Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2018 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône portant transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'examen de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision méconnaît les articles 13, 26 et 29 du règlement 604/2013 ;
- l'Italie fait preuve de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des migrants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par décision du 25 mai 2018, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
-le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen, né le 31 janvier 1993, relève appel du jugement n° 1801058 du 14 février 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 12 février 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône portant transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.
2. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 : " La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi [...] que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ". Il résulte de ces dispositions que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date.
3. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... avait franchi irrégulièrement la frontière italienne depuis moins de douze mois, ses empreintes ayant été prises dans ce pays en application du règlement communautaire dit " Eurodac " le 7 mai 2017. Il suit de là, qu'en application des dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013, l'Italie était et demeurait, en principe, l'Etat responsable de sa demande de protection internationale, le 10 juillet 2017, date de sa présentation à la préfecture des Bouches-du-Rhône. L'Italie a, à cet égard, implicitement accepté le 28 septembre 2017, la reprise en charge du requérant en application de l'article 22.7 du règlement précité. Par suite, le moyen tiré de ce que la France est responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A... par l'écoulement du délai de douze mois après la date de franchissement irrégulier de la frontière ne peut être qu'écarté.
4. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. ". Il résulte des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 que le transfert du demandeur doit s'effectuer au plus tard, dans un délai de six mois, à défaut " L'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. ". Ce même article prévoit que " Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
5. L'introduction d'un recours contre la décision de transfert, sur le fondement du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardée comme interrompant le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 jusqu'à la notification du jugement du tribunal administratif. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court, de nouveau, à compter de la date de la dernière notification du jugement, qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.
6. Il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois imparti à l'administration préfectorale pour procéder au transfert de M. A... à compter de la décision d'acceptation des autorités italiennes a été interrompu par la présentation, le 12 février 2018, de la demande de l'intéressé devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a recommencé à courir à compter de la date de la dernière notification du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande, soit à compter du 14 février 2018. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité préfectorale a décidé de porter à dix-huit mois le délai de remise après avoir constaté que l'intéressé a pris la fuite, soit jusqu'au 14 août 2019. Si le requérant soutient qu'il appartient " au préfet d'informer sur le délai maximal durant lequel il escompte transférer un demandeur vers un autre Etat ainsi que d'en donner la raison ", un tel moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour mettre à même la Cour d'en apprécier la pertinence au regard de la légalité de l'arrêté en litige.
7. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ".
8. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, les craintes dont un demandeur d'asile peut faire état quant au défaut de protection, dans l'un de ces Etats doivent, en principe, être présumées non fondées sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. En l'espèce, les allégations de M. A... sur la situation d'ensemble en Italie et les documents d'ordre général qu'il produit tenant aux conditions d'accueil des migrants dans ce pays ne suffisent pas à établir que sa réadmission par l'Italie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile par cet Etat. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ne peut être qu'écarté.
9. Enfin, aux termes de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...) 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ".
10. Le moyen selon lequel la décision contestée méconnaît les dispositions précitées de l'article 26 du règlement UE du 26 juin 2013, qui concerne les " modalités de notification de la décision de transfert ", qui sont postérieures à l'édiction de la décision attaquée est inopérant. En tout état de cause, la circonstance que M. A... a saisi dans le délai de recours le tribunal administratif de Marseille d'une demande d'annulation de l'arrêté prononçant son transfert révèle qu'il a eu connaissance du contenu et de la portée de cette décision. Dans ces conditions, la notification en mains propres effectuée par le préfet ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, avoir privé M. A... d'une garantie de procédure, et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au versement de frais liés au litige ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à MeB... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 avril 2019.
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N° 18MA01430