Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 septembre 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 12 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'examiner sa situation sur le fondement de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien ou au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a méconnu son droit d'être entendu ;
- le préfet a commis deux erreurs de fait démontrant un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me B... représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... relève appel du jugement du 12 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'un refus d'admission au séjour et d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D..., qui a été entendue lors du dépôt de sa demande d'asile, aurait été empêchée de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation. Par suite et alors que l'intéressée ne pouvait raisonnablement ignorer que, en cas de rejet de sa demande, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a relevé à tort que Mme D... était mère de trois enfants et était entrée en France dans des conditions indéterminées alors qu'elle est mère de quatre enfants et est entrée en France sous couvert d'un visa. Toutefois ces seules circonstances, alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le préfet a examiné la situation de Mme D..., notamment vis à vis d'une possible régularisation de sa situation administrative, de sa vie privée et familiale et des craintes alléguées en cas de retour dans son pays d'origine, ne sont pas de nature à établir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet et sérieux de sa situation. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
6. Mme D... fait état de craintes de mauvais traitements en cas de retour en Algérie. Toutefois, si elle invoque les violences conjugales dont elle aurait fait l'objet et produit des certificats médicaux faisant état de son état psychiatrique ainsi que des attestations de ses proches, elle n'apporte pas d'élément de nature à établir qu'elle ou ses enfants encourraient actuellement et personnellement des risques réels de subir des mauvais traitements, tel que l'ont d'ailleurs relevé l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 19 juillet 2016 à l'âge de trente et un ans, soit de manière récente. Elle n'établit ni même n'allègue avoir noué des relations privées, amicales, sociales ou professionnelles sur le territoire français. Si les attestations du corps enseignant qu'elle produit font état de l'assiduité en classe et du bon comportement de ses trois premiers enfants ainsi que de son implication dans le suivi de leur éducation et la vie scolaire, les enfants ne sont scolarisés que depuis fin 2016, soit de manière récente. En outre son 4e enfant n'est âgé que de deux ans et demi. Enfin, sa participation au secours populaire ainsi que sa volonté d'apprendre le français depuis fin 2018 ne peuvent suffire à établir qu'elle aurait durablement constitué en France le centre de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ou aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Eu égard d'une part, au caractère récent du séjour et de la scolarisation en France des enfants et d'autre part, à l'absence de démonstration, comme il a été dit précédemment, de l'existence de risques actuels et personnels pour les enfants de subir des mauvais traitements, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme D..., il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
13. L'Etat n'étant pas la partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme D... présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 septembre 2020
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N° 19MA04362
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