erreurs de date des pièces de procédure mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement litigieux, qui ne l'ont privé d'aucune garantie, constituaient des irrégularités substantielles de nature à entraîner la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée en cause et des pénalités y afférentes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'en l'absence de justificatifs détaillés des recettes de l'année 2005, le vérificateur a rejeté la comptabilité de M. A...comme étant entachée d'une grave irrégularité ; que ce rejet n'est pas contesté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission./ Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge./ (...) " ; que les impositions en cause ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 16 novembre 2009 ; que, par suite, la charge de la preuve incombe au requérant ;
7. Considérant que pour procéder à la reconstitution des recettes de M. A...au titre des ventes réalisées sur place en 2005, le vérificateur a retenu la méthode des cafés, dont les résultats lui sont apparus plus favorables au requérant que ceux résultant de la méthode des liquides ; qu'il a ainsi calculé la part du " chiffre d'affaires café " par rapport au chiffre d'affaires total déclaré, soit 4,38 %, puis reconstitué le " chiffre d'affaires café " à partir des achats de café en retenant une dose de 8 g pour le café moulu et une dose de 10 g pour le café en grains auxquelles il a appliqué un prix de vente unitaire de 1,5 euros et, enfin, reconstitué le chiffre d'affaires global en valorisant le " chiffre d'affaires café " reconstitué ; qu'il a appliqué une réfaction de 5 % sur les achats de café afin de prendre en compte l'utilisation de café pour les desserts ; qu'il a appliqué une réfaction de 10 % sur le chiffre d'affaires total reconstitué pour prendre en compte les pertes, offerts et les prélèvements de l'exploitant ; qu'en outre, il a reconstitué le chiffre d'affaires correspondant aux pizzas à emporter à partir du nombre de boites acquises au cours de l'exercice auquel il a appliqué un prix moyen de 8 euros ; que, pour la reconstitution de ces deux chiffres d'affaires, le vérificateur n'a retenu aucun stock de sortie en considérant que les montants comptabilisés ne correspondaient pas aux montants figurant sur l'inventaire des stocks produit et que, après une analyse des achats et ventes de vins en décembre 2005, l'état des stocks n'était pas probant ;
8. Considérant que M. A...fait valoir que la méthode de reconstitution des recettes retenue par le vérificateur est excessivement sommaire et que ses résultats sont excessifs au motif que l'absence de prise en compte de stocks au 31 décembre 2005 a conduit à majorer son chiffre d'affaires et son bénéfice de l'année 2005 ; que, toutefois, le requérant se borne à faire valoir que l'année 2005 était sa première année d'activité, que s'agissant d'un débit de boissons le stock de sortie ne peut être évalué à zéro et que l'administration n'a pas mis en évidence, à stock constant, des dissimulations de recettes au titre de l'année 2006 ; qu'il n'apporte aucune précision ni justification à l'appui de sa contestation ; qu'il ne produit aucune pièce au dossier, notamment son état d'inventaire au 31 décembre 2005, et ne propose aucune méthode permettant d'évaluer le montant des stocks qu'il y aurait lieu de prendre en compte ; que s'il propose à la cour de statuer ex aequo et bono en lissant les résultats de la reconstitution des recettes sur les deux années vérifiées par une division par 2 des bases d'imposition supplémentaires retenues pour la détermination du chiffre d'affaires de l'exercice 2005, une telle méthode, par trop approximative et qui n'est corroborée par aucune analyse de l'évolution de son chiffre d'affaires et de son bénéfice, doit être écartée ; que, dans ces conditions, M.A..., n'est pas fondé à soutenir que le vérificateur en ne retenant pas de stock au 31 décembre 2005 n'aurait pas pris en considération la réalité de l'exploitation, le principe de l'annualité et la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu, et que sa méthode trop imprécise et sommaire aurait conduit à des résultats exagérés ;
Sur les pénalités :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;
10. Considérant qu'en faisant valoir le caractère non probant de la comptabilité et l'importance de la minoration de recettes du requérant résultant de la reconstitution de son chiffre d'affaires, l'administration n'établit pas l'intention délibérée de ce dernier d'éluder l'impôt alors que les rappels effectués, relatifs à la première activité de M.A..., n'ont porté que sur l'une des années vérifiées ; que, dès lors, M. A...doit être déchargé des majorations pour manquement délibéré appliquées au rappel de taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, résultant de la reconstitution de ses recettes, auxquelles il a été assujetti au titre de 2005, en application de l'article 1729 du code général des impôt ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été appliquées au titre de 2005 sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée et la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de la reconstitution des recettes de son activité professionnelle ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. A...est déchargé des majorations pour manquement délibéré qui ont été appliquées sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée et l'imposition supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de la reconstitution des recettes de son activité professionnelle, auxquelles il a été assujetti au titre de 2005.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 8 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à la décharge des majorations pour manquement délibéré mentionnée à l'article 1er.
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Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 14LY02824
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