Par un jugement n° 1301080 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16MA03039 du 19 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au conseil d'Etat les conclusions de la requête en tant qu'elles concernent les années 2011 et 2012, accordé à la SARL Zara France la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales due au titre de l'année 2010, pour son établissement situé au 9 rue d'Antibes à Cannes, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par une décision n° 418409 du 26 juillet 2018, le Conseil d'Etat a annulé les articles 2,3 et 5 de cet arrêt et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la Cour.
Procédure suivie devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2016, le 31 janvier 2017, le 10 novembre 2017, le 6 novembre et 5 décembre 2018, la SARL Zara France, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2016 ;
2°) de prononcer la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car les règles de la clôture d'instruction n'ont pas été respectées ;
- les locaux situés à son adresse actuelle étaient, dans leur ensemble, affectés à une activité commerciale avant le 1er janvier 1960 ;
- cela résulte des extraits d'annuaire téléphonique mentionnant la présence d'une boutique de vente au détail de 1959 jusqu'à son arrivée en 1998 ;
- l'établissement n'a pas fait l'objet de modification substantielle depuis le 1er janvier 1960.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 novembre 2016 et le 19 octobre 2018, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête de la SARL Zara France.
Il soutient que les moyens invoqués par la SARL Zara France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Zara France, qui exploite un établissement de vente au détail de vêtements à Cannes (Alpes-Maritimes) a spontanément acquitté la taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de cet établissement. Elle en a demandé la restitution qui lui a été refusée par l'administration fiscale. Le tribunal administratif de Nice, saisi par la société contribuable a rejeté sa demande. La Cour, saisie sur appel, a renvoyé au conseil d'Etat les conclusions de la requête en ce qu'elles concernent les années 2011 et 2012, et fait partiellement droit à la demande de la société au titre de l'année 2010. Le conseil d'Etat, saisi par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 2,3 et 5 de cet arrêt au motif que la Cour ne pouvait procéder à une appréciation adresse par adresse du respect de la condition tenant à l'existence d'une activité continue de commerce de détail depuis une date antérieure au 1er janvier 1960.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) " . Et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code prévoit que : " Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'avis d'audience. Cet avis le mentionne. ".
3. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 16 février 2016, le tribunal administratif de Nice a informé les parties que la clôture de l'instruction était susceptible d'intervenir à compter du 3 mars 2016 par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative. Toutefois, aucune ordonnance de clôture n'a été prise, et l'avis d'audience adressé aux parties le 10 mai 2016 n'a pas fait mention d'une clôture immédiate, mais, au contraire, mentionné que l'instruction serait close trois jours francs avant la date d'audience. Dans ces conditions, les premiers juges ne pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, écarter des débats, comme tardif, le mémoire complémentaire produit par la SARL Zara France le 26 mai 2016 alors d'une part, que ce mémoire comportait des éléments de fait nouveau susceptibles d'influencer la solution du litige, et d'autre part, que l'audience n'était prévue que le 2 juin 2016. La SARL Zara France est, par suite, fondée à soutenir que le jugement, en ce qu'il concerne l'année 2010, est irrégulier.
4. Il y a lieu pour la Cour de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par la SARL Zara France devant le tribunal administratif de Nice au titre de l'année 2010 et sur ses conclusions devant la Cour.
Sur la charge de la preuve :
5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) ".
6. La taxe sur les surfaces commerciales en litige ayant été établie suivant la déclaration faite par la SARL Zara France, elle supporte la charge de la preuve du bien-fondé de ses prétentions.
Sur le bien-fondé de la demande de restitution :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. / (...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe (...) s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente (...) ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur les surfaces commerciales n'est pas due au titre d'un établissement lorsqu'une activité de commerce de détail y était exercée antérieurement au 1er janvier 1960 et a continué à y être exercée depuis de façon continue, dans l'ensemble des surfaces de cet établissement.
8. La SARL Zara France fait valoir que l'établissement qu'elle exploite au 9 rue d'Antibes et 7 bis rue Jean de Riouffe à Cannes a été occupé successivement par des commerces de détail avant le 1er janvier 1960 et jusqu'en 1998, date de son installation. L'établissement est installé sur deux parcelles contigües de la commune d'Antibes, cadastrées BS n° 138 et BS n° 139. S'agissant de la parcelle cadastrée BS n° 139, correspondant au 9 rue d'Antibes, et louée par la SARL Zara France par bail commercial du 19 décembre 1997, la contribuable produit des extraits d'annuaires téléphoniques mentionnant l'existence, à cette adresse, au cours des années 1959 à 1976, d'un commerce de vente de " tissus nouveautés " sous l'enseigne " Galerie de la Croisette ", puis, à compter de l'année 1977, d'un commerce de vente de meubles sous l'enseigne " Benito Décoration ". Elle produit également deux extraits de plan cadastraux qui tendent à démontrer l'absence de modification de l'emprise au sol de l'immeuble qu'elle occupe. En revanche, s'agissant de la parcelle cadastrée BS n° 138, acquise le 13 août 1998 par la contribuable, cette dernière produit des extraits d'annuaires téléphoniques qui mentionnent un commerce intitulé les " galeries du ménage ", au 7 rue Jean de Riouffe. Toutefois, l'analyse des plans cadastraux font apparaître que la parcelle cadastrée BS n° 138 correspond au 7 bis rue Jean de Riouffe et non au 7 de cette même rue. Cette analyse est confortée par l'analyse des actes notariés. L'acte d'acquisition de la parcelle BS n° 139 du 5 décembre 2008 mentionne que cette parcelle est située au 7 de la rue Jean de Riouffe et au 9 rue d'Antibles à l'angle des deux voies. L'acte d'acquisition de la parcelle BS n° 138, du 28 novembre 1997 précise que l'adresse de cet immeuble est le 7 bis rue Jean de Riouffe. Enfin, les annuaires téléphoniques mentionnant le commerce dénommé Benito Décoration, produits par la contribuable pour le commerce situé au 7 rue Jean de Riouffe, ne concernent ni les années 1963 et 1964, ni l'année 1975. Dans ces conditions, la SARL Zara France n'établit pas l'existence d'une activité commerciale interrompue pour l'ensemble des surfaces correspondant aux parcelles cadastrées BS n° 139 et BS n° 138. Il en résulte que la SARL Zara France n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que l'établissement qu'elle exploite à Cannes devrait être regardé comme ouvert avant le 1er janvier 1960, au sens des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, et ne pouvait donner lieu au versement de la taxe sur les surfaces commerciales.
En ce qui concerne la doctrine administrative :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".
10. La société requérante n'ayant fait l'objet d'aucun rehaussement, elle ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine de l'administration fiscale sur la notion d'ouverture d'établissements, énoncée dans la réponse ministérielle à M. A..., député, du 11 novembre 1996 ainsi qu'en tout état de cause, au bulletin officiel des impôts référencé TFP-TSC-du 6 avril 2016 postérieur aux années d'imposition.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Zara France n'est pas fondée à demander la décharge de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittée au titre des années 2010. Ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige seront rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2016 est annulé en tant qu'il concerne la taxe sur les surfaces commerciales acquittée par la SARL Zara France au titre de l'année 2010.
Article 2 : La demande de la SARL Zara France tendant à la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales acquittée par elle au titre de l'année 2010 et sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Zara France et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
N°18MA03608 6