Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 août 2019 et 6 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner l'État à l'indemniser du montant des indemnités journalières dont elle a été privée du 12 décembre 2016 au 2 décembre 2018, ainsi que 7 000 euros en indemnisation du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017, capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, somme à verser à son conseil en cas d'octroi de l'aide juridictionnelle et sous réserve de renoncer à la part contributive de l'État.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a annulé la décision du 8 décembre 2016 dès lors que son état de santé ne permettait pas la reprise de ses fonctions à compter du 12 décembre 2016 ;
- son placement en disponibilité d'office pour convenances personnelles, à sa demande, à compter du 12 décembre 2016 par arrêté du 12 octobre 2017 pour une durée de trois ans, a été présenté sous la contrainte ; elle avait sollicité son admission à la retraite compte tenu de son inaptitude à exercer ses fonctions mais cette demande a été refusée au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions pour être admise à la retraite de manière anticipée et elle a dû demander une disponibilité pour convenance personnelle pour régulariser sa situation sous peine d'être radiée des cadres pour abandon de postes.
Par mémoire enregistré le 22 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de Mme B... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2020.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55 % par décision du 18 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement lu le 3 juillet 2019 le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 8 décembre 2016 du ministre de l'intérieur en tant qu'il met fin à la mise en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 12 décembre 2016 de Mme B... et l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps plein à compter de cette même date. Mme B... relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices financier et moral subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 8 décembre 2016.
2. Aux termes de l'article 34 alors applicable de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ". Aux termes de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 susvisé : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° (...) de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 (...) et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire (...) / La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme B..., compte tenu de son état de santé, a été placée en congé maladie ordinaire du 6 mars 2015 au 5 mars 2016 soit pendant douze mois consécutifs et qu'elle avait donc épuisé ses droits statutaires à congé maladie ordinaire. Suite au rejet de sa demande de congé de longue maladie et après avis du comité médical le 24 mars 2016, elle a été placée en disponibilité d'office par arrêté ministériel du 6 avril 2016 avec le bénéfice des indemnités journalières du 6 mars 2016 au 5 septembre 2016, disponibilité d'office renouvelée sur avis du comité médical ministériel du 15 septembre 2016 pour une durée de trois mois par un arrêté du 3 octobre 2016 et pour la période du 6 septembre 2016 au 5 décembre 2016. Par l'arrêté du 8 décembre 2016, cette disponibilité d'office avec le bénéfice des indemnités journalières a été maintenue pour six jours soit du 6 au 11 décembre 2016 inclus.
4. Par le jugement en litige, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 8 décembre 2016 du ministre de l'intérieur, en tant qu'il met fin à la mise en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 12 décembre 2016 de Mme B... et l'autorise à reprendre ses fonctions à temps plein à compter de cette même date. Compte tenu de cette annulation partielle et de son effet rétroactif, le renouvellement de la mise en disponibilité d'office de Mme B... perdurait au-delà du 12 décembre 2016. Par ailleurs, eu égard à son état de santé, incompatible avec la reprise de son activité professionnelle ainsi que le démontrent les pièces médicales produites par l'intéressée, la mise en disponibilité d'office de Mme B... avait vocation à être renouvelée jusqu'à la date de départ à la retraite de l'intéressée le 2 décembre 2018 en application de l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 précité.
5. Le maintien en disponibilité d'office pour raison de santé de Mme B... qui devait intervenir après le 12 décembre 2016, la rendait éligible aux indemnités journalières prévues par le code de la sécurité sociale au bénéfice des travailleurs involontairement privés d'emploi. Par suite, Mme B... est fondée à demander la condamnation de l'État à lui verser lesdites indemnités journalières prévues par les dispositions de l'article D. 712-12 du code de la sécurité sociale, auxquelles elle aurait pu prétendre pour la période du 12 décembre 2016 au 2 décembre 2018, date de sa mise à la retraite. Il y a lieu de la renvoyer devant l'administration pour la liquidation du montant de la condamnation qui, en vertu de l'article 1344-1 du code civil, portera intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017, date de notification au débiteur de la première demande de paiement. En application de l'article 1343-2 du même code, ces intérêts seront capitalisés au 1er février 2018 puis à chaque échéance anniversaire.
6. Toutefois, le préjudice moral allégué compte tenu de l'illégalité ainsi retenue quant à la date de fin de mise en disponibilité n'est pas, en l'absence d'autres éléments, caractérisé.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité correspondant au montant des indemnités journalières dont elle a été illégalement privée du 12 décembre 2016 au 2 décembre 2018. Le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure et l'État doit être condamné à verser à Mme B... une indemnité correspondant au montant des indemnités journalières qu'elle aurait dû percevoir du 12 décembre 2016 et au 2 décembre 2018, outre intérêts au taux légal, capitalisés.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : L'État est condamné à verser à Mme B... une indemnité correspondant au montant des indemnités journalières dont elle a été privée du 12 décembre 2016 au 2 décembre 2018.
Article 2 : Mme B... est renvoyée devant l'administration aux fins de liquidation du montant de la condamnation prononcée à l'article 1er. Celle-ci sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017, capitalisés au 1er février 2018 puis à chaque échéance anniversaire.
Article 3 : Le jugement n° 1701316 lu le 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'État versera au conseil de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
N° 19LY03218