Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 janvier 2017et deux mémoires enregistrés le 25 septembre 2017 et 19 octobre 2017, l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon représentée par la société d'avocats PWC, agissant par Me B... et Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'ordonner le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total de 1 080 066 euros, assorti des intérêts légaux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 18 000 euros au titre des frais de justice.
Elle soutient que :
- le jugement ne s'est pas prononcé expressément sur son moyen subsidiaire tiré de ce qu'elle réalise des livraisons intra communautaires au profit de la société Intertrans ;
- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, seules les personnes physiques sont visées par l'article 256 A du code général des impôts, les personnes morales étant nécessairement considérées comme agissant de manière indépendante en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- la circonstance qu'elle ne réalise d'opérations qu'avec un seul client est sans incidence ;
- il en est de même de celle, au demeurant non établie, suivant laquelle elle ne disposerait d'aucune latitude de gestion ;
- l'administration fiscale et les premiers juges n'établissent pas le caractère fictif des opérations réalisées ;
- les opérations d'achat revente, qui ne sont pas contestées dans leur matérialité, constituent des livraisons intracommunautaires de biens, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon.
Il soutient que les moyens invoqués par l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la requérante et de M. C..., pour le ministre de l'action et des comptes publics.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon relève appel du jugement du 14 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'estime détentrice au titre des mois de septembre et décembre 2013, de la période du 1er juillet au 31 décembre 2014, et des mois de janvier à mars 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Montpellier a répondu, dans son considérant 7, au moyen invoqué à titre subsidiaire par l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon et tiré de ce qu'elle réaliserait des acquisitions intra communautaires, et l'a rejeté au motif de l'absence de toute opération économique assujettissable à la taxe sur la valeur ajoutée. Le jugement est régulier.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. L'article L. 76 du livre des procédures fiscales prévoit que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...). Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, dans le cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable.
4. Suite à la vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 2 avril au 19 juin 2014 portant sur la période du 17 mai 2013 au 31 janvier 2014, dans le cadre de la procédure contradictoire de redressement dont elle a fait l'objet, et de la proposition de rectification du 9 mars 2015 notifiée à la société, celle-ci a réclamé le 5 octobre 2015 à l'administration fiscale, que lui soient communiqués, sur le fondement de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, les documents attestant de la double immatriculation des véhicules vendus par la société à la société Intertrans, dont faisait état le service. En réponse, l'interlocuteur départemental a indiqué à la société, le 2 décembre 2015, que les numéros d'immatriculation néerlandais des véhicules avaient déjà été communiqués par le service en annexe 2 à la proposition de rectification, et figuraient également en annexe 1 à ce même document, sur les factures émises par la société Intertrans. La proposition de rectification mentionne les droits de communication exercés par l'administration fiscale auprès des concessionnaires automobiles français, de la gendarmerie nationale et du ministère de l'intérieur, qui ont permis d'obtenir des copies de factures, modalités de paiement et de livraisons, copie du compte client pour la société contribuable, ainsi que les noms et adresses des propriétaires des véhicules concernés. Il ne résulte pas de ces éléments que l'administration aurait obtenu d'autres documents que ceux cités dans la proposition de rectification, dont elle aurait refusé la communication à la société contribuable. Les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". L'article 256 A du même code prévoit que : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...). Enfin le 1 du I de l'article 271 du code général des impôts dispose : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Les dispositions précitées des articles 256 et 256 A du code général des impôts doivent être interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 dont elles assurent la transposition ; qu'aux termes de l'article 9, paragraphe 1, de la même directive : " Est considéré comme "assujetti" quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. / Est considérée comme "activité économique" toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). / Est en particulier considérée comme activité économique, l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Le droit à déduction de la TVA grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique. Il y a lieu d'examiner, dans ce cas, si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti.
7. Il résulte de l'instruction que l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon a été créée le 17 mai 2013 avec pour objet le leasing, la location et l'achat-vente de tout véhicule terrestre à moteur. Son siège social est à Castelnau le Lez. Son associé unique est la société néerlandaise B.J D...Beheer BV, et son gérant, M. D..., l'est également de la société néerlandaise. Elle n'a pas de locaux d'exploitation, mais une salariée à Castelnau Le Lez. Elle soutient acquérir en France auprès de concessionnaires français, des véhicules éligibles à la prime écologique, voitures qui sont directement livrées aux Pays-Bas, à la société Intertrans qui les loue et les revend dans un délai très bref aux clients néerlandais. Les fonds utilisés dans le cadre de ces opérations sont ceux de la société Intertrans. Les ressources françaises de l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon proviennent exclusivement de virements de la société Intertrans et des bonus écologiques perçus. C'est également la société néerlandaise Intertrans qui assure les véhicules. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif de l'activité de la société contribuable. Dans ces conditions, peu important à cet égard sa constitution sous forme d'EURL, la société ne saurait être regardée comme un assujetti exerçant une activité économique au sens et pour l'application des dispositions précitées. L'argumention suivant laquelle la création de la société ne répondrait pas à des considérations de pure opportunité, mais à des nécessités inhérentes au contexte de commercialisation des véhicules ne saurait être admise.
8. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, la société contribuable n'a pas davantage réalisé des opérations d'achat revente au bénéfice de la société Intertrans. Le moyen invoqué, à titre subsidiaire, de ce qu'elle aurait réalisé des acquisitions intra communautaires doit être écarté.
9. C'est dans ces conditions à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la TVA déduite par la société.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au remboursement des frais de justice seront rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Inter Leasing et Location Languedoc Roussillon et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
N°17MA00176 2