Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2018, MmeA..., représentée par la SELARL Dupielet - Reymond, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 janvier 2018 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui verser la somme de 236 431 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le second rapport d'expertise est irrégulier dès lors que l'expert a outrepassé sa mission et n'a pas répondu au dire de son médecin-conseil ;
- l'arrêt du traitement antiagrégant au-delà du 26 juillet 2007 a conduit à la thrombose puis à l'amputation de la jambe ;
- elle a présenté un déficit fonctionnel temporaire, a éprouvé des souffrances, conserve un déficit fonctionnel permanent et subit une perte de revenus, un préjudice esthétique ainsi qu'un préjudice d'agrément.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la partie perdante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la thrombose, à l'origine de l'amputation, est la conséquence de l'évolution de l'état de santé antérieur de la patiente et non d'un acte de soins.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, le centre hospitalier de Salon-de-Provence, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le rapport d'expertise n'est pas irrégulier et a pu être discuté par les parties ;
- un rapport d'expertise même irrégulier ne fait pas obstacle à ce qu'il soit retenu à titre d'information ;
- les troubles vasculaires de la patiente sont sans lien avec l'interruption du traitement antiagrégant mais ont pour origine le tabagisme et l'état antérieur de la patiente ;
- l'intéressée a été alertée sur la nécessité de cesser de fumer ;
- les sommes demandées au titre des préjudices subis sont excessives.
La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre de la fonction publique qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...souffrant d'artériopathie chronique suivait un traitement antiagrégant plaquettaire. L'évolution de son état de santé a justifié la réalisation d'une coloscopie le 26 juillet 2005 au centre hospitalier de Salon-de-Provence ainsi que d'une biopsie de la muqueuse digestive, qui a nécessité l'arrêt de la prise de son traitement. La patiente a été victime d'une thrombose le 15 août 2005 et a été amputée du pied droit le 5 décembre 2005 puis de la jambe le 12 janvier 2006. Elle relève appel du jugement du 8 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de sa prise en charge par l'établissement de soins.
Sur la régularité de l'expertise :
2. Par une ordonnance du 28 décembre 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prescrit une deuxième expertise afin de déterminer la nature et l'étendue du préjudice subi par Mme A...en distinguant précisément, s'agissant de ses causes, celles qui sont imputables aux conditions de sa prise en charge par le centre hospitalier de celles qui auraient pour origine l'état antérieur de l'intéressée. Pour définir et évaluer les préjudices, l'expert devait préalablement établir si les troubles vasculaires de la patiente étaient en lien avec l'arrêt du traitement de longue durée qu'elle suivait. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'expertise traite de questions dépassant le cadre de la mission dévolue à l'expert.
3. Aux termes du second alinéa de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. ".
4. Aucune disposition du code de justice administrative ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l'expert de répondre aux observations des parties. En tout état de cause, le dire établi par le médecin-conseil de Mme A...est annexé au rapport d'expertise. Par ailleurs, ce dire a été examiné par l'expert qui indique en page 11 du rapport qu'il partage l'analyse du médecin-conseil sur la durée de l'incapacité temporaire totale de la patiente. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de réponse par l'expert au dire qui, au surplus, manque en fait, doit être écarté.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique,
" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). ".
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 28 décembre 2007 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille qui est plus détaillé et précis que l'expertise ordonnée le 30 août 2006 par le même juge avec lequel il n'est, toutefois, pas contradictoire, que Mme A...présentait une artériopathie sévère et ancienne qui avait nécessité en 1995 une endartériectomie de l'artère poplitée droite suite à une ischémie subaiguë du membre inférieur droit et une hospitalisation en 2001 pour récidive, ainsi qu'un tabagisme très élevé. Si l'interruption momentanée du traitement antiagrégant plaquettaire suivi par la requérante pour permettre la réalisation d'une coloscopie le 26 juillet 2005 a été le facteur déclenchant de la survenue d'une thrombose, les complications vasculaires qui ont abouti à l'amputation du pied droit puis de la jambe, à hauteur de la cuisse, de la patiente ont pour origine exclusive son état antérieur aggravé par une intoxication tabagique. L'artérite évolutive porte en elle l'entier dommage. L'avis d'un médecin-conseil produit par la requérante n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de la seconde expertise dès lors que, d'une part, il retient aussi un état antérieur aggravant et, d'autre part, il impute les deux amputations à la réalisation à la clinique de Cavaillon, à la suite d'une ischémie, d'une artériographie le 11 août 2005 afin de faire la cure d'une sténose extrêmement serrée de l'iliaque externe. Il suit de là que la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence n'est pas susceptible d'être engagée pour faute.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A...demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par l'ONIAM au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'ONIAM présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au centre hospitalier de Salon-de-Provence, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au ministre de la fonction publique et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019 où siégeaient :
- Mme Hemlinger, présidente de la Cour,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 mai 2019.
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N° 18MA01104
kp