Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 5 juin 2020 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Toulon a déchargé Mme A... des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2016. Mme A... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ces mêmes années.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. ".
3. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué n'a été pas été notifié au ministre chargé du budget, mais au seul directeur départemental des finances publiques du Var au moyen de l'application Télérecours le 9 juin 2020. Par suite, et dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que ce jugement aurait été signifié directement par Mme A... au ministre de l'action et des comptes publics, ce dernier disposait d'un délai de quatre mois pour présenter sa requête d'appel. Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir Mme A..., la requête du ministre, qui a été enregistrée au greffe de la Cour le 29 septembre 2020, est recevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. ". L'article L. 68 de ce livre prévoit que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ". Enfin, l'article L. 169 du même livre dispose, dans sa rédaction applicable au litige, qu'une " activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".
5. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, l'administration peut évaluer d'office les bénéfices non commerciaux réalisés par un contribuable sans lui adresser préalablement une mise en demeure de régulariser sa situation, notamment lorsqu'il s'est livré à une activité occulte au sens de l'article L. 169 du même livre, laquelle est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et s'est livré notamment à une activité illicite.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des condamnations prononcées à son encontre par un jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 29 juin 2016, confirmé en ce qui concerne les dispositions pénales par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 3 mai 2017, que Mme A... s'est livrée à des abus de confiance et des détournements de fonds au préjudice de clients de la banque qui l'employait en qualité de salariée. Dès lors, l'administration fiscale était fondée, après avoir constaté l'existence de l'activité illicite de Mme A..., à mettre en œuvre une procédure d'imposition d'office, conformément aux dispositions précitées des articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales, sans être tenue de lui adresser une mise en demeure préalable.
En ce qui concerne les irrégularités qui affecteraient la décision de rejet de la réclamation du 22 février 2018 :
7. Comme l'a exactement jugé le tribunal, les irrégularités qui peuvent entacher soit la procédure d'instruction par l'administration de la réclamation d'un contribuable soit la décision par laquelle cette réclamation est rejetée sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition et sur le bien-fondé des impositions contestées. Par suite, il y a lieu d'écarter comme inopérants les moyens soulevés par la requérante tirés de ce que la décision de rejet de sa réclamation ne mentionnerait pas l'identité du directeur des finances publiques qui a donné délégation au signataire de la décision et serait insuffisamment motivée au regard des principes du droit de l'Union européenne.
En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
8. En premier lieu, l'administration fiscale n'a pas commis d'erreur quant aux dates des détournements de fonds, commis entre janvier 2011 et mai 2016, relevés par le jugement et l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Dès lors, et comme l'a exactement jugé le tribunal, la simple erreur matérielle commise par l'administration fiscale quant à la date du jugement du tribunal correctionnel de Toulon demeure sans conséquence sur le bien-fondé des impositions contestées.
9. En deuxième lieu, si la requérante soutient qu'elle n'a pas encaissé sur ses comptes bancaires l'intégralité des sommes détournées, il résulte de l'instruction, et notamment des éléments de la procédure pénale, d'une part, qu'elle a opéré des mouvements sur les comptes des clients de la banque pour augmenter les sommes versées sur certains et les diminuer sur d'autres, afin de détourner la différence à son profit et, d'autre part, que l'intéressée a utilisé des cartes bancaires, espèces et chèques des clients de son employeur pour régler directement des dépenses personnelles. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait légalement imposer des revenus dont elle a eu, en tout état de cause, la disposition.
10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, par ordonnance du 9 juin 2016, le juge des libertés et de la détention a obligé Mme A... à verser avant le 20 juin suivant entre les mains du régisseur de recettes du tribunal, la somme de 10 000 euros garantissant, à hauteur de 2 000 euros la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues dans l'ordonnance, d'autre part, le paiement dans l'ordre suivant, à concurrence de 8 000 euros de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la dette alimentaire. Compte tenu de ces éléments, elle ne peut pas être regardée, contrairement à ce qu'elle fait valoir, comme ayant procédé au remboursement de sommes détournées au cours des années 2011 à 2016.
En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux :
11. Aux termes de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujettis : / 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 136-6 du même code : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) / f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie (...) des bénéfices non commerciaux (...), à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 (...) ".
12. Les revenus issus de détournement de fonds, imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, constituent des revenus du patrimoine au sens et pour l'application du f du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. Il en résulte que l'administration fiscale a pu légalement imposer les revenus détournés par Mme A... à des cotisations supplémentaires de contributions sociales assises sur les revenus du patrimoine au sens de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement qu'il attaque et à soutenir que la demande formée en première instance par Mme A... en vue d'être déchargée des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux doit être rejetée.
14. Par voie de conséquence de tout ce qui précède, les conclusions d'appel incident de Mme A..., en ce comprises celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 5 juin 2020 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La demande formée en première instance par Mme A... en vue d'être déchargée des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux, ainsi que ses conclusions d'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 20MA03701