Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2017, Mme B..., représentée par Me Callen agissant pour le compte de la SELARL Grimaldi-Molina et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la même décision viole les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cet arrêté est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 23 janvier 2017 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Paix.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne relève appel du jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et fixé le pays de destination.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Et l'article R. 313-22 du même code précise que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) ". Enfin, l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de l'article R. 313-22 du même code stipule que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ". Et l'article L. 511- 4 du même code précise que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. ".
3. Mme B..., née en 1949, est entrée en France le 1er février 2015. Elle a formulé une demande de reconnaissance de statut de réfugié, qui a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, le 30 octobre 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 septembre 2016. Elle a alors fait l'objet d'un refus de titre de séjour par le préfet des Bouches-du-Rhône le 23 janvier 2017. Sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée par le préfet des Bouches-du-Rhône au motif, notamment, que le 1er décembre 2016, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé des Bouches-du-Rhône a déclaré que son état de santé nécessitait une prise en charge, mais que le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une extrême gravité, et qu'il existe un traitement approprié de sa prise en charge médicale dans son pays d'origine. Toutefois, Mme B... produit plusieurs certificats médicaux de praticiens différents, dont certains très circonstanciés d'un médecin psychiatre, le docteur Lopez. Ces trois certificats établis le 6 octobre 2016, 9 février 2017 et 13 juillet 2017 établissent que Mme B... souffre, notamment, d'une sévère et profonde dépression liée à son parcours de vie et à sa fuite de son pays d'origine, et d'une démence de type Alzheimer débutante. Ils mentionnent qu'elle est atteinte d'une polypathologie psychiatrique, de troubles anxio-dépressifs sévères, de troubles cognitifs fonctionnels, de troubles adaptatifs et de troubles post traumatiques à la suite d'une agression subie en 2012. Ils mentionnent qu'elle doit bénéficier de son accompagnement psychiatrique pour une durée de deux ans au moins. Par ailleurs, il résulte également des affirmations très circonstanciées de Mme B... qu'elle a fui l'Arménie à la suite de violences subies à l'encontre de ses enfants, et de la disparition de son époux, en 2014, et que plusieurs membres de sa famille y sont décédés. Dès lors, et dans les conditions très particulières de l'espèce, en refusant de lui accorder un titre de séjour en qualité d'étranger malade, en lui faisant injonction de quitter le territoire français, et en fixant son pays d'origine comme destination de retour, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
5. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Callen, avocat de la requérante, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 juillet 2017 du tribunal administratif de Marseille et la décision du 23 janvier 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : L'État versera à Me Callen la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me Callen et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 novembre 2018.
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N° 17MA03593