Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 15 juillet 2015, Mme B...D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me A..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient, s'agissant de la décision portant refus de séjour, que :
- si le préfet a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions posées par le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de même que celles posées par l'article L. 313-13 du même code, il a cependant considéré qu'elle n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour prévu par ce code afin de pouvoir prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français ; il eût fallu toutefois que le préfet la mette à même de produire tous les justificatifs possibles sur sa vie privée, familiale et professionnelle ; le préfet n'a pas, par suite, procédé à un examen réel et complet de sa demande de titre de séjour ;
- contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, sa situation personnelle de mère d'un enfant français n'a pas été prise en compte ; la décision est insuffisamment motivée et erronée en droit ;
- le préfet s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par celle de la Cour nationale du droit d'asile ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Elle soutient également, s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est également entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa demande ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code et au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code précité.
Elle ajoute, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, que :
- le préfet s'est estimé lié par les décisions de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ; les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont, par suite, été méconnues.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête et soutient que :
- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé que les déclarations orales et écrites de l'intéressée ne permettaient de tenir pour établie la réalité des faits invoqués par cette dernière ;
- la requérante célibataire a un enfant à charge, qui n'a pas été reconnu par son père et qui possède la même nationalité que sa mère, et ne remplit aucune des conditions énoncées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il s'en remet également à ses observations faites en première instance.
Par une décision du 2 décembre 2014, Mme B... D...été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la Cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- et les observations de MeC..., substituant MeA..., pour Mme B... D....
1. Considérant que Mme B...D..., ressortissante congolaise de République démocratique du Congo, née le 15 mai 1983, est entrée en France, selon ses déclarations, le 16 avril 2012 et a sollicité l'asile en France ; que sa demande a été rejetée le 23 novembre 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la décision a été confirmée le 12 mars 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile, le préfet de l'Hérault a refusé, le 28 mars 2014, de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que la demande de Mme B... D...tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier, dont Mme B... D...relève appel ;
Sur la décision portant refus du titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... D...au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions posées par le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir attribuer une carte de résident, ni celles de l'article L. 313-13 du même code pour se voir attribuer une carte de séjour temporaire ; que si le préfet indique également, parmi les motifs de la décision portant refus de séjour, que l'intéressée n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code précité et doit, par suite, être réputé avoir examiné si l'intéressée était susceptible de recevoir l'un des titres de séjour dont la loi dispose qu'ils sont attribués de plein droit, le préfet n'en était pas pour autant tenu de l'inviter à compléter sa demande de titre de séjour après rejet, le 3 avril 2014, de sa demande d'asile ; que si Mme B... D...fait valoir que le préfet n'a pas pris en compte la naissance de son enfant intervenue le 11 avril 2013, durant l'examen de sa demande d'asile, cette circonstance, que la requérante n'a pas portée à la connaissance du préfet, ne révèle pas à elle seule un défaut d'examen de la demande de titre de séjour et n'entache pas davantage la décision litigieuse d'une insuffisance de motivation ; qu'au demeurant, si elle soutient désormais en appel que son fils est de nationalité française, le certificat de nationalité française n'a été établi que le 22 décembre 2014, soit postérieurement à l'arrêté litigieux ; que Mme B... D...ne peut dès lors soutenir que le préfet de l'Hérault se serait cru lié par les décisions prises sur sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire pour lui refuser le titre de séjour sollicité ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
4. Considérant que Mme B...D..., dont la présence sur le territoire français était récente à la date de la décision litigieuse, ne justifie pas d'une intégration particulière alors même qu'elle suivrait des cours de français et de cuisine ; qu'elle conserve en République démocratique du Congo ses attaches familiales ; que si elle fait valoir qu'elle est mère d'un enfant français, la reconnaissance de nationalité française est, ainsi qu'il a été dit précédemment, postérieure à la décision de refus de séjour ; qu'enfin, il ne ressort pas du certificat médical produit que l'état de santé psychologique de la requérante exige qu'elle demeure en France afin d'y être soignée ; que la décision litigieuse ne peut être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard tant des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant qu'à la date de l'arrêté litigieux, la requérante ne justifiait pas d'une reconnaissance de paternité de son enfant ; que dès lors que la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas pour objet de la séparer de son enfant, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que pour les motifs exposés précédemment au point 2, dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme étant entachée d'un défaut d'examen réel et complet de la situation de la requérante ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
9. Considérant que Mme B...D..., dont la demande d'asile a été rejetée, ainsi qu'il a été dit, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour en République démocratique du Congo en raison des persécutions qu'elle y a subies sans apporter toutefois d'éléments nouveaux de nature à établir ses allégations ; qu'en désignant la République démocratique du Congo comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet de l'Hérault ne peut être regardé comme ayant méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10 Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent par suite qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...D..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré à l'issue de l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 15MA00076 2