Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2020, Mme A... épouse B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 janvier 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 3 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil.
Elle soutient que :
- le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît les articles L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 4127-47 du code de la santé publique ;
- son admission au séjour se justifie au regard de motifs exceptionnels ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et à son droit à l'accès à la santé.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse B..., ressortissante guinéenne, née le 5 octobre 1953, a sollicité, sans succès, le renouvellement d'un premier titre de séjour délivré pour soins médicaux. Mme A... épouse B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 24 janvier 2020 ayant rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 mai 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort de l'avis émis le 8 septembre 2018 que le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme A... épouse B... nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié et qu'à la date de l'avis, son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays. Pour contredire cet avis, Mme A... épouse B... soutient, en première instance comme en appel, être atteinte d'un " état polypathologique chronique grave " et ne pouvoir poursuivre dans son pays d'origine un traitement approprié. Elle se prévaut à cet égard d'un certificat médical non daté d'un médecin généraliste de la clinique médicale Gbessia qui relève la gravité de son état et l'absence de traitement approprié en Guinée, compte tenu de ses pathologies - qui ne sont au demeurant pas précisées -, ainsi que l'insuffisance des équipements sanitaires au regard du traitement spécifique entrepris en France. Elle verse également un certificat médical du 24 mai 2019 établi par un médecin généraliste qui la suit en France et qui se borne à relever un " état polypathologique chronique justifiant un suivi médical régulier et un traitement médicamenteux quotidien ". Cependant, de tels éléments, non circonstanciés, ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par l'avis du collège précité. Enfin, si la requérante se prévaut d'éléments généraux sur le système de santé guinéen, ces derniers ne sont assortis d'aucun élément justificatif et ne sont donc pas davantage de nature à infirmer l'appréciation précitée du collège de médecins. Par suite, le moyen tiré de ce que l'appelante répond aux conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, Mme A... épouse B... ne saurait utilement invoquer l'article R. 4127-47 du code de la santé publique, qui prévoit au nombre des obligations des médecins la continuité des soins à leurs patients, dès lors que cet article n'a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à un refus de titre de séjour ou à une mesure d'éloignement.
6. En troisième lieu, et d'une part, ainsi qu'il a été exposé précédemment au point 4, Mme A... épouse B... n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre un traitement médical approprié dans son pays d'origine. D'autre part, par le seul certificat médical du 24 mai 2019 d'un médecin généraliste qui ne se prononce pas sur l'impossibilité pour M. B..., également " atteint d'un état polypathologique lourd et chronique ", de voyager vers son pays d'origine, elle n'établit pas davantage que son époux, ressortissant guinéen, ne pourrait pas l'accompagner, alors que celui-ci réside de manière irrégulière sur le territoire national. Enfin, la circonstance que ses deux enfants majeurs présents en France sont titulaires de titres de séjour ne constitue pas un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Dans ces circonstances, Mme A... épouse B... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. En l'espèce, si Mme A... épouse B... soutient résider habituellement en France depuis 2013, elle n'en justifie pas par les pièces versées au dossier et sa présence n'est avérée qu'à compter de juin 2017, date à laquelle elle s'est vue délivrer un premier titre de séjour en qualité d'étranger malade. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales en Guinée, pays où elle a vécu la majeure partie de sa vie d'adulte. Ainsi qu'il a été précédemment exposé au point 6, elle ne démontre pas l'impossibilité dans laquelle se trouverait son époux de l'accompagner en Guinée. Par suite, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme A... épouse B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et, en tout état de cause, celles présentées au titre de l'allocation à son conseil de frais liés à l'instance doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme F..., présidente assesseure,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
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N° 20MA00927
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