Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2018, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui sera versée à MeA..., en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 23 du règlement dit Dublin et d'une erreur de droit ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien répondant aux exigences de l'article 5 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la demande de reprise en charge n'ayant pas été produite, le préfet devra justifier avoir fourni à l'Italie les éléments définis par l'article 23, 4° du règlement ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa demande ;
- le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir d'appréciation en méconnaissance de l'article 17 dudit règlement ;
- l'arrêté méconnaît les articles 3 et 17 du règlement, l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- l'arrêté méconnaît les articles 33 de la convention de Genève et 3 et 17 du règlement 604/2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., né le 1er janvier 1996, de nationalité guinéenne relève appel du jugement n° 1705493 du 1er décembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné son transfert aux autorités italiennes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C...avait soulevé devant le premier juge le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, des dispositions de l'article 23 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013, faute pour l'autorité administrative de justifier la demande de reprise en charge aux autorités italiennes. Le magistrat désigné du tribunal administratif, en omettant de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant, a entaché d'irrégularité son jugement, lequel ne peut dès lors qu'être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions en excès de pouvoir :
4. En premier lieu, l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit que : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne./ 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n°603/2013 (...) ".
5. En l'espèce, le préfet de l'Hérault produit un accusé de réception, qui comporte les références concernant le dossier de l'intéressé et qui a été émis par le réseau de communication électronique " DubliNet ", et fait foi, à lui seul de la bonne transmission de la demande de reprise en charge de l'intéressé aux autorités italiennes. Si le préfet ne produit pas le formulaire de demande de prise en charge dit " formulaire type de détermination de l'Etat membre responsable de la demande de protection internationale ", ledit accusé de réception daté édité automatiquement par le réseau de communication électronique " DubliNet ", qui mentionne en son intitulé la référence FRDUB29930057864-750 correspondant au numéro de dossier de l'intéressé, ainsi que le constat d'accord implicite mentionnant le numéro de dossier de M. C... établissent que le préfet de l'Hérault a effectivement saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge de l'intéressé le 21 septembre 2017 dans les délais et formes requis par le règlement n°604/2013 du 26 juin 2013. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la preuve de la saisine des autorités italiennes ne serait pas apportée en méconnaissance des dispositions de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".
7. Si le requérant allègue que l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été reçu en entretien individuel, le 23 octobre 2017 par un agent de la préfecture, au cours duquel il a été mis à même de formuler des observations. Dès lors, l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Si M. C... fait valoir que l'identité de cet agent devait lui être communiquée, le règlement européen du 26 juin 2013 précité et les dispositions nationales, législatives et réglementaires, qui le mettent en application, régissent de manière complète la procédure de transfert d'un demandeur d'asile vers l'État responsable de sa demande. Il ne résulte ainsi d'aucune de ces dispositions que l'identité ou la qualité exacte de l'agent chargé de mener l'entretien prévu à l'article 5 de ce règlement devrait être portée à la connaissance du demandeur ou de tiers. Les dispositions prescrites par l'article 5 du règlement n° 604/2013 n'ont pas été méconnues.
8. En troisième lieu, Il ressort également des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen réel et complet du dossier de M.C....
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée en vertu du précédent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le préfet peut refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile au motif que la responsabilité de l'examen de cette demande relève de la compétence d'un autre Etat membre, il n'est pas tenu de le faire et peut autoriser une telle admission au séjour en vue de permettre l'examen d'une demande d'asile présentée en France.
10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a examiné la situation de M. C...au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n°604/2013. Après avoir constaté que M. C...était enregistré sur le fichier Eurodac, que sa demande d'asile devait être traitée par l'Italie où il avait laissé ses empreintes dactylaires et qu'eu égard à son entrée récente en France, il ne pouvait s'y prévaloir d'une vie privée et familiale, le préfet de l'Hérault n'a ainsi pas méconnu son pouvoir d'appréciation en décidant de sa réadmission vers l'Italie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
11. En dernier lieu, le 1 de l'article 33 de la convention générale du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés prévoit que : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. La République Italienne est un Etat partie à la convention générale du 28 juillet 1951, à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et membre de l'Union européenne dont la Charte fait partie du droit primaire. Il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences figurant dans le droit de l'Union européenne et les conventions précitées. Cette présomption n'est toutefois pas irréfragable, lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En l'espèce, si M. C...produit trois certificats médicaux, rédigés les 20, 21 et 30 novembre 2017, mentionnant que son état de stress traumatique résultant des conditions périlleuses dans lesquelles il a abordé les côtes européennes nécessite des soins médicaux d'une durée de plusieurs mois, ces pièces n'établissent pas qu'il ne pourrait pas bénéficier en Italie d'une prise en charge adaptée à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. C...doit être rejetée, ainsi que ses conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1705493 du 1er décembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à MeA... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
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N° 18MA01574