Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 23 novembre 2020 (non communiqué), la société Château de Bagnols, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 40 350 euros ou de la ramener à un montant liquidé selon une amende unitaire de 10 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 8115-1 du code du travail ont été méconnues dès lors que ces dispositions ne permettent à l'autorité administrative de prononcer qu'une amende par manquement alors qu'il a été prononcé à son encontre huit cent-sept amendes pour les trois cent-dix-huit manquements constatés ; le nombre d'amendes relevé vient contredire le nombre d'amendes infligées soit trois cent-huit amendes à 50 euros et qu'ainsi, le montant total qu'elle aurait dû se voir infliger ne saurait excéder dans son principe 15 900 euros ;
- la décision du 4 septembre 2018 assimile à tort le nombre de jours considérés et le nombre de salariés concernés ; cette décision ne lui a pas permis d'apprécier la teneur et la portée des amendes infligées ;
- les dispositions de l'article L. 8115-4 du code du travail ont été méconnues ; le montant unitaire de l'amende n'a pas été ramené à la somme de 50 euros.
Par mémoire enregistré le 22 octobre 2020, le ministre du travail conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... substituant Me B... pour la société Château de Bagnols ;
Considérant ce qui suit :
1. Suite à deux contrôles les 20 juillet et 1er décembre 2017 au sein de la société Château de Bagnols, la DIRECCTE Auvergne-Rhône-Alpes a établi deux rapports datés du 12 mars 2018 relevant des manquements aux durées quotidienne et hebdomadaire de travail et à la durée minimale de repos quotidien. Suite à la procédure contradictoire préalable mise en oeuvre par lettre du 6 juin 2018 et un entretien qui s'est tenu le 12 juillet 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes, par une décision du 4 septembre 2018, a mis à la charge de la société Château de Bagnols une amende de 10 400 euros pour manquement à la durée du travail quotidienne légale maximum, une amende de 6 700 euros pour manquement à la durée de travail hebdomadaire légale absolue de quarante-huit heures et une amende de 23 250 euros pour manquement à l'octroi du repos quotidien légal d'une durée minimale de 11 heures consécutives, soit une amende totale de 40 350 euros. La société Château de Bagnols relève appel du jugement lu le 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cette décision ou à la réduction des amendes.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail (...), et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : 1° Aux dispositions relatives aux durées maximales du travail fixées aux articles L. 3121-18 à L. 3121-25 et aux mesures réglementaires prises pour leur application ; 2° Aux dispositions relatives aux repos fixées aux articles L. 3131-1 à L. 3131-3 et L. 3132-2 et aux mesures réglementaires prises pour leur application (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-3 du même code : " Le montant maximal de l'amende est de 2 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. / Le plafond de l'amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de l'amende concernant un précédent manquement ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3121-18 du code du travail : " La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures (...) ". Aux termes de l'article 21 de la convention collective hôtels, cafés restaurant du 30 avril 1997 : " /(...)/Durées maximales journalières /Cuisiniers : 11 heures ;/Autres salariés : 11 h 30 ;/(...) ". Aux termes de l'article L. 3121-20 du code précité: " Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 3131-1 du même code : " Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, qu'un manquement est constitué dès qu'est dépassée la durée d'un cycle de travail, ou bien supprimée ou écourtée une période de repos, d'autre part, que le nombre de manquements et, partant, le nombre d'amendes susceptibles de sanctionner ces manquements doit être distingué du tarif unitaire entrant dans la liquidation du produit de chaque amende en fonction du nombre de salariés concernés par le manquement considéré.
5. Il résulte de l'instruction et notamment des annexes mis à disposition de la société Château de Bagnols lors de la procédure contradictoire et visés par la décision attaquée, que s'agissant des " autres catégories de personnel " les manquements à la durée du travail quotidienne conventionnelle de 11 h 30 ont concerné, sur la période du 25 mars au 24 septembre 2017, six salariés de l'établissement, à une ou plusieurs reprises, emportant un total de quarante-cinq infractions. S'agissant des cuisiniers, cet annexe précise qu'entre un et cinq salariés étaient concernés par les manquements sur la période du 24 mars au 1er octobre 2017, emportant au sein de cette catégorie de manquement, cent soixante-trois infractions. Par voie de conséquence, comme l'indique la décision en litige, la société a donc commis cent vingt-six manquements à la durée du travail quotidienne conventionnelle sur cette période, emportant compte tenu du nombre de salariés concernés par chaque manquement, deux cent-huit infractions (quarante-cinq + cent soixante-trois) sanctionnées chacune par une amende.
6. S'agissant des manquements à la durée du travail hebdomadaire, l'annexe 3 établie par l'agent de contrôle, liste, pour chaque semaine ou période de sept jours successifs, le nombre d'heures travaillées et les travailleurs concernés, permettant de constater, sur la période du 20 mars au 1er octobre 2017, des dépassements de cette durée légale pendant vingt-huit semaines qui concernaient, chaque semaine entre un et sept salariés, emportant cent trente-quatre infractions.
7. Enfin, l'annexe 4 réalisée lors du contrôle et relatif aux manquements au repos quotidien précise, sur la période du 23 mars au 7 octobre 2017, les dates où le repos pris entre deux jours travaillés n'a pas été respecté, en l'espèce cent soixante-quatre jours, ainsi que les neuf salariés concernés pour deux ou plusieurs de ces périodes, permettant d'aboutir à quatre cent soixante-cinq infractions.
8. Par voie de conséquence, en retenant que la société Château de Bagnols avait commis trois cent dix-huit manquements constatés (cent vingt-six + vingt-huit + cent soixante-quatre) en matière de dépassements de la durée d'un cycle quotidien ou hebdomadaire de travail ou compte tenu du caractère écourté de la période de repos et que cela emporte, compte tenu des différents salariés concernés à un ou plusieurs reprises par chacun des manquements, un total de huit cent-sept infractions sanctionnées chacune par une amende (deux cent-huit + cent trente-quatre + quatre cent soixante-cinq). Il suit de là que la société Château de Bagnols n'est pas fondée à soutenir que le nombre d'infraction relevé vient contredire le nombre d'amendes infligées et qu'ainsi, le montant total qu'elle aurait dû se voir infliger ne saurait excéder dans son principe 15 900 euros ou encore que la décision du 4 septembre 2018 procède à une confusion en assimilant le nombre de jours considérés et le nombre de salariés concernés.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail alors applicable : " Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges ".
10. Il résulte de l'instruction que la DIRECCTE, au regard des différents manquements constatés, a, pour déterminer le montant des amendes, tenu compte de la nature des manquements reprochés et de leur gravité pour déterminer le montant des amendes en litige, fixées ainsi qu'il été dit, à 50 euros par salarié concerné et par manquement. Compte tenu de ses circonstances et du montant maximal de l'amende alors en vigueur de 2 000 euros par salarié et par manquement, le moyen tiré de ce que la décision en litige portant amende administrative d'un montant total, compte tenu de ce tarif unitaire des huit cent-sept amendes infligées, de 40 350 euros serait disproportionnée ou n'aurait pas été calculée sur la base d'un tarif unitaire de 50 euros, doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Château de Bagnols n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la société Château de Bagnols au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Château de Bagnols est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Château de Bagnols et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
N° 19LY04626