Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2014, la caisse RSI Provence-Alpes, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2014 ;
2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Valvert in solidum avec son assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui payer la somme de 75 104,32 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2011 et capitalisation des intérêts, et la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge dudit centre hospitalier et de la SHAM les dépens et le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
tous les frais dont elle demande le remboursement trouvent leur origine dans l'accident de MmeE... ;
elle devra être remboursée de frais d'hospitalisation du 6 août 2008 au 15 mars 2009 pour un montant de 67 804,08 euros, de frais médicaux et pharmaceutiques du 10 septembre 2008 au 26 mars 2009 pour 4 595,34 euros et de frais futurs pour 2 704,90 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2015, le centre hospitalier spécialisé Valvert demande à la Cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que :
il revient à l'organisme social de justifier des débours dont il demande le remboursement ;
il ne saurait être condamné à rembourser à un organisme de sécurité sociale les débours qui auraient dû en tout état de cause être engagés eu égard à l'état initial du patient ;
l'attestation d'imputabilité d'un médecin conseil doit être précise ;
en l'espèce, pas plus qu'en première instance, la caisse RSI n'apporte la preuve de l'imputabilité des sommes qu'elle réclame au défaut de surveillance retenu à son encontre ;
s'agissant des frais d'hospitalisation, Mme E...est atteinte de troubles psychiatriques qui à eux seuls conduisent à son hospitalisation ;
les frais d'hospitalisation du 6 août 2008 au 15 mars 2009 ne sauraient donc être mis à sa charge ;
il en est de même s'agissant des frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge du 10 septembre 2008 au 26 mars 2009 ;
la production d'une liste d'actes de soins ne saurait en effet suffire à établir que ces derniers sont exclusivement liés à la chute de Mme E...et n'auraient pas été exposés en toute hypothèse ;
il faut souligner à ce titre l'âge de la victime et le fait que le refus de soins de la patiente explique pour l'essentiel l'état de dépendance physique dans lequel elle se trouve ;
la demande de remboursement des frais pharmaceutiques futurs devra être rejetée, le préjudice n'étant qu'éventuel.
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2015, Mme E...et Mme D...demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la caisse RSI Provence-Alpes et du centre hospitalier spécialisé Valvert in solidum les dépens et la somme de 3 000 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que le premier jugement doit être confirmé.
Par une lettre en date du 26 octobre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse RSI Provence-Alpes tendant à la condamnation de la SHAM, nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de sécurité sociale ;
- l'arrêté du 21 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me F...pour Mmes E...etD..., et les observations de Me G...substituant Me B...pour le RSI Provence-Alpes.
1. Considérant que le 5 août 2008, MmeE..., hospitalisée à la demande d'un tiers depuis le 7 juillet 2008 au sein du centre hospitalier spécialisé Valvert, s'est gravement blessée en chutant depuis une terrasse d'une hauteur de trois mètres ; que par jugement du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le centre hospitalier spécialisé Valvert avait engagé sa responsabilité fautive en ne mettant pas en oeuvre des mesures de surveillance renforcée à l'égard de la patiente, compte-tenu de sa pathologie psychiatrique et de ses antécédents de fuite ; que la caisse RSI Provence-Alpes relève appel de ce même jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé Valvert à lui payer la somme de 76 119,32 euros au titre du remboursement des débours exposés en raison des blessures subies par Mme E...lors de sa chute survenue dans cet établissement hospitalier ;
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Considérant que la caisse RSI n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel la condamnation de la SHAM ; que ses conclusions ne peuvent dès lors être admises qu'en tant qu'elles sont dirigées contre le centre hospitalier spécialisé Valvert ;
Sur le bien fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun conformément aux dispositions ci-après, la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s'exerce en priorité à titre amiable. La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret. L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt " ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'organisme de sécurité sociale réclame le remboursement de frais d'hospitalisation à l'hôpital Nord du 6 août au 10 septembre 2008 et du 19 novembre au 2 décembre 2008 et dans un centre de rééducation fonctionnelle du 10 septembre au 19 novembre 2008 et du 2 décembre 2008 au 16 mars 2009 pour un montant global de 67 804,08 euros, qui sont en lien avec la faute commise par le centre hospitalier et les lésions traumatiques de MmeE..., tel que cela résulte des données du rapport d'expertise et de l'attestation d'imputabilité établie le 9 novembre 2015 par le médecin conseil de l'organisme de sécurité sociale et réclamée par la Cour ; que la caisse RSI Provence-Alpes a ainsi droit à la somme demandée à ce titre ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction notamment de la même attestation d'imputabilité que les frais pharmaceutiques et médicaux exposés du 10 septembre 2008 au 26 mars 2009 pour un montant de 4 595,34 euros, relatifs à la prise en charge médicale et orthopédique des fractures de la victime, présentent également un lien avec la faute ; qu'il en est de même de la demande relative au remboursement des frais médicaux exposés après la date de consolidation, du 10 septembre 2009 au 31 décembre 2010, pour un montant de 2 704,90 euros ; que si le centre hospitalier fait valoir que le refus de soins de la patiente, imputé à sa pathologie psychiatrique, est à l'origine de sa situation de dépendance physique nécessitant de telles prestations de santé, un tel refus, s'agissant d'une personne souffrant de troubles psychiatriques la plaçant dans l'impossibilité d'exercer son consentement aux soins, est sans incidence sur le lien de causalité entre la faute de l'hôpital et les débours litigieux ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier spécialisé Valvert doit être condamné à payer à la caisse RSI Provence-Alpes la somme totale de 75 104,32 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
7. Considérant que la caisse RSI Provence-Alpes a droit aux intérêts sur la somme de 75 104,32 euros à compter du 12 juillet 2013, date d'enregistrement de son mémoire en première instance ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par la caisse le 12 juillet 2013 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 12 juillet 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 047 euros et à 104 euros à compter du 1er janvier 2016 " ; qu'en application de ces dispositions, la caisse a droit à la somme maximale de 1 047 euros au titre de cette indemnité ;
Sur les dépens :
9. Considérant que la présente instance n'ayant pas généré de dépens, les demandes de la caisse RSI Provence-Alpes et de Mmes E...et D...relatives aux dépens ne peuvent être que rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 2 000 euros au profit de la caisse RSI Provence-Alpes ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la caisse RSI Provence-Alpes, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par Mmes E...et D...à ce titre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au profit de Mme E... et de Mme D...sur le fondement des dispositions de cet article ;
D É C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier spécialisé Valvert est condamné à payer à la caisse RSI Provence-Alpes la somme de 75 104,32 euros, assortie des intérêts à compter du 12 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts à compter du 12 juillet 2014, ainsi que la somme de 1 047 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier spécialisé Valvert versera une somme de 2 000 euros à la caisse RSI Provence-Alpes et une somme de 1 500 euros à Mmes E...et D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse RSI Provence-Alpes, au centre hospitalier spécialisé Valvert, à Mme A...E...et à Mme C...D....
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N°14MA03516
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