Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19MA01938 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille les 9 avril et 8 novembre 2019, Mme B... D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence vie privée et familiale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'instruire à nouveau sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E..., qui renoncera au bénéfice de la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier en tant que le tribunal administratif a omis de statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; le père de son enfant, dont elle vit séparée, est titulaire d'un certificat de résidence et a renoué des liens avec l'enfant ;
- l'arrêté méconnaît l'observation générale du comité des droits de l'enfant F... concernant l'intérêt supérieur de son enfant ;
- l'arrêté est contraire aux stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'arrêté est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
La demande d'aide juridictionnelle formée par Mme D... a été rejetée par une décision du 29 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D..., née le 30 mars 1988 à M'G...), de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1806282 du 21 décembre 2018, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs même du jugement que le tribunal administratif de Marseille a expressément répondu aux moyens contenus dans la demande de première instance. En particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par Mme D..., notamment l'argument selon lequel la décision ne respecterait pas l'observation générale n° 14 du Comité des droits de l'enfant F..., n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté serait contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (A...). Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
4. En l'espèce, Mme D... est entrée sur le territoire français le 25 février 2012 sous couvert d'un visa C et s'y est maintenue depuis. Elle soutient y résider depuis avec sa fille, née à Vitrolles le 21 août 2012. Elle ne justifie pas être dépourvue de tout lien dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où elle a passé la plus grande partie de son existence. La circonstance qu'elle a suivi dès le mois de septembre 2012 des cours de français à raison de six heures par semaine, qu'elle a obtenu le diplôme initial de langue française, qu'elle a toujours déclaré ses revenus en France, qu'elle intervient bénévolement dans l'association " Mouv' happyness " à Gignac-La-Nerthe, intervention attestée par le 1er adjoint au maire de la ville, qu'elle a tissé des liens avec de nombreuses personnes ainsi que l'établissent vingt-trois attestations de connaissances et de proches ne permet pas, sans plus d'éléments, et alors même qu'elle ne fait état d'aucune insertion professionnelle particulière, d'établir qu'elle a fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. La production de justificatifs pour les années 2012 à 2018, principalement des ordonnances médicales, des comptes rendus d'analyse biologique, des factures de consommation courante (Casino), des courriers relatifs à l'assurance maladie, des courriers du ministère de l'intérieur et du défenseur des droits, des reçus de règlement pour la cantine de son enfant, ne sont pas plus de nature à justifier d'une insertion socioprofessionnelle suffisante. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté serait contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 6 de l'accord franco-algérien ne peuvent, dès lors, qu'être écartés. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (A...) : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. En l'espèce, la circonstance que la fille de Mme D..., Emiline, née à Vitrolles le 21 août 2012, a été scolarisée en France à l'école maternelle et élémentaire publique David Douillet à Gignac-La-Nerthe pour les années 2015/2019 et qu'elle a tissé des liens avec ses camarades de classe, ne fait pas obstacle, eu égard au jeune âge de l'enfant, à ce qu'il continue sa scolarité en Algérie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé au titre de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut, dès lors, qu'être écarté. Enfin, l'observation générale n° 14 (2013) du Comité des droits de l'enfant F... ne contient pas de dispositions dont Mme D... peut utilement se prévaloir à l'appui de ce moyen.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme D.... Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 21 décembre 2018, de l'arrêté du 3 juillet 2018, à fin d'injonction et d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2019, où siégeaient :
- M. C..., président,
- M. Portail, président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
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N° 19MA01938
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