Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2015, Mme A...représentée par Me B...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 décembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet pouvait, au seul motif qu'elle ne disposait pas de visa long séjour, refuser sa demande d'admission au séjour car elle invoquait les stipulations de l'article 3 de l'avenant de l'accord franco-sénégalais du 25 février 2008 et disposait de deux contrats de travail en qualité d'employée de ménage, de fiches de paie et des demandes d'autorisation d'embauche ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- l'autorité préfectorale n'a pas pris en considération les éléments de fait produits ;
- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 3 de l'avenant de l'accord franco-sénégalais.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laso a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante sénégalaise, relève appel du jugement du
19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
Sur la légalité des décisions du préfet des Alpes-Maritimes :
2. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008 ; qu'aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 :
" Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ; que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée
" l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;
3. Considérant que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur une promesse d'embauche du 17 juillet 2013 pour un poste d'aide à domicile et a indiqué que ce document ne précise ni la nature du contrat ni la rémunération proposée alors que, par courrier reçu en préfecture le 4 avril 2014, Mme A...avait complété sa demande de titre de séjour et transmis deux demandes d'autorisation de travail du 3 octobre 2013 en qualité d'aide à domicile et du
14 octobre 2013 en qualité d'agent d'entretien accompagnées de fiches de paie ; qu'ainsi, l'absence d'examen de l'ensemble de la situation individuelle de Mme A...ne pouvait permettre à l'autorité préfectorale d'apprécier exactement les conséquences sur sa situation personnelle du refus de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'un visa de long séjour n'étant pas requis par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet des Alpes-Maritimes aurait pris les mêmes décisions s'il s'était fondé seulement sur ce motif ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête,
Mme A...est fondée à soutenir que le refus de titre de séjour est entaché d'illégalité et doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 2 septembre 2014 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a
refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et ces décisions ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
7. Considérant qu'au vu de son motif, l'annulation du refus de titre de séjour litigieux n'implique pas que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à Mme A...un titre de séjour " salarié " mais seulement qu'il prenne une nouvelle décision sur la demande de MmeA... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer cette demande dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Nice et les décisions du 2 septembre 2014 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme A....
Article 3 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Laso, président assesseur,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
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N° 15MA00050