Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2017, Mme C... aliasB..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2017 du tribunal administratif de Montpellier;
2°) d'annuler l'arrêté en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'État à verser une somme de 2 000 euros à son conseil, Me Ruffel, qui s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément aux dispositions de l'article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire :
- la décision est entachée d'un vice d'incompétence ;
- la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été irrégulièrement notifiée faute pour le préfet d'établir l'avoir informée en langue anglaise ;
- la décision est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par la décision de refus d'admission à l'asile rendue par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est entachée d'un vice d'incompétence ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
1. Considérant que Mme B..., née le 10 mai 1991, de nationalité nigériane, interjette appel du jugement du 3 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué est signé par M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault auquel le préfet de l'Hérault, a, par arrêté du 30 mars 2016 régulièrement publié, donné délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département comprennent les décisions préfectorales en matière de police des étrangers, dont notamment les refus de titre de séjour, les mesures d'éloignement et de fixation des pays à destination desquels les étrangers doivent être reconduits ; que la délégation de signature ainsi consentie à M. A... ne présente pas un caractère général, contrairement à ce que soutient la requérante ; que la circonstance que cet arrêté vise le décret du 29 décembre 1962 et non pas le décret du 7 novembre 2012, qui s'y est substitué, est sans incidence sur la validité de la délégation qu'il consent ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes de la décision attaquée que l'autorité administrative a examiné la situation personnelle de l'intéressée ; que, par ailleurs, l'arrêté du 14 octobre 2016, qui vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de droit et de fait relatives à l'arrivée en France et à la situation personnelle de Mme B..., est suffisamment motivé ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de l'Hérault en s'estimant lié, pour rejeter la demande de titre de séjour et obliger la requérante à quitter le territoire français, par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 15 janvier 2016 et du 20 septembre 2016 de la CNDA par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du 3° du II de l'article L. 511-1 n'est pas applicable " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la Cour notifie la décision de la Cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office lorsque celui-ci n'est pas le requérant. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police, ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. / Les décisions de rejet sont transmises au ministre chargé de l'immigration " ; qu'aux termes de l'article R. 213-6 du même code issu de l'article 2 du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre. " ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la CNDA ; qu'en l'absence d'une telle notification régulière, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour; que, toutefois, à la supposer même établie, la circonstance que le caractère positif ou négatif de la décision prise par les organes susmentionnés n'ait pas été indiqué a l'étranger dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, ne saurait lui ouvrir droit à l'obtention d'une carte de résident sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ou d'un tire de séjour sur le fondement de la protection subsidiaire ; que, dès lors, une telle irrégularité, en cas de décision négative, ne saurait, entrainer l'illégalité et par suite l'annulation du refus par le préfet de délivrer à l'étranger une carte de résident en qualité de réfugié, l'intéressé n'ayant pas droit à un tel titre mais seulement au maintien de son droit provisoire au séjour ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a notifié à Mme B... sa décision de rejet de sa demande d'asile par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 5 octobre 2016 et que l'intéressée a été assistée pendant la procédure d'un interprète en langue anglaise ; que si les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que la notification a été effectuée en langue anglaise, cette circonstance ne suffit pas à établir que le refus opposé à Mme B... de sa carte de résident, seul titre demandé, serait irrégulier ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que Mme B... bénéficie du maintien de son droit provisoire au séjour ; que, par suite, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi prises à son encontre sont illégales et doivent être annulées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... seulement est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 14 octobre 2016 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, qu'il fixe le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que l'exécution du présent implique seulement que le préfet de l'Hérault procède à un nouvel examen de la situation de l'intéressée ; qu'il y a lieu, en l'espèce, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11 Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier de la somme de 800 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 14 octobre 2016 est annulé en tant qu'il porte obligation à Mme B...de quitter le territoire dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays de renvoi.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Ruffel une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...se disantB..., à Me Ruffel et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 avril 2018.
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N° 17MA02797