Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches du Rhône du 15 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me A..., d'une somme de 2 000 euros au titre des articles 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration sans examiner sa situation et sans mentionner son état de santé en cas de retour en Algérie et, ainsi, la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- il a été privé de la possibilité de comprendre les motifs de l'arrêté faisant ainsi obstacle à son droit à un recours effectif, tel que protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'une partie de la population est privée de soins et d'accès aux soins, que, âgé, dans une situation précaire et dans un état de santé nécessitant un traitement régulier, il n'a pas la possibilité de se faire soigner et méconnaît des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 3 juillet 1946, a sollicité, le 19 février 2018, le renouvellement de son admission au séjour sur le fondement de l'article 6, 7 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 15 novembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par le jugement du 2 mai 2019 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
2. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, régit, d'une manière complète, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Par suite, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord.
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...). ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande sur le fondement des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si de telles possibilités existent mais que le ressortissant algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Le préfet ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
6. En premier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet des Bouches-du-Rhône, saisi d'une demande de renouvellement de titre de séjour au titre des stipulations de l'article 6, 7 de l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, s'est fondé sur l'avis consultatif émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 août 2018 ainsi que sur la situation personnelle de M. B.... La circonstance que le préfet qui ne peut, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, une information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger, être destinataire de telles informations, ne mentionne pas la pathologie dont souffre l'intéressé n'est pas de nature à regarder l'arrêté en cause comme étant dépourvu de motivation, à cet égard. Au demeurant, il n'est pas contesté que l'arrêté contesté comporte l'exposé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement conformément l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Cet exposé, qui a utilement mis l'intéressé en mesure d'en contester les motifs, et qui permet par ailleurs au juge de les contrôler, revêt en l'espèce un caractère suffisant.
7. D'autre part, M. B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les mesures relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers, notamment le refus de renouvellement d'un titre de séjour n'emportant ni de contestation sur des droits ou des obligations de caractère civil, ni d'accusation en matière pénale.
8. En deuxième lieu, au vu de l'avis du 24 août 2018 émis par le collège de médecins de l'OFII, le préfet a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cependant, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie vers lequel il peut voyager sans risque.
9. M. B... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour, valables du 25 août 2016 au 9 février 2018. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux des 15 janvier 2018, 5 février 2015, 28 juin 2018, 8 janvier 2019 et 7 mars 2019, produits en première instance qu'à la date de l'arrêté en litige, son état de santé nécessitait une surveillance semestrielle de la cirrhose post virale C post transfusionnelle aggravée d'une hémorragie digestive, notamment une consultation tous les trois à six mois ainsi qu'un traitement par bétabloquant pour l'hypertension artérielle dont M. B... souffre. Ces certificats médicaux dont les auteurs mentionnent, en termes très généraux, que l'intéressé doit suivre en France son traitement, lequel est indisponible dans son pays d'origine et une surveillance régulière ne pouvant avoir lieu en Algérie et les deux articles de presse du 6 avril 2015 et 13 novembre 2016 versés aux débats ne sont pas de nature à infirmer les conclusions du collège de médecins de l'OFII, dans son avis du 24 août 2018. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de la liste des médicaments remboursés par la sécurité sociale, qu'y figurent les bétabloquants. Enfin, si M. B... soutient qu'âgé et dans une situation précaire, il ne pourrait avoir accès à un traitement effectif, il ressort des pièces du dossier que le requérant qui perçoit une pension de retraite, dispose de membres de sa famille en Algérie où résident ses quatre frères et soeurs et n'est ainsi pas isolé. Le requérant ne fait pas état de circonstances exceptionnelles tenant aux particularités de sa situation personnelle qui l'empêcheraient d'accéder effectivement aux soins et traitements appropriés à son état de santé. Dès, lors, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'appréciation manifestement erronée portée sur sa situation doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. Le requérant ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, en relevant que l'obligation de quitter le territoire sera exécutée d'office à destination du pays dont M. B... a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé sa décision.
12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 novembre 2018 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
13. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 15 novembre 2018 que le préfet a procédé à un examen réel et complet de la situation de M. B... au regard de son pays d'origine, notamment de l'existence d'attaches personnelles et familiales qu'il conserve en Algérie qu'il a quittée, selon ses déclarations, à l'âge de 72 ans.
14. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 9, M. B... ne peut soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les articles 6, 7 de l'accord franco-algérien et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur de droit.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Slimani, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
N° 19MA02420