Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2016, l'ONIAM, représenté par
Me I...K...et Fitoussi avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 16 août 2016 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. G....
Il soutient que :
- le décès du demandeur, le 14 août 2016, prive d'urgence la demande de provision ;
- son obligation à l'endroit du demandeur est sérieusement contestable dès lors que le préjudice spécifique de contamination a déjà été indemnisé et qu'une expertise est en cours pour évaluer les préjudices ;
- le décès du demandeur rend impossible l'évaluation des préjudices subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2016, l'Etablissement français du sang déclare s'en remettre à la sagesse de la cour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2016, Mme H...C..., veuve I...F...G..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son enfant mineur, Mme D...G..., Mme J...E...et Mme A... B...concluent au rejet de la requête et au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le référé provision n'est pas soumis à une condition d'urgence ;
- l'obligation de l'ONIAM n'est pas sérieusement contestable ;
- l'aggravation de l'état de santé deF... G... justifie la provision accordée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2016, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'Etablissement français du sang ou de l'ONIAM à lui verser la somme de 112 574,76 euros à titre de provision et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 et le 24 novembre 2016, l'ONIAM conclut aux mêmes fins que la requête et au rejet des conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Il soutient que la caisse ne peut exercer d'action subrogatoire à son encontre.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'ordonnance était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2017, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône conclut aux mêmes fins que précédemment, par le même moyen.
Elle soutient, en outre, que ses conclusions sont recevables.
Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2017, l'ONIAM conclut aux mêmes fins que la requête et au rejet des conclusions présentées par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, par les mêmes moyens.
Il soutient, en outre, que les conclusions présentées par l'organisme social sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, notamment son article 67 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, notamment son article 72 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
1. Considérant que F...G..., porteur d'une thalassémie homozygote, a fait l'objet de multiples transfusions sanguines à l'issue desquelles il a été victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ; que l'indemnisation des préjudices résultant de cette contamination a été mise à la charge de l'Etablissement français du sang par un jugement du 19 février 2007 du tribunal de grande instance de Marseille ; que son état de santé s'étant aggravé, F...G...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de provision ; que l'office fait appel de l'ordonnance du 16 août 2016 par laquelle le juge des référés l'a condamné au paiement d'une provision d'un montant de 25 000 euros ;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 541-1 code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'octroi d'une provision par le juge des référés n'est aucunement subordonné à l'urgence ou à la nécessité pour le demandeur de l'obtenir ; qu'il suit de là que l'ONIAM ne peut utilement se prévaloir, pour contester l'ordonnance attaquée, de ce que la demande de provision ne présente pas d'urgence du fait du décès de F...G..., le 14 août 2016 ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'office, la circonstance que l'état de santé deF... G... n'était pas consolidé à la date de son décès ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse être procédé à l'évaluation définitive des préjudices qu'il a subis ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que, dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que, dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 17 juillet 2015 de l'expertise ordonnée par le juge des référés le 19 février 2015 et des certificats établis au cours de l'année 2016 par les praticiens hospitaliers en charge du patient, que l'état de santé de F...G..., décédé le 14 août 2016, s'était aggravé depuis la précédente expertise du 5 juillet 2004, et tout particulièrement depuis en 2015 et 2016, du fait notamment de la diffusion rapide de l'hépato carcinome et de son extension à la sphère péritonéale ;
6. Considérant que le tribunal de grande instance de Marseille a, par son jugement du 19 février 2007, alloué à F...G...une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice spécifique, du fait de sa contamination, ayant pour objet de réparer " la souffrance liée à la maladie et à ses traitements, le préjudice sexuel et le préjudice d'agrément occasionné par ces mêmes traitements et la fatigue qu'ils engendrent " et en tenant compte, dans le cas particulier de la victime, de ce que ce préjudice était majoré par " l'impossibilité de lui prodiguer un traitement efficace en raison de sa pathologie antérieure " ; que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les préjudices propres à l'aggravation de l'état de santé de F...G..., tenant notamment à la certitude d'une mort prochaine du fait d'une grave et rapide détérioration de son état de santé, n'ont pas déjà été réparés par l'indemnisation accordée par la décision de la juridiction judiciaire du 19 février 2007 ;
