Par un jugement n° 1700814 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2017, M.C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle en s'abstenant de prendre en compte les éléments qu'il a produit sur son état de santé ;
- le préfet a à tort considéré qu'il souffre d'une maladie courante et que les soins dont il a besoin sont disponibles et accessibles en Algérie ; il a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur de droit en estimant qu'il ne pouvait prétendre à une autorisation provisoire de séjour sur le fondement du protocole III de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation d'un délai de départ volontaire de 30 jours et désignant l'Algérie comme pays de destination :
- ces décisions sont illégales du fait de l'illégalité entachant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale car il a la qualité d'étranger malade par application des dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision limitant à 30 jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'impossibilité où il se trouve de se faire soigner en Algérie ;
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2018 le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que les médicaments nécessaires au traitement de M. C...sont disponibles en Algérie, qui dispose d'une offre de soins complète.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pommier, président ;
- et les observations de MeA..., représentant M.C... ;
1. Considérant que M.C..., ressortissant algérien né le 16 mai 1982, est entré en France le 13 avril 2015 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles ; que, le 19 février 2016, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour soins conformément au protocole III de cet accord ; que, par un arrêté du 3 janvier 2017, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné d'office à l'expiration de ce délai ; que M. C...fait appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que dans sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence ou d'une autorisation provisoire de séjour, le requérant avait levé le secret médical et produit des pièces se rapportant à sa pathologie ; que le préfet, dans les énonciations de l'arrêté contesté, indique expressément que M. C...a levé le secret médical et a répondu à sa demande sur les deux fondements dont il l'avait saisi ; qu'ainsi et alors même que le préfet n'a pas fait mention de sa pathologie et s'est référé à des éléments généraux relatifs au système de soins algérien, il a bien procédé à un examen particulier de sa situation ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie ;
5. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par un avis du 30 mai 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'aucun traitement approprié n'existait dans son pays d'origine ; que, dans sa décision, le préfet, qui n'était pas lié par cet avis, s'en est écarté en se fondant, pour retenir que M. C...pouvait bénéficier d'un traitement approprié, sur des documents transmis par le consulat général de France à Alger en date du 21 octobre 2013 et sur la déclaration du ministre de la santé du gouvernement algérien, citée dans le rapport du 3 novembre 2011 de l'Agence de gestion des frontières du ministère de l'intérieur britannique ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est atteint d'une leucémie aiguë myéloïde dont il a été opéré en Algérie en 2013 ; qu'un certificat médical du 13 janvier 2017 établi par un praticien hospitalier du service d'hématologie du centre hospitalier Lyon Sud indique que M. C... souffre de complications post-allogreffe et notamment de GVH cutanée, d'une GVH pulmonaire, de perturbations du bilan biologique-hépatique, d'un syndrome Cushingoïde et d'une sarcoïdose ; qu'un certificat médical daté du 27 mars 2017, établi par un autre médecin du même service, souligne que M. C... nécessite un suivi en hématologie, en pneumologie, en rhumatologie et en stomatologie et que son traitement actuel comporte des immunosuppresseurs et des prophylaxies anti infectieuses ;
8. Considérant que le préfet a produit à l'instance des éléments établissant que les infrastructures sanitaires algériennes disposent des services spécialisés en hématologie et en pneumologie à même de prendre en charge les pathologies dont souffre le requérant ; qu'il a produit également la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine en Algérie en date du 26 juin 2016 qui comporte les médicaments prescrits au requérant ou des équivalents de ces derniers ; qu'ainsi il justifie suffisamment que les pathologies dont est atteint M. C...peuvent effectivement faire l'objet d'une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine ; que M. C...n'apporte aucune précision particulière sur l'indisponibilité alléguée des soins que requiert son état de santé et se borne à faire valoir que son suivi doit être " pluridisciplinaire " et que sa pathologie est complexe et nécessite des investigations complémentaires ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la complexité des complications post-allogreffe soit telle qu'elle ne puisse être effectivement prise en charge par les services spécialisés en hématologie existant en Algérie ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Rhône du 3 janvier 2017 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'alinéa 5 du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens admis dans des établissements de soins français et n'ayant pas leur résidence habituelle en France peuvent se voir délivrer par l'autorité française compétente, après examen de leur situation médicale, une autorisation provisoire de séjour, renouvelable le cas échéant. " ;
10. Considérant que si à l'appui de sa demande de titre de séjour en date du 19 février 2016 le requérant a produit un certificat d'hospitalisation du 9 au 12 février 2016 à l'hôpital de la Croix Rousse et un planning des consultations externes en hématologie effectuées en 2015 et en janvier et au début février 2016 auprès de praticiens hospitaliers du centre hospitalier Lyon sud, ces éléments ne suffisent pas à le faire regarder comme étant admis dans un établissement de soins français, au sens et pour l'application de ces stipulations, au titre de la période pour laquelle il sollicitait une autorisation provisoire de séjour ; qu'en tout état de cause, et comme il a été dit précédemment, M. C...n'étant pas dans l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un suivi médical approprié en Algérie, le préfet, en refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de son état de santé ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que si M. C...soutient que le préfet a entaché " plus généralement " sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ayant été écartés, M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;
13. Considérant, en second lieu, que l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français(...) : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) " ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le préfet a pu légalement estimer que l'état de santé du requérant pouvait faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ; qu'il n'a donc pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
15. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours ;
16. Considérant, en second lieu, que si M. C...soutient que son état de santé ne lui permet pas de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, il n'en apporte pas la preuve en se bornant à indiquer que la prise en charge médicale dont il a besoin est extrêmement complexe et qu'elle nécessite une mise en relation entre les services médicaux français et algériens pour éviter une rupture de soins ; qu'ainsi il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
17. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant l'Algérie comme pays de destination ;
18. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants " ;
19. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourra recevoir en Algérie les soins et traitements médicaux qui lui sont nécessaires ; que, par suite, la décision fixant l'Algérie comme pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 20 décembre 2018.
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N° 17LY02564