Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2018, MmeB..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 31 août 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) à titre principal d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de l'admettre provisoirement au séjour et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel, qui a été déposée dans les délais de recours suite à la notification de sa demande d'aide juridictionnelle, est recevable ;
- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il ressortait de la consultation du fichier Eurodac que l'intéressée s'était présentée aux autorités italiennes alors que c'est le fichier Visabio qui a été consulté ; par suite le préfet ne pouvait se dispenser de mener un entretien individuel avant de procéder à la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile ; elle a donc été privée de la garantie énoncée à l'article 5 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
La requête d'appel a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, selon lequel il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de remise et de transfert de l'intéressé qui est devenu caduc.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Mme B... déclare être entrée en France le 27 février 2017. Elle a demandé un titre de séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes le 21 mars 2017. Par arrêté du 3 juillet 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa remise et son transfert aux autorités italiennes, responsables selon lui de sa demande d'asile. Mme B... interjette appel du jugement du 31 août 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions relatives à l'arrêté portant remise et transfert aux autorités italiennes :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3,L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) ".
3. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 1. L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ; (...) ". L'article 29 dudit règlement dispose que : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18 paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant (...), au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 /(...)// 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ".
4. Lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours contre ce transfert, que ce dernier ait été assorti ou non à la date du recours d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de remise. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution. En cas d'annulation de la mesure de transfert par le premier juge, le délai prévu à l'article 29 précité ne peut être déclenché, en cas d'appel introduit contre le jugement de première instance, qu'à compter, le cas échéant, de l'intervention de la décision juridictionnelle infirmant cette annulation et rejetant la demande de première instance.
5. En l'espèce, le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités italiennes a été interrompu par la présentation, le 7 août 2017, de la demande de l'intéressée devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a couru à compter de la date du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale aurait décidé de porter à un an ou dix-huit mois le délai de remise après avoir constaté que l'intéressée aurait été emprisonnée ou qu'elle aurait pris la fuite. Par suite l'arrêté en litige est devenu caduc à la date du 28 février 2018. Cette circonstance a pour effet de priver d'objet les conclusions tendant à son annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. Si le constat de la caducité de l'arrêté du 3 juillet 2017 qui constitue le soutien nécessaire du non-lieu à statuer prononcé par le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour, elle implique, à tout le moins, par l'effet des dispositions précitées de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, que le préfet des Alpes-Maritimes, ou le préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressée, enregistre la demande d'asile de MmeB..., en application des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, ou au préfet territorialement compétent, de faire droit à la demande en ce sens de MmeB..., dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente.
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que réclame Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet des Alpes-Maritimes portant remise et transfert de Mme B... aux autorités italiennes.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressée, de faire droit à la demande de Mme B...en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente.
Article 3: Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 octobre 2018.
5
N° 18MA00376
nb