Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2020, M. A... B..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté attaqué n'est pas compétent pour ce faire ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de sa demande de titre de séjour ;
- l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.
Par un mémoire enregistré le 9 juillet 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens du requérant sont infondés.
Une ordonnance du 9 juillet 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 9 août 2021 à 12 heures.
Les parties ont averties le 13 août 2021 de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que devant le tribunal administratif de Montpellier, le requérant n'a invoqué que des moyens tirés de la légalité interne de l'arrêté attaqué. La requête d'appel fait valoir que le préfet ne justifie pas de la compétence de l'auteur de l'arrêté attaqué. Ce moyen de légalité externe nouveau en appel, qui se rattache à une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens invoqués en première instance est irrecevable.
Vu le courrier en réponse à ce moyen d'ordre public enregistré le 14 août 2021 présenté pour M. B....
Vu le courrier en réponse à ce moyen d'ordre public enregistré le 23 août 2021 présenté par le préfet de l'Hérault.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Ury.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc, né le 30 août 1994, a sollicité le 6 novembre 2018 une demande de carte de séjour au titre de sa vie privée et familiale et au titre de salarié, en se prévalant de son mariage avec une ressortissante résidant régulièrement en France, ainsi qu'en produisant un contrat de travail à durée indéterminée avec prise d'effet au 6 décembre 2016, et une demande d'autorisation de travail du 2 novembre 2018 émanant d'un employeur établi à Béziers. Il relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. D'une part, il ressort des pièces du dossier, que M. D... C..., sous-préfet de Béziers, a reçu, par un arrêté du 8 juin 2018 du préfet de l'Hérault, régulièrement publié, délégation à l'effet de signer, notamment, toutes les décisions relatives au séjour et à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée, qui est d'ordre public, doit être écarté.
3. D'autre part, M. B... fait valoir que le préfet n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de sa demande de titre de séjour en ne mentionnant pas sa relation avec une compatriote et la présence en France de la famille de celle-ci. Cependant, l'arrêté contesté énonce clairement les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sans que le préfet ait à reprendre l'ensemble de la situation personnelle du requérant. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à faire valoir que l'arrêté attaqué, a été pris au terme d'un examen incomplet de sa situation.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Néanmoins, ces stipulations ne sauraient s'interpréter comme comportant pour un Etat contractant l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... qui est entré en Grèce le 10 mars 2015 muni d'un visa de court séjour " Etats Schengen " valable du 9 mars 2015 au 2 avril 2015, déclare être entré en France le 15 mars 2015 et s'y maintenir depuis. Il s'est marié le 26 juin 2018 au consulat de Turquie à Marseille avec une ressortissante turque en situation régulière sur le territoire français, titulaire d'une carte de résident. Il ressort des écritures de M. B... que le couple vit ensemble depuis la date de leur mariage. Ainsi, à supposer que les fiançailles uniquement justifiées par des photos de la cérémonie aient été effectivement célébrées le 12 février 2018, la communauté de vie était très récente à la date de l'arrêté attaqué du 7 mai 2019. Il est constant que le couple peut s'établir en Turquie, pays dont ils ont chacun la nationalité sans que la circonstance que l'épouse de M. B... ne désire pas rejoindre ce pays, ait une incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Par ailleurs, en se bornant à produire une attestation émanant d'une association de Béziers qui déclare avoir reçu le requérant à trois reprises pour des soins de santé durant l'année 2015, et des bulletins de paies en qualité d'ouvrier pour l'année 2016 accompagnés d'un contrat à durée indéterminée avec une date d'effet au 6 décembre 2016, et alors même qu'il produit une demande d'autorisation du travail, M. B... n'établit pas sa présence régulière en France depuis la date présumée de son arrivée en France. Enfin, il est constant que le requérant a eu recours à un interprète pour présenter sa demande de titre de séjour. Ainsi, il ne démontre pas une insertion particulière dans la société française. Il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et deux de ses frères, sans que la circonstance que sa belle famille réside en France ait une incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Dans ces circonstances, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à mener une vie privée et familiale normale au sens des dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. En deuxième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, M. B... n'établit pas de liens personnels et familiaux en France au sens des dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code susvisé. Par suite, en tout état de cause, le préfet a légalement pu refuser le titre sollicité.
7. Eu égard à ce qui vient d'être dit, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions accessoires :
9. Le présent arrêt rejette les conclusions d'annulation de M. B.... Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés à l'occasion du litige doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
N° 20MA01054 2