Par un jugement n° 1603557, 1607412 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a accordé à M. F... la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, résultant de la réintégration, dans ses revenus de capitaux mobiliers, des revenus que l'administration a qualifiés de revenus distribués par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) DF sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôt, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête enregistrée sous le n° 1607412.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement du 17 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de remettre à la charge de M. F... les impositions supplémentaires sur les revenus au titre des années 2012 et 2013 qui ont été déchargées à tort par le tribunal à hauteur de 1 850 829 euros au titre de l'année 2012 et 958 502 euros au titre de l'année 2013.
Il soutient que :
- en retenant le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;
- cette proposition de rectification comporte par elle-même une motivation suffisante et M. F... a pu contester utilement les rectifications contestées dans ses observations en date du 15 juillet 2015 ;
- par ailleurs et en toute hypothèse, M. F... a été destinataire, en sa qualité de représentant légal de la société DF de la proposition de rectification relative à cette société, laquelle a été notifiée à une adresse correspondant au nouveau siège en cours de déclaration de cette dernière ;
- dans l'hypothèse où la Cour déciderait d'annuler le jugement contesté, elle entend se référer à ses écritures de première instance pour le surplus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2020, M. F..., représenté par la société UGGC Avocats agissant par Me A..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation de la décharge accordée par le tribunal et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le moyen invoqué en appel par le ministre n'est pas fondé ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour déciderait d'annuler le jugement contesté, il conviendra de rejeter l'ensemble des arguments développés par l'administration en première instance.
Un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, et présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Par deux requêtes enregistrées sous les n° 1603557 et n° 1607412, M. F... a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti, respectivement, au titre de l'année 2013 et au titre de l'année 2012. Par un jugement du 17 octobre 2018, le tribunal a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années précitées résultant de la réintégration dans ses revenus de capitaux mobiliers, des sommes que l'administration a qualifiées de revenus distribués par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) DF sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et rejeté le surplus des conclusions de la requête enregistrée sous le n° 1607412. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. F... tendant à la décharge des impositions précitées.
Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".
3. D'une part, il résulte des dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, applicables à la procédure contradictoire, que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. D'autre part, au titre des exigences figurant à l'article L. 76 du même livre, relatif à la procédure de taxation d'office, figurent celle de porter à la connaissance du contribuable non seulement les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office mais aussi leurs modalités de détermination. Enfin, en cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
4. Par ailleurs, le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification doit être apprécié distinctement par chef de redressement.
5. Si la proposition de rectification adressée à M. F... le 18 mai 2015 mentionne, s'agissant des sommes que l'administration a qualifiées de revenus distribués par l'EURL DF sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, le fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle les rehaussements sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, elle se borne à indiquer que la société précitée a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, et que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été proposées à la société DF pour les montants suivants : 1 248 817 euros en 2012 et 733 608 euros en 2013 au titre de l'impôt sur les sociétés, d'une part, et 326 897 euros en 2012 et 172 261 euros en 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part. Par ailleurs, ce document ne se réfère pas à la proposition de rectification qui auraient été distinctement notifiée par le vérificateur à la société DF, laquelle n'est pas annexée ou reproduite, ni même mentionnée. En outre, à supposer même que le siège social de l'EURL DF a bien été transféré au " 55 rue Paradis à Marseille (13006) ", à la date à laquelle la proposition de rectification aurait été adressée au représentant de cette société, l'administration ne justifie pas de la réception effective du pli contenant cette proposition par ce dernier. Enfin, si le ministre fait valoir en défense que le requérant a formulé, par l'intermédiaire de son conseil, également avocat de la société précitée, des observations sur la proposition de rectification qui lui avait été personnellement adressée, par courrier du 15 juillet 2015, ce dernier ne comporte toutefois aucune référence précise à la proposition de rectification adressée à la société ni à son contenu. En l'espèce, il ne peut ainsi être établi que l'intéressé aurait disposé à son entière convenance de la proposition de rectification adressée à la société DF. Dans ces conditions et d'une part, s'agissant des rectifications notifiées au titre de l'année 2012, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant disposé des informations lui permettant de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation en application des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, l'appelant a été privé des garanties attachées à la procédure contradictoire et les impositions demeurant en litige sont donc intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière. D'autre part, s'agissant des rectifications envisagées au titre de l'année 2013, l'administration ne saurait être regardée comme ayant porté à la connaissance du contribuable, les bases et les éléments de calcul de l'imposition, en précisant les modalités de leur détermination et a, par suite, méconnu les prescriptions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, lesquelles constituent également une garantie pour le contribuable.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de M. F... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, résultant de la réintégration, dans ses revenus de capitaux mobiliers, des sommes que l'administration a qualifiées de revenus distribués par l'EURL DF.
Sur les frais de justice :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publiques est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. F... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. C... F....
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
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N° 19MA00585
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