7. Considérant que la seule circonstance que le juge des référés ait prescrit, par une ordonnance des 23et 24 juin 2016, une expertise ayant pour objet de déterminer si l'état de santé de F...G...était consolidé et d'évaluer les préjudices subis par la victime, ne fait pas par elle-même obstacle à ce que le juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, accorde une provision au demandeur ou à ses ayants droit, dès lors que, l'aggravation de l'état de santé étant en lien direct et certain avec la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, l'obligation de l'office n'est pas sérieusement contestable ; que dans les circonstances de l'espèce, en fixant à 25 000 euros le montant de la provision correspondant aux troubles de toute nature dans les conditions d'existence résultant de l'aggravation de l'état de santé de la victime, le juge des référés du tribunal administratif a fait une appréciation qui n'est pas excessive, de la fraction revêtant un caractère de certitude suffisant ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser une somme de 25 000 euros à titre de provision, laquelle sera, si elle ne l'a déjà été, versée aux ayants droit de F...G... ;
9. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique que l'organisme social ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1221-14 ne peut exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que la demande de F...G...a été enregistrée le 8 mars 2016 au greffe du tribunal administratif de Marseille ; qu'elle était dirigée contre l'ONIAM ; qu'à cette date, l'office intervient au titre de la solidarité nationale ; que le tiers payeur ne dispose pas, conformément aux dispositions de l'article 67 IV de la loi du 17 décembre 2008, d'un recours subrogatoire contre l'ONIAM pour demander le remboursement des débours qu'elle a dû engager pour son assuré ; que par suite, et ainsi que le fait valoir l'ONIAM, les conclusions d'appel de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône dirigées contre l'office sont irrecevables et doivent être rejetées ;
10. Considérant que les tiers payeurs qui ont versé des prestations à la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite B ou C ou par le virus T-lymphotropique humain peuvent, sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en responsabilité civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, ainsi que des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, exercer un recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage ou d'héritier des obligations du fournisseur de ces produits ; qu'il résulte des dispositions du huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique que ce recours, de même que celui qui est ouvert à l'office mentionné à l'article L. 1142-22 du même code lorsqu'il a indemnisé la victime, est soumis à la condition que l'établissement de transfusion sanguine soit assuré, que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré ; qu'en revanche, aucune disposition ne subordonne l'exercice du recours subrogatoire à l'existence d'une faute du fournisseur des produits sanguins ; que la responsabilité de ce fournisseur s'est trouvée engagée du seul fait que les produits transfusés étaient porteurs d'un agent infectieux ;
11. Considérant que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, bien que mise en cause, n'a produit aucune observation devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, qui lui a d'ailleurs déclaré commune l'ordonnance attaquée du 16 août 2016 ; que la caisse, dont la " notification provisoire des débours " est au demeurant datée du 15 juin 2016, n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de déterminer, avant que le premier juge ne statue, le montant lui paraissant revêtir un caractère de certitude suffisant pour demander le versement d'une provision à ce titre ; que la caisse, qui a présenté ses conclusions tendant au versement d'une provision, le 25 octobre 2016, ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'était pas en mesure de pouvoir le faire avant le dépôt, le 19 décembre 2016, du rapport de l'expertise que le juge des référés du tribunal administratif avait ordonnée les 23 et 24 juin 2016 dans l'instance n° 1603960 ; que dans ces conditions, les conclusions dirigées par la caisse à l'encontre de l'Etablissement français du sang, tendant à l'indemnisation des débours exposés jusqu'au 1er juin 2016, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables ; que les conclusions présentées au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées par voie de conséquence ;
12. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mmes C..., G..., E...et B...d'une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
ORDONNE
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM versera à Mmes C..., G..., E...et B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, présentées par la voie de l'appel incident, sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme D...G..., à Mme H...C..., à Mme J... E..., à Mme A...B..., à l'Etablissement français du sang et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Fait à Marseille, le 11 avril 2017.
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N°16MA03620